Selon la 11e édition du rapport de l’Observatoire de l’Organisation mondiale du travail (OIT) publié hier à Genève, la fracture de l’emploi dans le monde risque de se creuser davantage dans les pays à faible revenu si aucune action n’est lancée et si la coopération internationale n’est pas développée pour lutter contre les disparités entre les pays à faible revenu et les pays à revenu élevé.
Surtout que le marché du travail tarde à reprendre après la série de crises que le monde a traversées. Autrement dit, cette polycrise continue d’affecter certaines régions du monde, particulièrement les pays à faible revenu.
Ainsi, si dans les pays en développement, la réponse à ces crises est contrariée par la conjonction d’une forte inflation, de taux d’intérêts élevés et le risque grandissant de surendettement, dans les pays à faible revenu, l’Afrique et les Etats arabes ne devraient pas revenir aux niveaux de chômage pré-pandémie. «Les pays à faible revenu en Afrique et dans le monde arabe ont peu de chances de retrouver cette année leur niveau de chômage pré-pandémie», résume l’OIT.
En Afrique du Nord, par exemple, le taux de chômage devrait se situer à haute de 11,2% cette année (le même niveau que celui de l’année dernière) contre 10,9%. C’est-à-dire qu’il restera toujours élevé par rapport à la période qui a précédé la crise sanitaire de Covid-19. Ce taux sera de 6,3% en Afrique subsaharienne (5,7% en 2019) et de 9,3% dans les Etats arabes (8,7% en 2019).
Et effet, selon le rapport de l’OIT, même si le taux de chômage dans le monde devrait baisser en 2023 au-dessous de son niveau durant la pandémie, «cela reflète plutôt une résilience plus forte que prévu dans les pays à revenu élevé qu’une reprise généralisée». Au total à travers le monde, le chômage concerner 191 millions de personnes. Ce qui correspond à un taux de chômage mondial de 5,3%
Le déficit d’emplois dans le monde s’aggrave
Autre indicateur de l’OIT, cette année, le déficit d’emplois dans le monde devrait toucher 453 millions de personnes (11,7%), soit plus du double du niveau du chômage, selon la même source.
Ce nouvel indicateur développé par l’OIT prend en compte l’ensemble des personnes qui souhaiteraient travailler mais qui n’ont pas d’emploi et constitue, selon les rédacteurs du rapport, une mesure plus complète de la demande d’emploi non satisfaite, en particulier dans les pays en développement. Ces variations révèlent justement une nouvelle fracture mondiale en matière d’emploi.
Les pays à faible revenu connaissent le taux de déficit d’emploi le plus élevé, avec un taux inquiétant de 21,5%. Les pays qui sont en situation de surendettement sont confrontés à un déficit d’emplois nettement plus important, atteignant 25,7%. Parallèlement, dans les pays à revenu intermédiaire, le taux est légèrement supérieur à 11%. Les pays à revenu élevé enregistrent les taux les plus bas, soit 8,2%. En outre, les pays à faible revenu constituent le seul groupe à connaître une hausse du taux de déficit d’emploi sur la durée, de 19,1% en 2005 à 21,5% en 2023, indique le rapport.
«Cela reflète le fait que les contraintes financières et budgétaires entravent les réponses politiques, accentuant ainsi l’aggravation des conditions sur le marché du travail», analyse le document. Et d’appeler en conclusion à un soutien financier coordonné pour la création d’emplois et la protection sociale en période de crises et chocs multiples. Objectif : «Assurer que la reprise et la reconstruction ne laissent personne de côté et de soutenir une transformation structurelle à long terme.»
Le rapport souligne, par ailleurs, l’importance fondamentale de créer un espace budgétaire pour les investissements sociaux dans les pays à faible revenu. «Cela doit être envisagé d’urgence dans le cadre de la discussion mondiale actuelle sur la réforme de l’architecture financière internationale», indique encore l’Observatoire de l’OIT, qui lance une coalition mondiale pour la justice sociale. Cette coalition regroupera un large éventail d’acteurs et d’organismes multilatéraux.
«Elle contribuera à positionner la justice sociale comme la clé de voûte d’une reprise mondiale et à en faire une priorité pour les politiques et les actions nationales, régionales et mondiales», a déclaré le directeur général de l’OIT, Gilbert F. Houngbo.