Mandats d’Arrêt contre les dirigeants israéliens : Une poignée de pays se rebelle contre la CPI

27/11/2024 mis à jour: 07:08
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Le siège de la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye, Pays-Bas

Les 124 Etats parties au Statut de Rome sont tenus d’exécuter les décisions de la Cour pénale internationale (CPI), dans le cas où le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, et son ex-ministre de la Défense, Yoav Gallant, visés par des mandats d’arrêt internationaux, lancés par les juges de la 1re Chambre pénale de la CPI, franchiraient leur territoire. 

Il est vrai que la juridiction n’a pas d’instruments pour exécuter ses décisions, mais elle compte beaucoup sur la coopération des Etats-membres pour rendre ses décisions effectives sur terrain. Pour l’instant, seuls quelques pays ont dénoncé les décisions de la CPI et affirmé qu’ils ne les exécuteront pas. A leur tête, les Etats-Unis et au moins quatre Etats parties au Statut de Rome et des Etat. 

D’abord la Hongrie, qui préside actuellement l’Union européenne (UE). Son Premier ministre Victor Orbàn s’est non seulement opposé aux mandats d’arrêt, mais est allé loin, comme pour défier les magistrats de la CPI, en invitant son homologue israélien à se rendre dans son pays. La Slovaquie a adopté la même position qui consiste à rejeter les mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallant, mais la position de l’Allemagne a été très pernicieuse. Ainsi, vendredi dernier, le chef de la diplomatie allemande Annaléna Baerbock a affirmé à une chaîne de télévision allemande, que son pays «examine»  ce que «signifie» l’émission des mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallant «pour l’application en Allemagne». 

Interrogée sur une éventuelle arrestation des deux responsables israéliens, visés par les mandats d’arrêt, elle a répondu qu’elle (arrestation) reste «théorique», car pour elle, «ces responsables ne se trouvent pas en Allemagne pour le moment». Pourtant, elle a bien déclaré qu’en tant que «partie contractante de la CPI et Etat qui reconnait ce tribunal», l’Allemagne est de ce fait «liée aux décisions de cette juridiction». 

Mais, le porte-parole du gouvernement Steffen Hebestreit a clairement affirmé que  Berlin continuera à soutenir militairement Israël. «Notre position à l’égard d’Israël reste inchangée», a-t-il souligné lors d’une conférence de presse. L’Allemagne avait augmenté en octobre dernier ses livraisons d’armes à Israël, pendant que les forces armées d’occupation imposaient un siège au Nord,  privant sa population de nourriture, d’eau, d’électricité, de carburant et de médicaments et de soins, pendant que des raids intensifs ciblaient les quartiers résidentiels, les centres de réfugiés, les hôpitaux, les écoles et les infracteurs de base faisant près de 4000 morts en moins de deux mois, des milliers de blessés majoritairement des femmes et des enfants. 


«Les tribunaux examinent les mandats pour voir s’ils ne violent pas les lois britanniques»

Sachant que son pays est tenu de coopérer avec la CPI, le porte-parole du gouvernement allemand a  précisé que Berlin «soutenait généralement la CPI, mais qu’il n’avait pas encore décidé s’il mettrait effectivement en œuvre le mandat d’arrêt» à l’encontre des deux dirigeants israéliens, «en cas où ils entreraient sur le territoire allemand». Il a mis l’accent sur la «relation unique et la grande responsabilité de l’Allemagne à l’égard d’Israël». 

Tenant le bâton par le milieu, le Royaume-Uni, un des fervents alliés d’Israël, a considéré la CPI comme une instance fondamentale pour juger les pires crimes de guerre commis et qui touchent à la communauté internationale, mais a précisé toutefois qu’«Israël a le droit de se défendre en conformité avec le droit international. Il n’existe aucune égalité morale entre Israël, un Etat démocratique et le Hamas et le Hezbollah qui sont des organisations terroristes». 

 Tout comme l’Allemagne, il a annoncé qu’il va d’abord procéder à un examen juridique avant de décider si elle respectera ou non les mandats d’arrêt internationaux au regard du droit britannique. L’Autriche a également dénoncé les mandats d’arrêt contre les dirigeants israéliens lancés par la CPI, dont elle est Etat partie.  Son ministre des Affaires étrangères a qualifié les mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallant de «ridicules», et affirmé toutefois, que son pays «serait contraint de procéder à des arrestations si Benyamin Netanyahu et Yoav Gallant se rendaient en Autriche». 

La Tchéquie, Etat partie au Statut de Rome, s’est opposée «fermement» aux décisions de la CPI, et son Parlement a tout simplement annoncé la suspension de son adhésion à cette juridiction, en réaction aux mandats d’arrêt qu’elle a émis contre les dirigeants israéliens. Pour sa part, le Royaume-Uni a annoncé, lundi dernier, que les tribunaux britanniques examinent la décision d’exécuter ou non les mandats d’arrêt de la CPI. «Le gouvernement se conformera à ses obligations internationales» a déclaré le sous-secrétaire d’Etat Hamish Falconer, en réponse à une question de l’ancienne ministre britannique de l’Intérieur Priti Patel, qui interrogeait le gouvernement sur l’exécution des décisions de la CPI. 

«Il y a une procédure légale devant nos tribunaux indépendants pour déterminer s’il y a lieu de donner suite à un mandat d’arrêt de la CPI. Cette procédure n’a jamais été mise à l’épreuve, le Royaume-Uni n’ayant jamais reçu la visite d’une personne inculpée par la CPI», a souligné Falconer, en précisant : «La Cour pénale internationale est un organe important, le principal, pour faire respecter ces normes et les questions de compétence et de complémentarité ont été entendues par la Chambre de première instance. 


Trois juges ont rendu leurs conclusions et je pense que nous devrions les respecter. Toutes les actions du gouvernement actuel seront ‘‘fondées’’ sur le droit international.» Pour sa part, le porte-parole du gouvernement britannique a indiqué que le Royaume-Uni considérait la CPI comme une instance fondamentale pour juger les pires crimes commis et qui touchent la communauté internationale. Mais il a ajouté : «Israël a le droit de se défendre en conformité avec le droit international. Il n’existe aucune égalité morale entre Israël, un Etat démocratique et le Hamas et le Hezbollah qui sont des organisations terroristes.» 

Lui aussi a évoqué «un examen juridique avant de décider  si Londres  respectera ou non les mandats d’arrêt internationaux au regard de la loi britannique». Plus directe, l’Argentine, également Etat partie au Statut de Rome, n’y a pas été avec le dos de la cuillère. 


Les USA et les menaces au recours à la loi D’ «invasion de La Haye » 

Son sulfureux président, Javier Mielei, a exprimé son «profond désaccord» avec les mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallant. Dans un post diffusé sur X (anciennement Twitter),  le président argentin a écrit : «Les mandats d’arrêt de la CPI  ignorent le droit légitime d’Israël à se défendre face aux attaques constantes d’organisations terroristes (…) Israël est confronté à une agression brutale, à des prises d’otages inhumaines et au lancement d’attaques aveugles contre sa population. 

Criminaliser la défense légitime d’une nation tout en omettant ces atrocités est un acte qui fausse l’esprit de la justice internationale». Sur le même continent, un autre pays, le Paraguay a lui aussi rejeté les décisions de la CPI contre les dirigeants israéliens. «Le Paraguay rejette fermement l’instrumentalisation politique du droit international et considère que cette décision compromet la légitimité de la Cour, en plus d’affaiblir les efforts en faveur de la paix, de la sécurité et de la stabilité au Moyen-Orient» a déclaré, selon l’agence de presse espagnole EFE, le ministère Affaires étrangères du Paraguay. Allant dans le même sens, le président de la Chambre des députés (membre du parti au pouvoir), Taul Latorre, a qualifié, selon l’agence espagnole, la décision de la CPI d’ «arbitraire» et  d’«injuste»,  ajoutant : «C’est un rappel supplémentaire de la grave crise que traversent les organisations multilatérales», avant de déclarer sa «solidarité avec la nation sœur d’Israël et avec son Premier ministre». 

Ne reconnaissant pas la CPI, les Etats-Unis, qui assurent un soutien politique et militaire à Israël,  ont été les premiers à réagir avec violence contre la juridiction, pénale internationale, menacée d’ailleurs de représailles, voire d’application de la loi américaine dite d’«invasion de La Haye», qui prévoit une invasion des Pays-Bas,  en cas de mesures de sanction contre les membres de l’armée, les dirigeants américains et ceux de leurs alliés. 

 Pour le président Joe Biden, «les mandats d’arrêt de la CPI sont scandaleux», alors que son successeur à la Maison-Blanche risque d’aller loin en décrétant des sanctions contre certains fonctionnaires de la juridiction, notamment le procureur en chef Karim Khan, comme il l’a fait en 2019 avec l’ancienne procureure Fatou Bensouda, en raison de son enquête sur les crime de guerre commis par l’armée américaine en Afghanistan. 

«Quoi que puisse sous-entendre la CPI, il n’y a pas d’équivalence, aucune, entre Israël et le Hamas. Nous serons toujours aux côtés d’Israël face aux menaces contre sa sécurité» écrit sur X le président sortant des USA. Pour le porte-parole du Conseil de sécurité, «les États-Unis rejettent catégoriquement la décision de la CPI d’émettre des mandats d’arrêt contre de hauts responsables israéliens (…) Nous restons profondément préoccupés par l’empressement du procureur à réclamer des mandats d’arrêt et par les erreurs troublantes dans le processus qui a mené à cette décision». 

Le responsable n’a pas manqué d’affirmer, dans son communiqué, que «la CPI n’était pas compétente juridiquement dans cette affaire».  Futur conseiller à la Sécurité nationale du président Trump, Mike Waltz a, quant à lui, promis «une réponse forte au parti pris antisémite de la CPI quand le Président désigné prêtera serment, en janvier».

 Pour bon nombre d’experts, il n’est pas exclu que le nouveau président des USA, mette en action le dispositif ASPA (American Service-Members Protection Act), plus connu sous le nom de loi d’«invasion de La Haye», votée en 2002. Le sénateur républicain Tom Cotton a d’ailleurs évoqué cette loi en signe de représailles contre la CPI. 
 

 

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