Le plus ambitieux projet de modernisation des égouts de Londres depuis le XIXe siècle est enfin en phase finale. Après sept années de travail acharné de milliers d'ouvriers et d'ingénieurs, un énorme tunnel de 25 kilomètres de long a été construit sous Londres et la Tamise.
Ce tunnel, surnommé le « super-égout » au Royaume-Uni, avec son diamètre de 7,2 mètres, vise à mettre fin aux rejets massifs d'eaux usées dans le fleuve, modernisant ainsi les infrastructures datant du XIXe siècle. Prévu pour être testé en 2024 et pleinement opérationnel d'ici 2025, il s'agit de la plus grande modernisation du réseau d'égouts londonien depuis la conception des égouts par l'ingénieur Joseph Bazalgette après l'infâme épisode de la « Grande puanteur » en 1858. À cette époque, une combinaison de fortes chaleurs et de rejets d'eaux usées non traitées avait engendré une odeur insupportable dans la ville.
Au fil des décennies, les égouts londoniens n'ont pas été en mesure de faire face à la croissance démographique de la capitale britannique, ce qui a entraîné de nouveaux déversements d'eaux usées dans la Tamise. Les anciens égouts en briques conçus par Bazalgette sont encore en bon état, mais leur capacité n'est plus suffisante. Ils ont été construits pour une population de quatre millions d'habitants, tandis que Londres compte maintenant neuf millions de résidents. La modernisation, d'un coût de 4,3 milliards de livres sterling (5,02 milliards d'euros), est devenue une nécessité urgente.
Le nouveau tunnel agira comme un débordement pour intercepter les eaux usées lorsque les égouts existants seront pleins. Cela permettra d'éviter les déversements directs dans la Tamise. Taylor Geall, de l'entreprise de construction Tideway, qui est responsable du projet, explique : « À chaque fois qu'il pleut, même légèrement, les égouts se remplissent et se déversent directement dans la rivière. Dans une année moyenne, 40 millions de tonnes d'eaux usées finissent dans la Tamise sans aucun traitement ». Grâce à ce nouvel ouvrage, 95 % des déversements seront interceptés et éliminés, améliorant ainsi la santé des poissons, des mammifères marins et des oiseaux vivant dans le fleuve.
La construction de ce mégaprojet suscite cependant la controverse dans le secteur de l'eau, qui a été privatisé en 1989 et accusé de sous-investissements chroniques dans ses infrastructures. Selon une agence gouvernementale chargée de l'environnement, les eaux usées se sont déversées en moyenne 825 fois par jour dans les rivières et les zones côtières du Royaume-Uni l'année dernière. Plusieurs plages de l'île de Wight, sur la côte sud de l'Angleterre, ont dû fermer temporairement l'été dernier en raison d'un niveau élevé de bactéries dans l'eau. L'organisation Surfers Against Sewage a récemment publié une liste de 83 plages à éviter dans le pays en raison des déversements d'eaux usées. Le gouvernement britannique a annoncé cette semaine que les sociétés de services publics, y compris celles dans le secteur de l'eau, pourraient être condamnées à des amendes illimitées en cas d'activités polluantes. Thames Water, la société responsable de la gestion des eaux dans la région de Londres, desservant 15 millions de clients, a été condamnée début juillet à une amende de 3,3 millions de livres sterling pour pollution de cours d'eau. Elle est également lourdement endettée, avec une dette de près de 14 milliards de livres sterling (16,3 milliards d'euros). C'est grâce aux factures de leurs clients que le financement du « super-égout » a été assuré.
Thames Water a déjà payé 32,4 millions de livres sterling d'amendes entre 2017 et 2021 pour des incidents de pollution dans la vallée de la Tamise et le sud-ouest de Londres, selon l'agence de presse PA. Pour Mathew Frith, de l'organisation de défense de l'environnement London Wildlife Trust, le nouveau tunnel contribuera de manière significative à la restauration de la Tamise, mais ne résoudra pas les problèmes similaires qui persistent dans d'autres régions du pays.