De petits groupes de jeunes en Ouganda ont bravé hier une interdiction de manifester malgré de nombreux barrages de la police anti-émeute massivement déployée dans la capitale Kampala et l’arrestation de plusieurs figures du mouvement, selon un de leurs avocats.
Les organisateurs de ces manifestations pour dénoncer la corruption et inspirées par le soulèvement de la jeunesse au Kenya, ont annoncé vouloir marcher en direction du Parlement, dont les alentours ont été bouclés par les forces de l’ordre.
Trois figures du mouvement, George Victor Otieno, Kennedy Ndyamuhaki et Praise Aloikin Opoloje, «ont été arrêtés alors qu’ils marchaient vers le Parlement et emmenés par la police dans un lieu inconnu», a déclaré un de leurs avocats, Ashraf Kwezi, poursuivant que «c’est le prix que nous sommes prêts à payer et nous ne nous arrêtons pas».
Un peu plus tôt, plusieurs manifestants ont été arrêtés par les forces de l’ordre. Plusieurs manifestants ont également crié «Anita must go» (Anita doit partir), en référence à Anita Among, la présidente du Parlement. «Certaines personnes ont défié la directive de la police de ne pas participer à la marche vers le Parlement et ont été sélectionnées pour être interrogées», a déclaré le porte-parole de la police ougandaise, Kituuma Rusoke, sans préciser le nombre de personnes arrêtées.
Le président Yoweri Museveni, qui dirige le pays d’Afrique de l’Est d’une main de fer depuis 1986, a lancé une mise en garde samedi et prévenu les manifestants qu’ils «jouaient avec le feu». A Kampala, des barrages routiers ont été érigés par la police, tenus par des agents en tenue anti-émeute et boucliers, certains portant des uniformes de camouflage. Autour du quartier d’affaires, les rues étaient inhabituellement désertes. Cela n’a pas dissuadé Ezra Rwanshande, avocat spécialisé dans la défense des droits humains, de participer à la manifestation à Kampala. «La manifestation pacifique est un droit inscrit dans la constitution ougandaise», a-t-il déclaré, «et nous ne relâcherons pas nos efforts jusqu’à ce que les corrompus soient démis de leurs fonctions.»
Corruption
Le mouvement, organisé hors de tout cadre politique, a pris forme sur les réseaux sociaux autour du hashtag «StopCorruption» et les rassemblements sont constitués de petits groupes éparpillés, parfois deux personnes, parfois une dizaine.
Lundi, trois députés de la Plateforme d’unité nationale (NUP), principal parti d’opposition, ont été placés en détention provisoire. Le dirigeant du NUP, Bobi Wine, candidat malheureux à la dernière élection présidentielle de 2021, a apporté son soutien au mouvement. Les locaux du NUP sont également encerclés par les forces de l’ordre.
Les organisateurs s’inspirent des manifestations qui secouent depuis plus d’un mois le Kenya voisin. Depuis le 13 juin, des rassemblements y sont organisés contre un projet de budget décrié, finalement retiré par le président William Ruto, mais également contre la corruption. Le 25 juin, le Parlement a été brièvement pris d’assaut et la police a alors tiré à balles réelles.
Selon une organisation officielle de défense des droits humains, au moins 50 personnes ont été tuées au Kenya depuis le début des rassemblements.
En Ouganda, pays dont la population est parmi la plus jeune au monde avec les trois-quarts des habitants âgés de moins de 35 ans selon l’Unicef, les critiques contre la corruption s’inscrivent dans un contexte difficile pour trouver du travail et la liberté d’expression.
Selon l’ONG Transparency International, l’Ouganda, pays pauvre et enclavé de la région des Grands lacs, pointe au 141e rang sur 180 en matière de corruption.
Fin mai, les Etats-Unis ont imposé des sanctions contre cinq hauts responsables ougandais, dont Anita Among, en raison d’accusations de corruption ou de violation des droits humains. Kampala a critiqué cette décision, appelant au respect de sa «souveraineté» et de sa «justice».