Ce n’est pas la première fois que des accrochages entre l’Iran et l’entité sioniste se produisent, mais les observateurs, et notamment le marché pétrolier, n’ont pas constaté une grande influence sur la variation des prix du pétrole, comme dans les années 1970 durant lesquelles ils se sont envolés.
La crainte de l’embrasement du Moyen-Orient a baissé depuis le processus de Néguev et les accords d’Abraham, où la majorité des pays détendeurs des réserves pétrolières et contrôleurs des corridors d’approvisionnement du pétrole dans le monde ont adhéré à la normalisation avec l’entité sioniste. Il fallait attendre le 2 octobre, lorsque le président américain, Joe Biden, avait déclaré avoir une «discussion» avec «Israël» sur d’éventuelles frappes contre les installations pétrolières iraniennes, que la crainte progresse pour inverser la situation. A l’heure où nous écrivons, le prix du Brent, qui se rapproche du mélange saharien algérien, n’est pas loin de 79 dollars le baril. Pourtant, depuis le début de l’année à aujourd’hui, les prix du même type étaient tombés à 68,68 dollars le baril. Globalement, les prix ont évolué selon l’analyse d’Ifpen, qui signalait par la même occasion un excèdent d’offre comme suit, si l’on se réfère uniquement à la dernière semaine de septembre :
On remarque donc que ni les attaques israélo-iraniennes et encore moins la baisse du stock américain n’ont eu cette fois-ci une influence quelconque sur les prix de l’or noir. Pourtant ce qui a été confirmé lors de cette période, c’est ce lien entre le taux d’intérêt et les prix du pétrole. En effet, la décision de la Banque fédérale américaine (FED) a fait monter les prix, ce qui a freiné leur chute au mois d’août dernier. Historiquement, analyse un expert dans les colonnes du journal El Watan, reprenant une étude américaine qui lie intimement ce phénomène de la variation du taux d’intérêt, les marchés financiers et le prix du pétrole. Ce fait nouveau est apparu depuis le début des années 2000. Ainsi la FED américaine, initiatrice de cette étude, a pris trois périodes liées certainement aux vecteurs de croissance américains (bulles). Durant ces trois périodes, la Banque baisse le taux d’intérêt et observe ces facteurs.
La première pour contrer des effets de l’éclatement de la bulle d’internet en 2001. La seconde pour faire un constat sur les effets en réponse aux dégâts économiques causés par la crise économique des subprimes entre 2007-2008, qui a laissé son empreinte à ce jour ; la troisième en plein Covid-19 entre 2019 et 2020 pour remonter l’activité économique, surtout celle imposée par la guerre commerciale contre la Chine et cette pandémie. L’analyse de ces trois cycles conforte le lien de causalité entre les baisses des taux d’intérêt à court terme et la hausse des prix des produits de base, même si ces baisses se différencient les unes des autres en termes de rapidité, d’ampleur et d’impact final sur les marchés des matières premières. Pourquoi, explique-t-on ? Parce qu’une telle baisse se retourne en un contexte favorable pour maintenir une demande forte pour la matière première, dont le pétrole, et des niveaux des prix élevés. En un mot, la baisse du taux d’intérêt attire les investissements et dynamise l’activité économique, facteur de croissance.
1- la cohésion de l’OPEP+ est fortement dépendante de sa discipline. Il faut souligner par ailleurs que dans l’OPEP et ses alliés de l’OPEP+, de nombreux membres supportent mal une conciliation entre une baisse des prix du baril et la diminution de la production liée au quota que l’Organisation s’impose pour stabiliser ces prix. Ces pays, comme la Russie qui fait face à des sanctions économiques et financières imposées par l’Europe et les Etats-Unis. D’autres, comme le Kazakhstan, le Venezuela, l’Algérie, le Nigeria, la Libye, l’Irak, pour ne citer que ceux-là, les recettes pétrolières servent à l’équilibre de leur budget.
L’OPEP devait cette année perdre son 13e membre pour cette raison. L’Angola, qui conteste la réduction de la production du pétrole, quitte l’équipe depuis le 1er janvier 2024. C’est justement dans ce contexte que les réunions ministérielles du Comité ministériel conjoint de suivi (JMMC), qui se tient souvent mensuellement, montrent l’étirement des nombreux membres sur cette question. En effet, la dernière réunion, en date du mercredi 2 octobre 2024, a débuté par les compensations de trois pays, qui sont la République du Kazakhstan, la Fédération de Russie et la République d’Irak, pour déclarer d’emblée avant d’aller plus loin qu’ils «avaient atteint la pleine conformité et la pleine compensation conformément aux calendriers soumis pour septembre. Les trois pays ont réitéré leur ferme engagement à maintenir la pleine conformité et la pleine compensation pendant toute la durée restante de l’accord».
Dans le communiqué, on lit que le JMMC a insisté sur l’importance «cruciale» de parvenir à une conformité et une compensation totale. Ce qui n’a pas été dit dans le communiqué mais repris par de nombreux sites spécialisés, qui leur est fourni par le Wall Street Journal, c’est que le ministre saoudien, le prince Abdelaziz Ben Salmane, «aurait» mis en garde l’ensemble des membres du cartel contre le non-respect des quotas fixés par l’OPEP+, «qui pourrait faire chuter le baril jusqu’à 50 dollars».
Il semble que pour la première fois dans l’histoire de l’Organisation, elle a été contrainte de démentir sur son compte X (ex-Twitter) ces propos rapportés par le quotidien financier. Les observateurs sentent une certaine tension entre des membres et le royaume de l’Arabie Saoudite à propos d’une incohérence dans sa démarche stratégique : dans les grands forums, elle soutient l’utilisation de l’énergie fossile en faisant des efforts de décarbonation. Mais en janvier dernier, pour justifier son indépendance de l’énergie fossile, elle trouve le moyen de lancer à ses clients, notamment asiatiques, qu’elle allait baisser les prix, comment ?
Par ouvrir ces vannes au marché pétrolier. Cette information est parvenue par un communiqué du géant saoudien Aramco, remis à l’Agence France- Presse (AFP). Cette offensive a été concrétisée au mois d’août par une diminution de son prix de vente officiel (OSP) d’octobre pour le brut léger arabe, qui devrait baisser de 50 à 70 cents le baril. Il est clair que le royaume suit sa démarche qui doit être en adéquation avec sa politique énergétique, mais souvent sans penser aux petits producteurs qui sont réellement dans le besoin pour faire marcher leurs économies.
2- Les analystes américains ont une autre perspective plus optimiste des prix. Les deux banques les plus suivies, Goldman Sachs et la Banque of America (BofA), semblent tout à fait tranquilles pour une évolution positive des prix du baril dans les principales places dans le monde. En effet, dans un débat croisé sur la situation du marché actuellement, elles soutiennent des cours en hausse malgré les conditions économiques difficiles d’abord en Chine puis aux Etats-Unis même. Elles reconnaissent la complexité du contexte géopolitique, mais les organisations financières sont unanimes sur le maintien d’un prix consensuel qui pourrait arriver à très court terme à se stabiliser autour du 80 dollars. Goldman Sachs prévoit une stabilité immédiate à 77 dollars pour le Brent dès ce dernier trimestre en cours. Elle avance que l’offre mondiale devrait baisser de 500 000 barils par jour qui viendrait de la production canadienne, la Fédération de Russie et les champs de schiste des Etats-Unis. Elle mise en parallèle sur une augmentation de la demande, notamment en Chine et les pays de l’OCDE, qui seront encouragés par un assouplissement de la politique chinoise.
Pour elle, cette volatilité n’aura pas une influence sur les prix à long terme, qui resteront solides. Elle mise aussi sur un écart de prix entre les contrats de Brent à 1 mois et à 36 mois, qu’elle estime sous-évalué de 8 dollars. Pour la Banque of America, elle partage la vision de sa consœur, mais pas pour le même motif. Les analystes de la deuxième banque des Etats-Unis et sixième dans le monde étayent que les prévisions boursières actuelles sont fondées sur des facteurs comme la faiblesse de la demande chinoise et les tensions internes à l’OPEP+. Comment anticipe-t-elle l’inversion de cette tendance ?
Elle évoque un processus qu’elle appelle «la révolution de la productivité», qui sera portée par des progrès technologiques (ce qui est nouveau) : «l’intelligence artificielle».
Ce processus exigera une consommation énergétique accrue, en particulier de sources fiables, comme le gaz naturel, qui pourrait remplacer le charbon dans certains secteurs.
Reghis Raba , Economiste pétrolier