La révision mercredi des créations d’emplois sur l’année fiscale écoulée — la plus importante révision réalisée depuis 2009 — a montré que le marché de l’emploi était bien en phase de ralentissement avancée.
Le temps est venu» : par ces mots, le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Jerome Powell, a donné hier à Jackson Hole (Wyoming) le signal que les marchés attendaient, ouvrant grand la porte à une première baisse des taux lors de la prochaine réunion de l’institution, les 17 et 18 septembre.
«Le temps est venu pour un ajustement de politique» monétaire, a assuré le patron de la Banque centrale américaine dans un discours très attendu lors d’un symposium rassemblant des banquiers centraux essentiellement américains à Jackson Hole. «La direction à prendre est claire, le rythme des baisses de taux dépendra des données à venir, de l’évolution des perspectives et de l’équilibre des risques», entre maintien du plein emploi et contrôle de l’inflation, a précisé Jerome Powell.
Sa «confiance a augmenté quant au fait que l’inflation est sur un sentier durable de retour à 2%», la cible fixée par le mandat de la Banque centrale. Dans le langage très codifié des banquiers centraux, il s’agit bien du signal que le Comité monétaire de la Fed (FOMC) baissera ses taux lors de sa prochaine réunion, mi-septembre, la dernière avant la tenue de l'élection présidentielle américaine du 5 novembre.
Les régulières prises de parole de M. Powell n’avaient jusqu’ici pas donné d’indication sur la possibilité d’une baisse des taux d’intérêt de la Fed, action d’abord attendue par les marchés au premier semestre, avant que l’inflation persistante ne les amène à l’espérer pour septembre.
Mercredi, la publication des «minutes» de la Fed, le compte-rendu de la réunion précédente, avait déjà évoqué cette possibilité : «La grande majorité des membres souligne que si les données poursuivent dans la direction attendue, il serait probablement approprié d’assouplir la politique (monétaire) lors de la prochaine réunion», est-il écrit.
«Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir un marché de l’emploi solide», a en outre assuré Jerome Powell à Jackson Hole, signe que l’emploi revient dans les radars de l’institution, alors que le rythme de création d’emplois revient au niveau qui était le sien avant la pandémie.
«Il y a de bonnes chances que les récentes données ont renforcé les ''colombes'' (plus préoccupées par l’évolution du marché du travail et partisanes d’un cap monétaire souple, ndlr) et calmé les ''faucons'' (davantage concentrés sur la question de l’inflation et adeptes de l’orthodoxie monétaire, ndlr) au sein de l’institution», a estimé dans une note le chef économiste de Pantheon Macroeconomics, Ian Shepherdson.
La révision mercredi des créations d’emplois sur l’année fiscale écoulée – la plus importante révision réalisée depuis 2009 – a montré que le marché de l’emploi était bien en phase de ralentissement avancée. Les données publiées jusqu’ici avaient surestimé de plus de 800 000 le nombre d’emplois créés aux Etats-Unis entre début avril 2023 et fin mars 2024.
«Rééquilibrage des risques»
«Cela met en avant un rythme toujours positif» de créations d’emplois mais «bien plus tempéré qu’envisagé initialement. La nuance est importante car, pour les économistes comme pour les décideurs, cela souligne que l’économie continue de progresser, mais à un rythme plus modéré», estime le chef économiste d’EY, Gregory Daco, interrogé par l’AFP.
Jusqu’ici, les données montraient un ralentissement progressif dans les créations d’emplois, mais avec la hausse relative du chômage à 4,3% en parallèle, le risque est désormais de voir ce dernier redevenir un sujet majeur. Les responsables de la Fed soulignent d’ailleurs, selon les minutes, «un rééquilibrage des risques liés à l’inflation et à l’emploi».
La hausse du chômage a particulièrement inquiété les marchés, qui craignent que la «règle de Sahm» ne se vérifie encore : selon celle-ci, l’économie américaine entre en récession lorsque le chômage progresse de 0,5 point de pourcentage en moyenne sur trois mois. La hausse de juillet était de 0,53 point par rapport au mois précédent. La totalité des analystes table désormais sur une baisse des taux en septembre, la majorité l’envisageant à 25 points de base (pdb) mais près de 40% d’entre eux la voient à 50 pdb.