La chaîne de télévision franco-allemande de service public, Arte vient de diffuser un reportage sur le scandale de corruption au Parlement européen, qui «jette le soupçon sur tous ceux qui travaillent avec le Maroc», enfonçant davantage le makhzen. Suite au scandale de corruption qui éclabousse le Parlement européen depuis décembre dernier, le média franco-allemand a diffusé un reportage intitulé «Marocgate : à quoi joue le Maroc ?» dans lequel il remet en question certaines décisions prises par l’Union européenne (UE), comme dans l’affaire Pegasus, les accords de pêche avec le Maroc ou encore concernant le respect des droits humains dans le royaume. «Comment expliquer par exemple que l’affaire Pegasus ait été étouffée malgré le scandale ?» s’interroge Arte. «L’affaire Pegasus, c’est l’usage excessif par les autorités marocaines d’un logiciel d’espionnage vendu par «l’entité sioniste» a très peu d’Etats, le Maroc en a bénéficié et la justice a parlé de 100 000 personnalités qui ont été espionnées, dont bien sûr des personnalités européennes, des parlementaires et des ministres», assure le directeur du Centre d’étude sur le monde arabe à Genève, Hasni Abidi. «Evidemment, toutes les chancelleries occidentales ont tout fait pour étouffer cette affaire et certains parlementaires proches des autorités marocaines ont aussi tout fait pour que le Parlement européen ne condamne pas les pratiques marocaines en termes d’espionnage», a-t-il ajouté. Concernant les accords de pêche avec le Maroc que le réalisateur du reportage audiovisuel qualifie d’«affaire embarrassante», Arte se demande pourquoi l’Europe les a signés «alors même qu’ils ne respectent pas la législation internationale et notamment l’autodétermination du Sahara occidental ?» «Les discussions étaient assez dures, assez âpres, notamment parce que cet accord inclut le territoire du Sahara occidental. Or, l’Union européenne s’aligne en principe sur les points de vue internationaux, notamment les Nations unies. On sait que dans le cadre de ces négociations, il y a eu un lobbying assez intense pour influencer les membres de ce Parlement», se rappelle Saskia Bricmont, députée européenne du groupe des Verts et membre de la délégation européenne pour les Relations avec les pays du Maghreb. «Avec du recul, l’apparition de ce scandale (Marocogate) et du lien évident avec le Maroc, il est vrai que cette assemblée (le Parlement européen, ndlr) n’a pas adopté avec clarté des résolutions d’urgence qui soient critiques vis-à-vis du Maroc depuis de nombreuses années», a constaté l’eurodéputée. Pour ce qui est du respect des droits humains au Maroc, sujet «longtemps tabou» dans l’hémicycle européen, reconnaît le réalisateur du reportage, Arte affirme que «le temps de l’impunité (du Maroc) est révolu depuis la mi-janvier, quand les parlementaires européens ont adopté avec une majorité écrasante une résolution condamnant les atteintes à la liberté d’expression au Maroc, en citant notamment le cas d’Omar Radi, un journaliste indépendant critique à l’égard du pouvoir et condamné à six ans de prison». Cette condamnation «constitue un tournant dans la pratique du Parlement européen à l’égard du Maroc. Jamais auparavant, le Parlement européen n’a osé franchir ce cap, condamner publiquement et presque avec unanimité le Maroc», constate Hasni Abidi. Très déconcertée par le scandale qui a nettement entaché la crédibilité de l’institution européenne, Nathalie Loiseau, députée du groupe Renew et membre de la délégation pour les relations avec les pays du Maghreb, déclare au début du reportage : «Vous avez une majorité de parlementaires qui font leur travail de manière extrêmement sérieuse et intègre et qui sont comme moi en colère», ajoutant que si les faits sont confirmés au terme de l’enquête actuellement en cours à Bruxelles, «cela portera préjudice à notre volonté de travailler avec le Maroc». Pour résumer l’état d’esprit qui règne actuellement au sein de l’hémicycle européen, Arte qualifie l’affaire «Marocogate» d’«embarrassante». «L’affaire est embarrassante parce qu’elle éclabousse le Parlement européen et jette le soupçon sur tous ceux qui travaillent avec le Maroc.»