Longs métrages / The day after, on peut faire des films de guerre après la guerre mais aussi avant

22/10/2023 mis à jour: 17:28
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Oppenheimer : image générée par IA sur le film Oppenheimer de Christopher Nolan, 2023)

Ukraine, Palestine, les conflits s’accumulent, et avec l’élargissement des zones de tension, l’introduction de nouveaux acteurs et armes, y compris nucléaires, la possibilité d’une troisième guerre mondiale est sérieuse, qui pour une fois ne sera pas adaptée au cinéma puisqu’il n’y aura plus personne.   

 

La guerre est aussi vieille que le monde, mais quel est le premier film de guerre de l’histoire ? Il s’agit de Attaque d’une mission en Chine réalisé en 1900 par le Britannique James Williamson, tourné exclusivement en studio, et pour la première fois, avec l’utilisation du champ-contre-champ qui va devenir un langage cinématographique. 

De quoi s’agit-il ? De militants nationalistes chinois qui détruisent (en Chine) une mission évangélique anglaise, tuant le pasteur au passage, un groupe de choc anglais arrive, tire partout, charge et libère la mère et la fille (blonde) du pasteur pris en otages, tout ça en 4 minutes, durée réelle du film. Thématique que l’on verra souvent plus tard, les nationalistes sont de méchants terroristes preneurs d’otages et les Anglais, les sauveurs du monde, les mêmes Anglais qui sont à l’origine des conflits au Moyen-Orient et parlent encore de terroristes pour les nationalistes palestiniens et de gentils humains pour les colonisateurs qui bombardent les civils avec du phosphore blanc. 

Rien n’a donc vraiment changé depuis 1900 à part la technique, et les films de guerre, armes du soft power, donnent toujours une belle image héroïque du bon contre la brute, mais souvent avec le truand. 
 

En Algérie, il y a bien sûr eu des films de guerre, près d’une centaine, d’ailleurs algériens et français ou parfois les deux, les cinéastes algériens mettant exclusivement en scène leur propre guerre en tant que héros, à l’exception de Farouk Beloufa qui, dans Nahla, raconte la guerre au Liban, vue par un Algérien à Beyrouth. Il y a encore des films du genre, biopics héroïques de guerre ou comme pour Heliopolis de Djaffer Gacem, sélectionné aux Oscars 2021, d’avant la guerre, anticipant la guerre qui arrive. Ne fait-on des films de guerre que quand on gagne cette guerre ? 

En général, oui, mais pas toujours, et à ce titre, il faut souligner que Hollywood a réussi à donner l’impression que ce sont les USA qui ont gagné la guerre du Vietnam, tout comme à travers les films sur la Seconde Guerre mondiale, alors qu’ils n'y ont perdu que moins de 300 000 hommes, contre 20 millions pour les Soviétiques. 
 

Pas de guerre, pas de films de guerre ? 

Miroir de la réalité et porte d’entrée d’un univers de représentation, le cinéma n’est bien sûr pas aussi homogène et il faudra citer Les Sentiers de la gloire, film de guerre anti-guerre de 1957 où Stanley Kubrick casse les clichés pour montrer une part sombre du soldat, entre peur et incertitude ou comme pour la récente guerre en Irak, le film Green Zone (2010) de Paul Greengrass, qui retrace l’intervention US en suivant l’équipe chargée de retrouver lesdites ADM, armes dont l’équipe doute progressivement de l’existence, W (2008) d’Oliver Stone ou encore Dans la vallée d’Elah (2007) de Paul Haggis où l’on parle de torture et d’exactions commises par les USA. Mais d’une façon générale, les guerres classiques ne font plus recette, y compris en Algérie, et même si La Bataille d’Alger est toujours classée comme l’un des 50 meilleurs films de guerre de tous les temps, il n’y a pas de films de guerre contemporains algériens parce qu’il n’y a pas de guerre en Algérie.

 La plupart des films du genre aujourd’hui ne sont plus historiques et se déroulent dans les mondes imaginaires, fantasy et la science-fiction, guerres contre aliens et extraterrestres, à l’exception d’un nouveau genre, les guerres contre le terrorisme où les Américains sont encore les plus beaux, et la cyber guerre, domaine particulièrement compliqué à mettre en scène, sujet très technique non visuel, qui se déroule essentiellement devant des écrans d’ordinateur. Oui, mais pourquoi la guerre ? Le spectateur aime l’action assis dans son fauteuil, les balles, les morts et le sang, avec une fin heureuse pour les gentils et la mort pour les méchants. Dans la réalité, la guerre est un accélérateur d’histoire (citation de Lénine), mais il est le champ simpliste d’un partage entre le bien ou le mal au cinéma. 
 

La Troisième guerre mondiale au cinéma

On peut faire des films sur la guerre après la guerre mais aussi avant, et une trentaine de films ont bien été réalisés sur le thème, futuriste mais plus vraiment, d’une troisième guerre mondiale, dont justement La Troisième Guerre mondiale du réalisateur iranien Houman Seyyedi, nominé aux Oscars et primé à la dernière Mostra de Venise en 2022. Oui, un Iranien, également scénariste et acteur de son propre film qui raconte aussi un film dans le film à travers l’histoire de Chakib, un ouvrier sans abri qui devient par hasard l’acteur d’un film sur les atrocités commises par Adolf Hitler durant la Seconde Guerre mondiale. Les films sur le conflit Palestine-Israël ? Il y en a une cinquantaine, entre pacification et «pacifiction», et comme tout le monde, depuis une dizaine d’années, les séries télévisées israéliennes sont devenues un puissant instrument de soft power, diffusant du discours pour embellir l’image du pays comme Hatufim, de laquelle a été adaptée la série Homeland aux USA, et ce qu’il se passe actuellement en Palestine et Israël va certainement ressurgir dans des fictions, s’il n’y a pas de troisième guerre mondiale. 
 

Vu d’Algérie, Bachir Derraïs, réalisateur d’un film de guerre qui n’est pas sorti, même en temps de paix, l’a bien rappelé : «On est en train de casser une dynamique et perdre du terrain par rapport à nos voisins, au Moyen-Orient, au Qatar, aux Emirats arabes ou en Arabie Saoudite, on met énormément d’argent dans les films, on a compris que ce sont des outils de propagande et de lobbying qui fonctionnent comme un ministère des Affaires étrangères». Reste la télévision, autre écran, qui est au cinéma ce que l’huile de moteur est à l’huile d’olive vierge, où en Occident, c’est aussi la guerre dans la douceur du soft power, les armes étant les news et les soldats les présentateurs, conflit où l’information est filtrée, présentant Palestiniens comme terroristes et Israéliens comme défendant le monde libre. 

Un narratif équivalent aux films hollywoodiens où il n’est jamais dit que dans une guerre, la principale victime est la vérité. En ce sens et en celui-ci seulement, la télévision c’est aussi du cinéma, payée comme pour le cinéma par les producteurs. 
 

Chawki Amari
 

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