Mahmoud Abbas s’en remet une nouvelle fois aux «frères arabes» pour leur demander une implication plus agissante sur les événements dans la bande de Ghaza et l’avenir immédiat de la question palestinienne.
Lors d’une session extraordinaire du Comité exécutif de l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP), tenue samedi dernier, le président de l’Autorité palestinienne a ainsi appelé à la convocation d’un sommet d’urgence de la Ligue arabe «pour mettre un terme à l’agression (sioniste) contre les Palestiniens à Ghaza et en Cisjordanie occupée et à faire tout ce qui est en leur pouvoir (les dirigeants arabes) pour permettre aux Palestiniens de rester sur leur terre».
Les espoirs et les illusions palestiniennes sur un arbitrage décisif de la communauté internationale, déjà très fragiles, ont été réduits à néant par la réaction israélienne à la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU, votée vendredi dernier et appelant à des «trêves humanitaires» dans l’enclave assiégée.
Le soir même du vote de ladite résolution, les raids aériens et les bombardements se sont intensifiés comme jamais sur l’enclave, alors que des unités blindées israéliennes ont tenté des incursions sur le territoire.
Auparavant, l’intense et non moins stérile ballet diplomatique, entrepris notamment sous parrainage américain, a pour sa part édifié les représentants de l’Autorité palestinienne sur les intentions israéliennes et, surtout, la puissance du soutien qu’apportent Washington et les leaders européens à Tel-Aviv dans le contexte.
Les tentatives de mobiliser un soutien arabe actif, allant au-delà des condamnations de principes, ont pour leur part fait chou blanc. La Ligue arabe, coquille vide qui mérite de plus en plus les constats de carence qui lui sont régulièrement dressés, a voté une résolution le 10 octobre dernier, à l’occasion d’une réunion ministérielle d’urgence, appelant à «la cessation immédiate de la guerre israélienne contre Ghaza et l’escalade dans la bande et ses environs». Le document appelle également «toutes les parties à faire preuve de retenue» et «met en garde contre les répercussions humanitaires et sécuritaires catastrophiques».Trop timoré pour Alger, mais aussi Damas, Tripoli et Baghdad.
Constance algérienne
La diplomatie algérienne reproche à la déclaration le fait qu’elle commet l’impair de placer «sur un pied d’égalité le droit inaliénable et imprescriptible du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’établissement d’un Etat souverain sur les frontières de 1967, et les actions de l’entité sioniste».
Entité qui ouvertement «viole les chartes et les résolutions de la légitimité internationale». Ahmed Attaf, le ministre algérien des Affaires étrangères, a ainsi plaidé pour une position arabe plus tranchée et plus unifiée pour la cause palestinienne, face à une communauté internationale qui a relégué la question tout en bas de la liste des préoccupations mondiales, dans l’attente de sa liquidation.
Dans le sillage de l’entrain diplomatique américain dans la région, au tout début du conflit, des dirigeants arabes sont sortis du cadre de la Ligue dix jours après pour improviser un «sommet de la paix» au Caire, avec le vœu de faire participer le maximum de décideurs dans le monde. Mais ceux qui font la pluie et le beau temps n’ont pas jugé utile de se rendre dans la capitale égyptienne.
Côté arabe également, certains dirigeants, peu ou pas du tout convaincus de la démarche, à l’image du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, ne répondent pas à l’invitation. La rencontre est surtout l’œuvre des diplomaties égyptienne et jordanienne, toutes deux hautement préoccupées par le risque d’une extension du conflit qui toucherait les deux pays de plein fouet. Le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi n’a pas manqué l’occasion d’ailleurs pour réaffirmer son opposition au déplacement des Palestiniens de Ghaza vers le Sinaï en Egypte.
«L’Egypte souligne que la solution au problème palestinien n’est pas le déplacement, la seule solution est la justice et l’accès des Palestiniens à des droits légitimes et à la vie dans un Etat indépendant», a-t-il, une énième fois, défendu. Mais le sommet, comme c’était prévisible, n’aura finalement servi à rien. Israël a continué à faire grimper en flèche le nombre de civils tués à Ghaza et à réduire en ruines ce qui y restait encore debout comme bâti. Mais pourquoi donc Mahmoud Abbas s’en remet encore aux «frères arabes» ?
Le poids de la rue arabe
Moustafa Barghouti, président du parti Initiative nationale palestinienne et ancien candidat à la présidence de l’Autorité palestinienne, explicite un peu l’état d’esprit des dirigeants politiques à Ramallah. Dans une récente interview à la chaîne Al Jazeera, Barghouti estime que les dirigeants arabes ne peuvent plus se dérober devant leurs responsabilités historiques, sous peine de creuser la fracture avec les opinions publiques dans leurs pays respectifs. Au fur et à mesure que se prolonge le martyre de Ghaza, la colère monte et se manifeste dans le monde arabe, comme en font la démonstration les manifestations de soutien qui se tiennent un peu partout et qui échappent de plus en plus au contrôle des autorités politiques.
«Les Palestiniens ne demandent pas aux Etats arabes l’envoi de troupes militaires pour affronter l’armée israélienne, on sait que ce n’est pas réaliste. Mais les Etats arabes peuvent faire jouer des leviers de pression sur les Etats-Unis et Israël pour que cessent les massacres à Ghaza», affirme l’homme politique palestinien. Barghouti cite dans le propos la possibilité, pour les gros producteurs arabes d’hydrocarbures, de réduire les approvisionnements de certaines économies occidentales dont les diplomaties sont acquises au soutien d’Israël, et l’engagement de «commandos humanitaires» pour l’acheminement des aides à Ghaza.
Mais il y a plus efficace encore, estime-t-il : l’annulation des processus de normalisation des relations diplomatique avec Tel-Aviv. L’Autorité palestinienne, réduite au statut d’une administration d’intendance et fragilisée politiquement par l’obstruction des horizons politiques de la «solution à deux Etats» est elle-même menacée par une montée de la colère des Palestiniens de Cisjordanie, qui exigent de leurs représentants politiques un engagement plus fort avec leurs compatriotes condamnés à mort à Ghaza.
Une autre réalité qui met en demeure Mahmoud Abbas et son gouvernement de reprendre l’initiative, et de placer plus haut la barre des exigences. C’est sans doute dans ce cadre qu’il faut prendre le nouvel appel à une réunion au sommet de la Ligue arabe, avec cette fois, parient des analystes, la demande d’une révision des accords de
normalisation avec Israël.