Maria Angeles Colsa Herrera. Présidente du Centre international pour l’identification de migrants disparus, Malaga (Espagne) : «Les routes maritimes irrégulières sont meurtrières»

05/10/2024 mis à jour: 08:00
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Photo : D. R.

De plus en plus de jeunes et moins jeunes, dont des femmes, prennent, d’une manière irrégulière, la mer dans des «patera» au risque de leur vie. Beaucoup ont péri dans la Méditerranée, des centaines de personnes sont toujours portées disparues. La présidente du Centre international pour l’identification des migrants disparus (Cipimd), basé à Malaga, parle avec amertume du phénomène des migrants clandestins et nous donne quelques chiffres effarants sur les disparus. Début septembre, des milliers de jeunes Marocains auxquels étaient mêlés des migrants subsahariens irréguliers ont essayé de gagner les côtes espagnoles.

  • Le phénomène de la migration du Sud vers le Nord a atteint son paroxysme depuis 2023, auriez-vous des chiffres de personnes arrivées dans le sud de l’Espagne en cette période ?

Le ministère de l’Intérieur espagnol différencie les arrivées aux Canaries de la Péninsule-Baléares, sans donner de précision quant aux chiffres par région. Pour Les Baléares, les chiffres ont explosé en 2024. Du 1er janvier de cette année au 31 août, 7919 personnes sont arrivées à bord de 62 embarcations. Par rapport à la même période de 2023, on constate une baisse de 15,8%.

Ces données correspondent à la Péninsule et les Baléares. Les Canaries enregistrent par contre une augmentation de 123,1% par rapport à l’année dernière ; ce qui fait que le chiffre global d’entrée en Espagne est de +59,2%. Malheureusement, on parle de beaucoup de disparus et de morts. Les naufrages ont baissé par rapport à la même période de 2023.

  • Avez-vous un bilan des disparus et des morts en 2023-2024 ?

Au 31 août 2024, nous avons recensé 17 embarcations disparues ou naufragées avec un total de 277 passagers dont 192 sont des victimes. Le problème qui se pose aux autorités espagnoles, c’est l’identification des corps repêchés.

  • Avez-vous une idée sur le nombre de corps dans les morgues des hôpitaux espagnols ?

Il faut savoir que les Instituts médicaux légaux ne donnent pas de chiffres, donc il est difficile d’indiquer combien de corps sont actuellement non identifiés au niveau national.

  • Combien de jours la morgue garde-t-elle les corps avant de les enterrer ?

Pendant que l’instruction est en cours, ils sont conservés. Cependant, il est possible que si les infrastructures n’arrivent pas à suivre, parce qu’il y a un besoin d’espace ponctuel, la victime est inhumée.

  • Etes-vous en contact avec les autorités des pays émetteurs de migrants pour le rapatriement des corps identifiés ?

Cette démarche est propre aux familles que nous dirigeons vers leurs consulats respectifs selon la ville en Espagne. A leur demande, nous leur indiquons la procédure.

  • Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans le traitement des dossiers de migrants disparus ?

Les réseaux sociaux sont un véritable problème, car certains disent être des experts ou qu’ils vont «aider», profitant du désarroi des familles. L’escroquerie est de mise ! Donc, lorsque les proches des victimes sont contactés, ceux-ci se méfient ; ils ne savent pas qui croire… Ce qui pose une réelle difficulté.

  • Avez-vous un message à passer aux migrants, à leurs parents ?

Les routes maritimes irrégulières sont meurtrières. Beaucoup y perdent la vie, tandis que l’Europe se barricade encore plus avec des politiques qui bafouent les droits humains. Nous assistons à l’utilisation de la migration comme si celle-ci n’était pas humaine avec une histoire propre, des espoirs et surtout la soif de réussite qui n’est pas possible dans le pays d’origine. Le bien le plus précieux que nous avons tous en commun est la vie, donc il faut la préserver par-dessus tout.

Les autorités espagnoles, comme pour le reste des 26 autres pays européens, sont assujetties aux normes européennes. Ils doivent travailler pour des voies sûres et pour une obtention de visas sans que cette dernière ne soit une course d’obstacles. Le continent ne cesse de vieillir et il a un besoin impératif de migrants pour son développement économique et démographique. Les pays d’origine doivent repourvoir leur population et tout faire pour que la force vive ne les quitte pas.

 

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