Perspectives incertaines et reprise chaotique pour l’économie mondiale, décrète le Fonds monétaire international dans ses nouvelles projections livrées hier à Washington, en marge des réunions de printemps avec la Banque mondiale.
«Les perturbations du secteur financier, le niveau élevé de l’inflation, les effets de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et l’héritage de trois années de pandémie de Covid-19» sont les principales causes mettant en situation de panique le monde économique. Le FMI prévoit ainsi un taux de croissance mondiale à 2,8% en 2023 avant de s’établir à 3% en 2024.
Les pays dits avancés et développés réalisent les moins bonnes performances pour l’année en cours, en voyant leur taux de croissance chuter en moyenne de 2,7% en 2022 à 1,3% en 2023. La zone euro et le Royaume-Uni sont particulièrement touchés par le ralentissement économique, qui se traduira par une contraction de la croissance à 0,8% et -0,3% en 2023.
Certains pays sont même gratifiés de taux de croissance négative, à l’instar de l’Allemagne (-0,1%) et la France (0,7%). Le Royaume-Uni passera de -0,3% en 2023 à 1% en 2024. Les Etats-Unis auront une croissance de 1,6% en 2023 et 1,1% en 2024. Même niveau de projection pour le Japon, avec un taux de 1,3% en 2023 à 1% en 2024. La croissance économique de nombreux pays émergents et en développement s’accélère, quant à elle, en passant de 2,8% en 2022 à 4,5% en 2023. La Chine et l’Inde se porteront mieux avec des performances respectives de 5,2% et 5,9%.
Pour l’Algérie, le FMI prévoit un taux de croissance de 2,6% en 2023 et en 2024, contre 2,9% en 2022.
Par ailleurs, le taux de croissance de l’économie mondiale risque de chuter encore et de passer à 2,5 % dans le cas où se produira le scénario plausible d’une amplification des tensions sur le secteur financier.
Le taux de croissance dans les pays avancés passera sous la barre de 1%.
Concernant l’inflation globale mondiale, les projections du FMI tablent sur un niveau de 7% en 2023 contre 8,7%en 2022, et ce, sous l’effet de la baisse des prix des produits de base, cependant l’inflation sous-jacente devrait diminuer plus lentement. «Dans la plupart des pays, l’inflation ne devrait pas revenir à son niveau cible avant 2025», indique le rapport. «Les marchés du travail se retrouvent sous tension dans un certain nombre de pays. Les effets secondaires de la rapide hausse des taux directeurs commencent à se manifester, les facteurs de vulnérabilité du secteur bancaire ayant été mis au jour et les craintes de propagation à l’ensemble du secteur financier, y compris aux institutions financières non bancaires, se faisant plus vives.
Les risques de dégradation des perspectives restent très élevés et la probabilité à un atterrissage brutal a fortement augmenté», souligne le FMI dans ses projections. «Les récentes turbulences du secteur bancaire nous rappellent que la situation reste fragile. Une fois de plus les risques de détérioration des perspectives de l’économie mondiale dominent et le brouillard s’épaissit ; l’inflation est bien plus tenace que nous ne l’anticipions même il y a quelques mois de cela… Selon nos prévisions, l’inflation sous-jacente en glissement annuel reculera à 5,1% cette année, soit une forte révision à la hausse de 0,6 point de pourcentage par rapport à notre mise à jour de janvier, ce qui dépasse largement le niveau cible», explique le rapport du FMI.
Ce dernier rappelle que la stabilité d’un système financier doit reposer sur sa capacité à absorber les pertes sans avoir recours à l’argent des contribuables. «La courte période d’instabilité qu’a connue le marché des obligations d’Etat britanniques en automne dernier et les récentes turbulences du secteur bancaire aux Etats-Unis témoignent de la grande vulnérabilité tant des banques que des intermédiaires financiers non bancaires.
Dans les deux cas, les autorités ont su réagir rapidement et vigoureusement, ce qui leur a permis de contenir l’instabilité», note le même document, en prévoyant un scénario dans lequel les banques octroient encore moins de prêts en raison de l’augmentation des coûts du crédit et où les investisseurs chercheront le prochain maillon faible de la chaîne. «Un choc lié à une aversion pour le risque pourrait avoir des répercussions spectaculaires sur les conditions de crédit et les finances publiques, en particulier dans les pays émergents et ceux en développement», indique le FMI, en alertant sur une éventuelle précipitation de sorties passives de capitaux, une hausse suite des prises de risque, un recours aux valeurs refuge et une perte de confiance.
Dans ce cas, la croissance pourrait chuter à 1% pour cette année. «Nous nous engageons dans une phase périlleuse où la croissance économique reste décevante», avertit le rapport, en appelant les autorités de la réglementation et du contrôle à agir «afin d’éviter que les points de fragilité financière ne dégénèrent en véritable crise».