Inauguré le 5 juillet 1982 pour marquer les 20 ans d’indépendance de l’Algérie, le monument historique et touristique Maqam Echahid (Sanctuaire du martyr) ne cesse de susciter l’intérêt des Algériens eu égard à une singulière architecture rehaussée par un positionnement stratégique. Ces derniers y voient également toute la symbolique des sacrifices consentis contre l’occupant français et leurs aspirations futures. C’est ainsi que les visiteurs nationaux ou étrangers sont séduits par ce site imposant qui occupe le-devant de la scène, à l’occasion de chaque célébration historique, comme lors de cette année de célébration du soixantenaire du recouvrement de la souveraineté nationale. Erigé sur la colline d’El Hamma, sur une superficie d’un hectare, le mémorial du Maqam Echahid surplombe majestueusement des quartiers de la capitale et offre une vue saisissante et panoramique, notamment sur la baie d’Alger. Commentant le choix de cette colline pour y ériger cet édifice, le chef de service des recherches en histoire au Musée du moudjahid, Oussama Houhou, a expliqué à l’APS que «cette colline était par le passé un important lieu de contrôle de l’activité agricole et de la côte algéroise, de même qu’elle a été le théâtre de plusieurs batailles, dont celle en riposte à l’attaque des troupes de Charles Quint en 1541 et qui s’était soldée par la défaite de ces dernières». Le site sur lequel a été érigé Maqam Echahid rappelle, en outre, le lieu (El Madania, ex-clos Salembier) de la réunion du «Groupe des 22 historiques» en juin 1954 pour préparer le déclenchement de la glorieuse Guerre de libération, ajoute M. Houhou, qui met en avant l’aspect «singulier» de l’édifice, composé de 3 palmes hautes de 97 mètres chacune, et se rencontrant à hauteur de 45 mètres dans un assemblage circulaire finissant en un dôme qui se démembre à 92 mètres de hauteur. Sur chacune des palmes se dresse une stèle en bronze symbolisant 3 étapes charnières de la lutte du peuple algérien: le mouvement national, l’Armée de libération nationale (ALN) et l’Armée nationale populaire (ANP), poursuit-il. On accède au Monument, tel que souvent désigné par les Algérois, depuis les quartiers Mohamed Belouizdad, El Mouradia ou encore El Madania et Kouba, desservis par un réseau de transports varié (bus, taxis, téléphérique), menant vers ce dernier. El Madania se référant aux frères éponymes, tombés au champ d’honneur lors des manifestations du 11 Décembre 1960, contre la présence coloniale française en Algérie.
L’empreinte d’une identité nationale
En plus d’être une «référence esthétique et artistique», le monument représente, pour l’affectif algérien, «un centre de puissance et l’illustration d’une nation forte de son passé et de son identité nationale», fait observer l’expert en urbanisme, le Pr Mustapha Mazouz, précisant que «les puissants Etats tiennent à traduire leur fierté pour le passé et leurs aspirations futures à travers des monuments édifiés sur la base d’un consensus social». «C’est le cas pour l’Algérie avec Maqam Echahid qui constitue une destination instructive quant à la lutte des Algériens et leurs projections futures», renchérit-il. Et de rappeler que la réalisation de cet édifice, conçu par l’artiste et consultant en architecture des monuments, Bachir Yelles, et le sculpteur polonais Marian Konieczny, a nécessité 323 jours de labeur et son aboutissement avait été accueilli avec bonheur par les Algériens, dont les moudjahidine, tant il revêt pour eux une symbolique particulière. Parmi ces moudjahidine, Tahar Hocine s’y rend souvent pour prendre part aux conférences abritées par le Musée national du moudjahid qui occupe le niveau inférieur de l’édifice architectural. «Ce monument représente beaucoup pour moi. Il doit bénéficier de la considération de tous, en ce qu’il rappelle la lutte du peuple algérien pour le recouvrement de sa souveraineté», insiste-t-il. Le lieu est souvent propice pour faire plonger Ami Tahar dans ses souvenirs lointains, se remémorant lorsqu’en 1947, sa famille s’était établie dans le quartier qui, se souvient-il, était une dense forêt avec quelques modestes habitations d’Algériens, qui ont été démolies au milieu des années 1950 pour les besoins d’une caserne militaire. Par ailleurs, le site connait une affluence de visiteurs nationaux et parfois étrangers, durant les vacances et week-end, poussés par la curiosité de découvrir de plus prés l’imposante construction qui, depuis plus de 40 ans, constitue un élément indissociable de la carte postale de la capitale, que d’aucuns aiment à partager sur les réseaux sociaux. C’est le cas de Nassiba, 26 ans, venue de Constantine avec sa famille et désireuse d’«en savoir plus sur ce gracieux mémorial, non loin de l’historique quartier de Belouizdad», souligne-t-elle. Ceux qui visitent Maqam Echahid pour la 1re fois tiennent à en immortaliser le souvenir au moyen de photos prises dans différentes postures, au milieu de la vaste place centrale ou sur les marches s’apparentant à celles d’un théâtre romain. «Ce monument n’est pas une simple bâtisse figée, mais un identifiant de l’identité d’un peuple. Ce pourquoi, il appartient à tout Algérien d’en être fier et d’en faire la promotion», avance Fadila, enseignante à Alger.