Lutte contre les feux de forêt : L’Algérie se prépare à affronter un été chaud

25/04/2023 mis à jour: 02:20
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La saison des feux arrive à grands pas. Trois semaines à peine après le début du printemps calendaire, deux gros incendies se sont déclarés. Le premier sinistre est survenu le mardi 12 avril à Baata, petite commune montagneuse située à 57 km au nord-est de Médéa. D’une grande intensité, l’incendie s’est vite propagé, atteignant des reliefs accidentés entrant dans la zone de prolongement de l’Atlas blidéen.

 Pour venir à bout des flammes, la Protection civile, soutenue par la conservation régionale des forêts, a déployé d’importants moyens humains et matériels, engageant l’ensemble de ses unités à El Omaria, Ouzera, Benchicao et Berrouaghia. Les dégâts occasionnés par ce premier important incendie de la saison sont incommensurables. Ils le sont tout aussi pour le second, qui s’est déclenché le lendemain, le mercredi 13 avril, dans la région de Beni Haoua, au nord-est de la wilaya de Chlef. 

Propulsées par de puissantes rafales de vent, les flammes ont tout dévoré sur leur passage. L’épicentre de cette catastrophe est Titouamane, un hameau perché sur une colline couverte de touffes de végétation arbustive. Il a fallu aux sapeurs-pompiers trois longues journées pour éteindre ce gros feu, qui a réduit en cendres pas moins de 13 hectares de pins d’Alep et de maquis. Le bilan aurait pu être pire n’était la célérité avec laquelle ont réagi les agents de la Protection civile. C’est aussi la promptitude de la riposte des pompiers qui a permis de circonscrire le feu dans une zone inhabitée et préserver les vies. La progression rapide et pour le moins inattendue de ces incendies durant cette période de l’année renseigne sur l’état dans lequel se trouve le couvert végétal, devenu facilement inflammable à cause du manque d’eau et des températures relativement élevées pour un début de printemps. 
 

Les causes de ces feux de forêt ne sont pas encore connues. Si l’hypothèse criminelle est privilégiée, le réchauffement climatique qui touche la planète, et plus particulièrement le bassin méditerranéen, y est pour beaucoup. S’il n’en est pas la cause principale, le climat subdésertique favoriserait de tels départs de feu. 
 

Brunissement des arbres

Après un hiver chaud et très peu abondant en pluies, le déficit hydrique est tel que les sols s’assèchent et se contractent, les feuilles des plantes flétrissent, les brins d’herbe se fanent et les cours d’eau se tarissent. Même les forêts les plus imposantes peinent à résister à cette forte pression climatique qui dure depuis des années. C’est le cas des réserves forestières du centre du pays, qui montrent par endroit des signes de «brunissement». Ce phénomène, qui se caractérise par le changement de couleur de certaines variétés d’arbres, est généralement observé en automne. Durant cette saison, les feuilles des arbres et les frondes des fougères perdent leur couleur verte et deviennent marron avant qu’elles ne tombent. 

Un processus de renouvellement tout à fait naturel quand il se produit durant la période automnale. Son apparition pendant le printemps ou l’été, et pas uniquement en Algérie mais dans tout le pourtour méditerranéen, n’est pas bon signe. Bien au contraire. D’après les scientifiques qui ont déjà eu à l’étudier de près en 2022 dans certains pays de l’Europe du Sud, ce changement de couleur est un signal fort envoyé par des arbres qui dépérissent à cause de la sécheresse et les vagues de chaleur. Ces mêmes scientifiques affirment que ce phénomène ne se manifeste en dehors de l’automne que si les arbres subissent un stress hydrique durant plusieurs années consécutives. Des chercheurs à l’université ETH Zurich, en Suisse, affirment qu’il y a en effet «un lien étroit entre les conditions météorologiques passées et la santé des forêts». Ils évoquent des périodes de sécheresse intense et persistante enregistrées ces dernières années, qui «ont laissé leur empreinte sur les forêts, réduisant leur résistance aux épisodes de chaleur et de sécheresse ultérieurs».
 

Grande inquiétude

C’est le cas de l’Algérie où le manque de pluviométrie perdure depuis plusieurs années, plongeant le pays dans un état de sécheresse sévère. Et quand les arbres ont soif, la forêt brûle. Le réchauffement climatique, qui s’est donc traduit par un hiver chaud et de faibles précipitations dans tout le bassin méditerranéen, ne peut que favoriser les départs de feu en cette intersaison qui se distingue par des températures presque estivales. 

D’ailleurs, des pays comme l’Espagne, la Suisse ou encore la France connaissent depuis le mois de mars des incendies de forêt majeurs qui ont suscité l’inquiétude des spécialistes du climat, lesquels craignent un été encore plus dévastateur que celui de 2022. En France, l’incendie dans les Pyrénées-Orientales a ravagé plus de 900 hectares de forêts. En Espagne aussi, les incendies, qui ont commencé dès le mois de mars, ont forcé plus de 1500 personnes à fuir leurs habitations et ravagé pas moins de 4000 hectares de terres. Le spectre d’un été plus dévastateur que celui de l’année dernière est fortement redouté. 

Tous les Etats du bassin méditerranéen se préparent ainsi à faire face aux pires scénarios, après cette arrivée précoce des incendies de grande ampleur. 

L’Algérie, qui a été durement touchée par les feux de forêt durant ces trois dernières années, n’est pas en reste. Des stratégies de prévention mais aussi de lutte sont mises en place. Ainsi, plusieurs postes avancés sont installés dans la wilaya de Khenchela, qui a été violemment affectée par des incendies ces deux dernières années. Plusieurs autres postes avancés mixtes Protection civile-conservation des forêts seront opérationnels dès juin prochain. 

Aussi, des travaux de réalisation d’une zone d’atterrissage pour hélicoptères ont été lancés à Guelma. Le projet est situé à quelques encablures de la réserve forestière de Beni Salah. Cette piste d’atterrissage devra être prête avant l’été, selon des propos du directeur régional des travaux publics, Salem Nouacer, repris par l’APS. A Aïn Témouchent, plusieurs chantiers de pistes forestières, sur une longueur de 28 km, sont lancés par la conservation locale des forêts. Ces opérations s’ajoutent à l’aménagement de postes d’observation et l’installation d’un système de surveillance permettant d’intervenir en temps réel en cas de signalement d’incendie. 

A Tizi Ouzou, autre wilaya durement touchée par les feux de forêt en 2021, deux pistes d’atterrissage sont en cours de réalisation pour accueillir des avions anti-incendie, que devra affréter l’Etat pour renforcer les moyens de lutte contre les incendies. 

La Protection civile a, pour sa part, bénéficié de moyens supplémentaires pour lutter plus efficacement contre ces feux. Il s’agit là de quelques actions non exhaustives engagées pour prévenir les incendies et préserver ce qui reste de notre couvert végétal. Les réserves forestières constituent seulement 1% de la superficie globale de l’Algérie, qui est le plus grand pays d’Afrique. Cela représente 4,2 millions d’hectares. Déjà sérieusement impacté par les changements climatiques et la désertification qui gagne du terrain, ce couvert forestier s’est considérablement rétréci au fil des ans. Il devient donc primordial d’œuvrer par tous les moyens à le protéger. 

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