Maryse Guimond, représentante spéciale d’ONU-femmes en Palestine, témoigne de l’horreur à Ghaza : «Ce que j'ai vu défie toute description»

25/06/2024 mis à jour: 16:13
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Maryse Guimond, représentante spéciale d’ONU-femmes - Photo : D. R.

Je viens de terminer une mission d’une semaine à Ghaza. Ce que j’ai vu défie toute description. Dès que vous entrez au passage de Kerem Shalom et que la clôture se referme derrière vous, vous vous sentez enfermé dans un monde de dévastation.

Des maisons, des hôpitaux, des écoles, des universités et des garderies ont été démolis. En vous dirigeant vers la zone médiane, vous ne voyez que des foules de gens – hommes, femmes et enfants –, dans des tentes de fortune, piégés dans un monde de pénurie.»

Ce témoignage bouleversant est de Maryse Guimond, représentante spéciale du Bureau d’ONU Femmes en Palestine, après une mission d’une semaine à l’intérieur de Ghaza, du 10 au 18 juin. Elle l’a livré vendredi dernier lors d’un point de presse à Genève dans lequel elle intervenait par visioconférence depuis la Palestine occupée, et ses déclarations ont été reprises par un document de presse d’ONU-Femmes.

Mme Guimond poursuit : «Plus d’un million de personnes à Ghaza sont constamment déplacées vers un endroit où elles ne sont pas en sécurité. Il n’y a aucun endroit sûr pour les femmes et les filles à Ghaza, dont beaucoup ont déjà été déplacées à plusieurs reprises – 5 à 10 fois – et n’ont pas eu accès aux services de base. Les gens se déplacent vers n’importe quel espace ouvert disponible, y compris les routes, les terres agricoles et les bâtiments endommagés.

Ils sont déplacés vers des zones de plus en plus petites et non équipées pour les accueillir.» Elle continue : «Après près de neuf mois de guerre, la population a été presque entièrement dépossédée des moyens et des capacités nécessaires pour assurer sa sécurité alimentaire, son logement, sa santé et ses moyens de subsistance.»

«Ghaza, c’est deux millions d’histoires de pertes»

Et de confier : «Les femmes me demandaient : ''Quand pouvons-nous rentrer chez nous ?'' (…) Des garçons et des filles m’interrogeaient : ''Quand cette guerre sera-t-elle terminée ?'' Et je n’avais aucune réponse à leur donner.» «La population de Ghaza demande que la guerre cesse», insiste la responsable onusienne. «Chaque jour où ce conflit se poursuit entraîne davantage de destructions et de meurtres. Il faut mettre un terme à cela.» Pour Maryse Guimond, «Ghaza, c’est plus de deux millions d’histoires de pertes.

Chaque femme que j’ai rencontrée a une histoire de perte. Plus de 10 000 femmes ont perdu la vie. Plus de 6000 familles ont perdu leur mère. Un million de femmes et de filles ont perdu leur dignité, leur foyer, leur famille, leur mémoire». «Les femmes ne veulent pas mourir, elles ne veulent pas enterrer leurs proches, elles ne veulent pas être laissées seules à souffrir.

Mon expérience à Ghaza a clarifié la gravité de ce message», glisse-t-elle avec émotion. «Il est crucial de protéger les droits et la dignité de la population de Ghaza, en particulier des femmes et des filles, qui ont supporté le poids de cette guerre. Nous regardons cela en direct sur les réseaux sociaux et à la télévision tous les jours», plaide la directrice d’ONU Femmes en Palestine. L’ONG Save the Children a révélé de son côté hier que plusieurs milliers d’enfants palestiniens sont portés disparus à Ghaza.

L’ONG suppose qu’ils sont soit ensevelis sous les décombres, soit enterrés dans des fosses communes, ou encore détenus en quelque lieu tenu secret. «Il est presque impossible de collecter et de vérifier des informations dans les conditions actuelles à Ghaza, mais on pense qu’au moins 17 000 enfants ne sont pas accompagnés et séparés, et environ 4000 enfants sont probablement portés disparus sous les décombres, avec un nombre indéterminé également dans des fosses communes», affirme l’ONG dans un communiqué.

Elle estime également qu’un «nombre indéterminé» de mineurs «ont été victimes de disparitions forcées », qu’ils ont été « arrêtés et transférés de force hors de Ghaza, sans que leurs familles ne sachent où ils se trouvent, alors que des informations font état de mauvais traitements et de torture».

Autre sujet qui demeure fortement préoccupant à Ghaza : l’acheminement de l’aide humanitaire est devenu extrêmement compliqué, voire impossible depuis la fermeture du poste frontalier de Rafah le 7 mai. «Malgré toutes les pauses tactiques annoncées, la situation est telle, qu’aucune aide n’arrive à Ghaza», a déploré Josep Borell, Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères en marge du Conseil des affaires étrangères de l’UE, qui s’est tenu ce lundi au Luxembourg. «L’aide s’accumule à l’extérieur des frontières.

Certains de ces biens seront détruits, inutilisés, perdus», ajoute-t-il, avant de préciser : «L’important n’est pas la valeur financière des choses qui seront perdues, mais le fait qu’elles ne puissent pas entrer.

Et si elles entrent, il n’est pas possible de les distribuer, car il n’y a aucun type d’organisation. Le tissu social, et pas seulement les bâtiments, a été détruit et la société civile s’effondre.» Le chef de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, a signalé des actes de «pillage» qui viennent aggraver la situation à Ghaza. «L’effondrement de l’ordre civil donne lieu à des pillages et à une contrebande généralisés qui entravent l’acheminement de l’aide humanitaire», a alerté M. Lazzarini au cours d’une réunion à Genève, rapporte l’APS.

Par ailleurs, l’UNRWA est revenue sur le cas des élèves palestiniens privés de passer les épreuves du bac qui ont débuté samedi en Palestine. Sur les 89 000 candidats recensés dans les Territoires palestiniens occupés, 39 000 n’ont pas passé les examens, à savoir ceux de la bande de Ghaza. «Priver d’examens 39 000 lycéens de Ghaza ajoute une autre dimension à notre tristesse», a déclaré Sam Rose, directeur de la planification de l’UNRWA.

Il a fait savoir dans la foulée que «plus d’un demi-million d’enfants dans la bande de Ghaza sont privés d’éducation depuis plus de 8 mois». «Il est horrible que ces enfants soient privés de la possibilité d’apprendre», a-t-il regretté. D’après l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, 76% des écoles de l’enclave martyrisée nécessiteraient «une reconstruction complète ou une réhabilitation majeure».

«La phase intense est sur le point de se terminer à Rafah»

Selon le ministère de la Santé à Ghaza, le bilan de la guerre s’élève désormais à 37 626 morts et 86 098 blessés. La même source indique que 28 Palestiniens ont été tués et 66 autres ont été blessés en 24 heures, entre dimanche et lundi. Au cours de la journée d’hier, une série de bombardements a de nouveau ciblé ce lundi divers secteurs de la bande de Ghaza.

D’après l’agence Wafa, deux personnes ont été tuées dans la nuit de dimanche à lundi, suite à un raid qui a ciblé la clinique Al Bandar, à Haï Al Daraj, dans la ville de Ghaza. L’un des deux victimes est le chef du service des urgences de cette clinique, Hani Al Jaâfarawi.

Des opérations militaires ont été menées aussi à Haï Al Zeitoun,  à l’est de la ville de Ghaza. Les équipes de secours ont retiré la dépouille d’un civil tué à la rue Al Sikka, à l’est de Haï Al Zeitoun, suite à une frappe israélienne. A Ghaza-ville toujours, l’artillerie sioniste a pilonné le secteur de Cheikh Adjline ainsi que le rond-point Nabolci.

Au Sud, des soldats israéliens ont ouvert le feu sur des civils palestiniens à Khan Younès. Des tirs intensifs d’artillerie ont pilonné en outre des immeubles résidentiels au quartier saoudien à l’ouest de Rafah.

Des offensives similaires ont été signalées au quartier dit Brésil, au camp Shaboura et à Tell Al Soltane, dans la ville de Rafah. Benyamin Netanyahu a affirmé dimanche dans une interview à la chaîne israélienne Channel 14 que «la phase intense des combats contre le Hamas est sur le point de se terminer».

Il précise : «Cela ne signifie pas que la guerre est sur le point de se terminer, mais dans sa phase intense, elle est sur le point de se terminer à Rafah.» «Après la fin de la phase intense, nous serons en mesure de redéployer certaines forces vers le nord, et nous le ferons, principalement à des fins défensives, mais aussi pour ramener les habitants déplacés chez eux», a-t-il ajouté.   

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