Lula : le président syndicaliste qui revient de loin

04/10/2022 mis à jour: 02:34
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Le candidat à l'élection présidentielle au Brésil, l'ex-président Luiz Inácio Lula da Silva, plus connu sous le nom de Lula

Qui aurait parié le moindre réal brésilien, et imaginé, il ya quelques mois, que Lula, condamné à une peine de 12 ans de prison pour corruption, réussirait cet extraordinaire retour, en renvoyant dimanche, au second tour de la présidentielle, Jair Bolsonaro, le président conservateur sortant, qui lui souhaitait, « de pourrir, le reste de sa vie dans une cellule ? »

Sobre et sans enthousiasme, Lula, après les résultats, qui le créditaient de 48,4% contre, 43,2 % pour son adversaire, gardait le cap malgré tout «je pensais gagner directement, mais je gagnerai quand même, c’est seulement une question de délais », se rassure-t-il après ce premier tour. Bolsonaro estime, pour sa part, avoir fait mentir les sondages, qui l’avaient crédité de 30% de voix en moins. Arborant le maillot de la Seleçao, il affiche un air serein et se dit « optimiste pour la deuxième mi-temps ». Interrogé, au sortir des urnes, par une électrice sur son refus de se faire vacciner, et donner ainsi l’exemple, en tant que premier magistrat, sa réponse a été cynique : « le vaccin est trop cher pour moi ». Outrée, cette même dame lui a crié au visage « viva lula. Lula presidente ». Les Brésiliens, connaissant le désir du président sortant de s’accrocher au pouvoir, par tous les moyens, redoutent un remake de l’assaut du Capitole à Washington, en cas de défaite au second tour, comme l’ont fait les partisans de Trump, ami et inspirateur de Bolsonaro. Ce scenario catastrophe n’est pas exclu.

LULA, L’ENFANT DU PEUPLE AIME LES DÉFIS

Honni par les uns pour avoir trempé dans la corruption, Héraut de la lutte pour la justice sociale, pour les autres, l’histoire retiendra, qu’il aura marqué, pendant un demi-siècle, la politique de son vaste pays de 214 millions d’habitants. Mais qui est au juste, cet homme qui a gravi les échelons de l’échelle politique à la force des bras, comptant seulement sur ses solides convictions bien ancrées. Issu d’un milieu modeste, à sept ans, il émigre avec sa famille, vers l’Etat de Sao paulo, pour échapper à la misère. Le sort va s’acharner sur lui, puisqu’il perdra un doigt, dans un accident de travail, alors qu’il entamait jeune, sa carrière d’ouvrier métallurgiste. A 21 ans, il entre au syndicat des métallos, qui finira par le propulser président en 1975. Ce n’était pas un cadeau, mais une reconnaissance de son engagement, à travers les grèves qu’il a dirigées tout au long de cette décennie, au péril de sa vie, en face d’une dictature militaire qui dirigeait le pays d’une main de fer. Lula, fonde le parti des travailleurs en 1980, et participe trois ans plus tard, à la création de la Centrale unique des travailleurs. Il monte en grade et,  bénéficiant des masses laborieuses, il s’investit totalement en politique et se présente à l’élection présidentielle de 1989, mais échoue par manque d’expérience et de moyens. Cela ne l’a pas empêché de persister et de renouveler l’expérience en 1994 et 1998, sans résultants probants .Un autre que lui aurait jeté l’éponge. Mais son entêtement, sa foi et sa volonté le pousseront à tenter une quatrième candidature, qui allait s’avérer gagnante, en 2002. En 2005 ses camarades du parti faillirent l’éclabousser pour des faits de scandales de corruption. Il n’aura d’autre choix que de les virer, pour sauver la face. Géant au pied d’argile, le Brésil va changer de carapace, sous la direction de Lula, qui l’imposera comme un véritable combattant d’un monde multipolaire. Membre du G20 le pays Carioca affiche clairement sa puissance et son envergure pour revendiquer un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies. Sur le plan intérieur, ses programmes sociaux font sortir plus de 30 millions de Brésiliens de la misère et font accéder 39 autres à la classe moyenne. Sur un autre plan, 16,6 millions de postes d’emploi sont créés. Une véritable révolution, reconnue même par ses détracteurs en dépit des profondes divergences. Ses opposants ne vont cependant pas se priver de le critiquer sur une gestion salie par quelques-uns de ses partisans, accusés de corruption. Là, Lula élève le ton. Il appelle ses partisans à descendre dans la rue pour défendre le parti des travailleurs. « S’ils veulent me vaincre, alors, ils devront m’affronter dans les rues de ce pays, et si quelqu’un pense que les persécutions et les dénonciations vont me faire taire, moi, j’ai survécu à la faim, et celui qui survit à la faim ne renonce jamais », s’est-il insurgé devant ses partisans enthousiastes. Que s’est-il passé au juste, notamment avec l’affaire «Pétrobas» ?

L’AFFAIRE PETROBRAS, UN SCANDALE, UNE TACHE NOIRE 

L’enquête sur Petrobras est lancée en 2009 à partir de dénonciations de détournements de fonds pour un montant de 743 millions de dollars. En mars 2014, le scandale éclate et secoue la campagne présidentielle pour la réélection de Dilma Rousseff. Les enquêteurs ont découvert un système généralisé de pots-de-vin versés depuis une dizaine d’années par les principales entreprises de construction du pays à des responsables de Petrobras, en échange de contrats. Une partie de ces pots-de-vin étaient reversés au PT de Dilma Rousseff ainsi qu’à de nombreux élus.

Mme Rousseff, elle-même, a été à la tête du conseil d’administration de Petrobras pendant de nombreuses années. Le procureur de la République demande à la Cour suprême d’ouvrir des enquêtes sur 54 personnes, dont de nombreux hommes politiques. Le 21 septembre 2015, l’ancien trésorier du PT, Joao Vaccari, est condamné à 15 ans de prison pour avoir participé au réseau de corruption de Petrobras, notamment en distribuant dans son parti les pots-de-vin versés par les entreprises en contrat avec Petrobras. En octobre, la justice suisse bloque les comptes bancaires de l’ultra-conservateur président de l’Assemblée, Eduardo Cunha, poursuivi par le parquet brésilien pour avoir reçu au moins 5 millions de dollars de pots-de-vin, mais allié parlementaire du PT. Le second mandat a été marqué par la régression de la pauvreté mais par une succession de scandales qui ont peu à peu vont terni l’image de son gouvernement. Dans l’impossibilité de se représenter pour un troisième mandat consécutif, il dût laisser sa cheffe de cabinet Dilma Rousseff lui succéder en 2011. Cette dernière le nommant ministre de l’un de ses gouvernements en 2016. Mais cette nomination serait suspendue par la justice, en raison de soupçons de corruption et de blanchiment d’argent. En 2018, l’ancien président allait être condamné à douze ans de prison à l’issue d’un procès controversé dans l’affaire « Lava Jato » (ou scandale Petrobras). Fin 2019, il serait libéré sur décision collégiale de la Cour suprême, mais toujours interdit d’élection. Puis Lula est revenu dans la course à la présidence. La décision du juge Edson Fachin, membre de la Cour Suprême du Brésil, rendue le 8 mars 2021, a fait l’effet d’une bombe au Brésil. Elle annulait l’ensemble des condamnations qui pesaient sur Lula pour « incompétence » du tribunal de Curitiba qui les avait prononcées et ouvrait la voie à un nouveau procès devant un tribunal fédéral de Brasilia, la capitale. En attendant ce futur procès, Lula retrouvait donc tous ses droits politiques et la possibilité de se présenter à l’élection présidentielle de 2022. Ce qu’il fit.

L’ALGERIE ET LE BRESIL UN PARTENARIAT AMBITIEUX

La coopération algéro-brésilienne est ancienne. Elle s’est raffermie avec l’avènement du président Lula, ancien syndicaliste, homme de gauche progressiste, qui a déjà effectué des visites officielles en Algérie, consacrées aux plans économique et politique, dès lors que les deux pays partagent plusieurs centres d’intérêt. Membre du Conseil de sécurité de l’ONU le Brésil pèse dans le concert des nations et travaille à la réforme de l’instance onusienne, la paix en Afrique et un partenariat gagnant-gagnant Sud-Sud. Avec l’Algérie, la coopération englobe aussi bien l’agriculture, l’énergie et les mines et le secteur sanitaire. Un groupe d’amitié algéro-brésilien, a été créé il y a quelques années. Les relations commerciales ne sont pas en reste, puisque notre pays compte parmi les premiers partenaires économiques du Brésil en Afrique et dans le monde arabe, notamment dans le domaine des hydrocarbures. Lors de sa première sortie officielle en Algérie après son élection en 2002, Lula avait déclaré « les relations entre l’Algérie et le Brésil sont excellentes. Sur le plan économique l’Algérie est notre deuxième partenaire dans le monde arabe et le troisième en Afrique. Je crois que nos relations peuvent être un exemple de coopération Sud-Sud. Par sa projection politique, son échelle économique et technologique, l’Algérie a tout pour exercer un rôle décisif dans le contexte d’une interaction croissante du Brésil avec l’Afrique et les pays arabes. » Sur le plan international le Brésil mène une action active visant à atténuer les effets négatifs de la mondialisation. « Nous allons faire comme eux. Nous allons saisir toutes les opportunités et faire de l’union notre force, face au grand défi. Ensemble, nous pouvons être plus forts et participer avec plus d ‘efficacité aux forums économiques et politiques, comme l’OMC et l’ONU, où se discutent les grandes questions qui intéressent l’humanité. Ces objectifs sont directement liés à la démocratisation des instances décisionnelles internationales. »

LES SPORTIFS AUSSI S’IMPLIQUENT

Dans cette course effrénée au pouvoir, les sportifs célèbres ne sont pas en reste et chacun a choisi son camp. Parmi les stars brésiliennes c’est Neymar, qui a le plus fait parler de lui. Fier de soutenir Bolsonaro, il s’insurge des réactions qu’a soulevé son alignement sur le président sortant. « On parle de démocratie et d’un tas de choses, mais quand quelqu’un a une opinion différente, il est attaqué par ces mêmes personnes qui parlent de démocratie. Va comprendre » Ainsi a réagi Neymar, quelques heures après avoir affiché son soutien au président sortant, dans une vidéo Tik-Tok. Ce choix est loin d’être isolé. L’ex-super star de la Seleçao et champion du monde 2002, Rivaldo, a ainsi partagé une vidéo de Bolsonaro, visitant sa région d’origine. « En tant que nordestino, je suis très heureux et fier du soutien, que ses habitants apportent au président. Et pas seulement le Nordeste, mais presque tout le Bresil. Je suis pour la faille, pour la liberté et pour notre pays. »

Autre icône du ballon rond Romario, entré en politique en 2010 et qui a rejoint le parti libéral en 2021, a rejoint le président sortant. Même dans le monde des arts martiaux, Bolsarino, compte des alliés de taille comme José Aldo, considéré ici comme une véritable légende. Quant à Lula, il n’en manque pas lui aussi, sa carrière de consultant sportif alors qu’il purgeait sa peine en prison en 2018  l’y a grandement aidé. Il avait commenté par écrit. Il a analysé les matches de Coupe du monde, notamment ceux du Brésil, bien appréciés par le public connaisseur parmi ses soutiens sportifs, Lula peut compter sur les deux icones Rai et Socrates, ainsi que Diego Silva, ancienne référence du tae kwon do bresilien, l’ancienne championne olympique Joanna Maranhao qui s’est fendue d’un appel il y a quinze jours.  « Dans quelques jours, nous aurons la chance de célébrer le début de la fin du bolsonarisme. Les dégâts sont immenses, et il faudra beaucoup de temps pour rendre sa dignité au peuple brésilien. Ceux qui ont faim sont pressés il, est temps de régler ça au premier tour. »

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