La culture du pavot a rebondi de 19% en Afghanistan en 2024, rapporte mercredi l’ONU, deux ans après qu’un décret d’interdiction du chef suprême des talibans avait fait s’effondrer de 95% la récolte dans le pays, alors premier producteur mondial.
Actuellement, «12 800 hectares» de pavot sont cultivés en Afghanistan, où 80% des habitants vivent de l’agriculture, rapporte l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). C’est «19% de plus que l’an dernier à la même époque» mais bien loin encore des 232 000 hectares recensés lorsque l’émir Hibatullah Akhundzada avait émis son décret en avril 2022, près d’un an après le retour au pouvoir du gouvernement taliban à Kaboul, poursuit le rapport de l’ONUDC.
L’office onusien précise en outre que les cultures du pavot, anciennement implantée principalement dans le sud de l’Afghanistan, bastion historique des talibans, se sont déplacées en 2024 vers le nord-est du pays. C’est là, par exemple, dans le Badakhshan, qu’en mai, des heurts entre paysans réfractaires et brigades anti-narcotiques venues détruire des champs de pavot avaient fait plusieurs morts. Dans la foulée de l’interdiction, les prix de la plante séchée dont on extrait opium et héroïne avaient flambé. Durant le premier semestre 2024, ils se sont stabilisés autour de 730 dollars le kilo, selon l’ONU, contre environ 100 dollars par kilo avant 2022.
Dans le pays, l’un des plus pauvres au monde, les paysans dénoncent les propositions de culture de substitution car rares sont les plants qui rapporteront autant que le pavot -- également peu friand en eau, une denrée de plus en plus rare en Afghanistan.
Pour les chercheurs de l’International crisis group (ICG), pour soutenir une agriculture «légale», il faudrait «plus d’irrigation, des équipements de stockage réfrigéré et de meilleurs routes». Or, assurent-ils, «les talibans n’ont pas le budget pour de telles infrastructures alors qu’en face, avec un opium plus cher, les agriculteurs sont tentés de violer l’interdiction» de cultiver le pavot. La Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (Minua), elle, a récemment proposé à Kaboul des discussions sur des aides aux cultures de substitution, que les talibans ne cessent de réclamer.