Il n’est pas uniquement un bastion du savoir et de la connaissance, il est avant tout le berceau du nationalisme. Construit en 1873 au coeur de l’antique Sitifis, le célèbre lycée (ex-Eugène Albertini) a été l’une des plus grandes écoles du militantisme.
Plusieurs générations de Chouhaha et cadres de la Révolution sont passés par cette célèbre institution où ont été formés des centaines de jeunes de Béjaïa, Bougaa, Jijel, Batna, Mila, Barika, Akbou, El Eulma, Sétif, Bordj Bou Arréridj et M’sila. Alliant savoir et défense de la cause nationale, 17 jeunes collégiens : Abdelhamid Benzine, Kateb Yacine, Belaïd Abdeslem, Tayeb Taklit, Maïza Mohamed Tahar, Benmahmoud Mahmoud, Torche Mohamed Kamel, Lamriben Nacerdine, Djemame Abderezak, Ferrani Mohand Ouamar, Cherfaoui Mohamed, Khaled Khodja, Yanat Boualem, Mostefaï Seghir, Zeriati Abdelkader, Keddad Bakhouche et Lamri Abderahmane créent au nez et à la barbe de l’administration coloniale, une section PPA (Parti du peuple algérien) bien avant les massacres du 8 Mai 1945.
Démasqués, les jeunes militants sont appréhendés en plein cours pour certains. Poursuivis pour leur amour à la terre fertile, les 17 sont rayés des effectifs de l’établissement. Avant de quitter les lieux, les proscrits passent le témoin. A l’instar de Hocine Aït Ahmed, Ali Laïméche, Omar Oussedik, Idir Ait Amrane, Abderahmane Kiouane, Saïd Chibane, Ould Hamouda, Sadek Hadjerès, Ouali Bennaï, leurs camarades du lycée de Ben Aknoun (actuel El Mokrani), Abdelhamid Benzine et ses condisciples ont sans le vouloir mis en branle les aiguilles de l’histoire et la mémorable grève du 19 mai 1956.
Le devoir suprême oblige de brillants lycéens et étudiants algériens à mettre entre parenthèses les études et rejoindre le maquis. Le devoir suprême oblige donc de brillants lycéens et étudiants «indigènes» à mettre entre parenthèses les études et prendre part à la guerre de libération:
«En décrochant la première partie du bac, j’ai donné involontairement un faux espoir à mes parents, car avec Laïmeche (qui, lui était reçu avec mention), Ould Hamouda et Oussedik nous avions de toute façon décidé d’interrompre nos études. Nous nous trouvions devant quelque chose d’autrement plus exaltant et concret : le combat libérateur, qui force l’homme à inventer des angles d’attaque…» (1)
En quelques mots, Hocine Aït Ahmed résume la démarche et les sacrifices consentis. Meurtris par l’asservissement de leur peuple, des centaines d’élèves du lycée, gardant en mémoire les cicatrices des 17 proscrits, se mettent au service de la Révolution. Le bastion paye le prix fort. 46 de ses meilleurs élèves tombent au champ d’honneur.
Pensionnaire au lycée des jeunes filles (actuel lycée Malika Gaïd) de Sétif, Malika Kharchi quitte son établissement en mai 1956, rejoint le maquis en janvier 1957, tombe au champ d’honneur le 15 novembre 1960 à l’âge de 21 ans. Native de N’Gaous, Meriem Bouattoura se réfugie avec sa famille à Sétif où elle milite aux côtés de la moudjahida Houria Mostefai. L’hiver 1956, Meriem quitte les bancs du lycée, pour rejoindre ses compagnons de lutte, meurt les armes à la main le 9 juin 1960 à Constantine.
Ancien d’Albertini, Saadna Mohamed Abdenour issu d’une grande famille de Sétif, titulaire d’un diplôme de médecine de la faculté d’Alger, prend les armes en 1956.
Dénoncés, Abdenour et ses quatre compagnons (Nefir Azouz, Souri Saïd, Yahiaoui Mohamed et Mahiout Ahmed sont exécutés froidement au Ravin de la femme sauvage à Alger d’où le nom de ce boulevard «Rue des 5 Fusillés».
Brillantissime lycéen, Abdelhamid Douhil rejoint les rangs de l’ALN (Armée de libération nationale) à l’âge de 18 ans. Après une rude bataille dans une rue de Sétif, le héros tombe dans la nuit du 27 au 28 mars 1961. Autre médecin formé au lycée, Dr Rachid Belhocine tombe au champ d’honneur le 26 novembre 1957, non loin de Medjana (BBA). Il décède en compagnie de Si Arezki Oukmalou et de la grande militante Raymonde Reschard.
Pour transmettre la mémoire et pérenniser le sacrifice de leurs anciens camarades qui se sont sacrifiés pour que vive l’Algérie libre et indépendante, les membres de la dynamique association des anciens élèves du lycée Mohamed Kerouani érigent une stèle à la mémoire de Bouattoura Meriem, Kharchi Malika, Ziza Messika, Akoubache Messaoud, Alouani Lakhdar, Amardjia Abbas, Amardjia Abdelkrim, Ballout Mohamed Tahar, Bekkouche Abdelaziz, Belaïd Mohamed, Belaref Abdelkader, Belhocine Rachid, Benalioui Salah, Bendiaf Habib, Benmabrouk Laalaoui, Benmaïza Ahmed, Benmaïza Mohamed Seghir, Benmenni Mehdi, Bensalem Abdelhalim, Berchi Abdelaziz, Berchi Abid, Boubalouta Noureddine, Bousdira Mokhtar, Cherbal Kamel, Cheurfi Lamnaouar, Douhil Abdelhamid, Ghadjati Hacen, Hachemi Hocine, Haffad Abdelmadjid, Harbouche Miloud, Kerouani Mohamed, Khababa Abdelouahab, Lafi Lakhdar Mustapha, Maiza Abderahmane, Maiza Khatir, Maiza Mohamed, Meslem Abdelhamid, Mokhtari Abdelghani, Rebbouh Abdelouahab Bouzid, Rouabah Moussa, Saadna Mohamed Abdenour, Sakhri Abdelhamid, Selmane Abdelhamid Mustapha, Taklit Tayeb, Tergou Fodhil et Ziad Abdelaziz.
Les illustres érudits et martyrs de la plus noble des causes retrouvent le temps d’un bel hommage, leur lycée…
Ref [1] Hocine Ait Ahmed Mémoires d’un combattant (P 48 et 49)