Les syndicats et l’Ordre des pharmaciens s’élèvent contre la révision annoncée des textes régissant la profession. Ils appellent au retour au numerus clausus classique, à savoir une pharmacie pour 5000 habitants, avec une distance d’au moins 200 m entre deux officines.
Le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) organisera demain une conférence de presse en réaction aux déclarations du ministre de la Santé, le Pr Abderrahmane Benbouzid, relatives à la révision des textes réglementaires régissant les officines pharmaceutiques sans une concertation au préalable avec les acteurs du secteur.
Le Syndicat national des pharmaciens algérien agréés (SNPAA) emboîte le pas au Syndicat national algérien des pharmaciens d’officine (Snapo), qui appelle à une grève nationale le 28 février pour protester contre cette révision annoncée à l’APN. «Des mesures qui vont toucher aux fondements de la profession», dénonce le Snapo dans un communiqué rendu public samedi et qui prévoit une conférence de presse mercredi prochain.
Le Snapo tient à préciser que «contrairement aux déclarations du ministre de la Santé, le Snapo n’a été associé par le ministère de la Santé à aucun travail sur l’éventuelle révision de la loi». Ce que déplore également le Syndicat national des pharmaciens algériens agréés.
Dans un communiqué rendu public le même jour, le SNPAA se dit surpris par les déclarations du ministre de la Santé qui a «décidé d’entreprendre des dispositions réglementaires sans nous associer ni nous consulter». Il annonce, ainsi, «son soutien» et «son accord» à toute action de contestation, dont la grève nationale à laquelle a appelé le Snapo le 28 février et à laquelle il compte adhérer.
Les déclarations du ministre de la Santé ont fait également réagir l’Ordre national des pharmaciens, qui ne compte pas en rester là. Une réunion du conseil national avec les 12 présidents des régions est prévue aujourd’hui pour décider des suites à donner à cette affaire, et une conférence de presse est programmée pour demain matin. Dans une déclaration à El Watan, le président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, le Dr Noureddine Mettioui, affirme que le CNOP n’a jamais été reçu au ministère de la Santé pour concertation à propos de la révision de la réglementation.
«Je rappelle que deux demandes d’audience ont été introduites auprès du ministre de la Santé pour justement aborder les problèmes que rencontrent les jeunes pharmaciens diplômés, mais nous n’avons eu aucune réponse à ce jour», affirme le Dr Mettioui, qui assure que «la décision prise par le ministre de la Santé est unilatérale et elle ne résout pas le problème du chômage des milliers de jeunes pharmaciens diplômés.
Mettre une pharmacie entre deux pharmacies, c’est-à-dire réduire le ratio national actuel d’une pharmacie pour 3400 habitants à une pharmacie à 2500 habitants est très dangereux pour l’exercice de la profession. C’est exactement une manière de pousser les pharmaciens et les encourager à exercer des pratiques illégales et déloyales de la profession, notamment la vente de psychotropes et les produits cabas, pour arriver à assurer au moins à payer les charges», avertit le Dr Mettioui.
Abondant dans le même sens, le Dr Abdelkrim Touahria, pharmacien d’officine, membre du conseil national du CNOP et ex-président du même conseil, signale que «des parties, qui n’ont aucune connaissance des règles de déontologie médicale et d’éthique, encore moins sur la responsabilité pharmaceutique qui pèse sur le pharmacien d’officine, exercent des pressions sur le ministre de la Santé pour résoudre un problème de chômage de milliers de diplômés docteurs en pharmacie». Un problème qui a été, poursuit-il, depuis plus d’une décennie soulevé au sein de la profession.
«Les représentants de la profession (Ordres et syndicats) avaient attiré l’attention des pouvoirs publics sur le devenir des étudiants des 11 facultés de pharmacie réparties sur le territoire national, en vain.» Il considère que «les solutions de facilité annoncées aujourd’hui par le ministre de la Santé ne vont jamais régler le problème, bien au contraire, elles vont en créer d’autres plus importants qui vont mettre en péril la santé des citoyens». Il rappelle que «le pharmacien n’est pas un commerçant !»
«Il n’y a jamais eu de discussion sur cette révision»
En sa qualité d’ancien président du CNOP, membre du conseil national représentant l’Ordre auprès du ministère de la Santé et modérateur de l’atelier médicament et équipement de santé lors de la rencontre sur la relance du système national de santé, le Dr Touahria tient à signaler : «Il est de mon devoir d’éclairer l’opinion publique en général et les pharmaciens en particulier sur certains points. Il n’y a jamais eu de discussion, encore moins de collaboration sur la réglementation de la pharmacie d’officine avec le ministère de la Santé et aucune audience ne nous a été accordée pour amorcer la réflexion sur les textes d’application de la loi 18-11 relative à la santé pour lesquels nous accusons un retard flagrant.»
Le représentant du CNOP affirme que son organisme ne «va pas cautionner des plans diaboliques orchestrés contre les professions pharmaceutiques qui vont mener au désastre et clochardiser notre profession. Il est temps d’arrêter de faire plaisir, et d’acheter la paix sociale aux détriments de la santé de nos concitoyens».
Pour lui, les conséquences de la circulaire 003 de 2014, relative aux installations d’officines de pharmacie en zone enclavées, sont déjà là. Une mesure qui était, selon lui, «une voie sans issue. Nous avions fait d’autres victimes qui ont eu comme sort une faillite financière et sanitaire faute de planification». Et d’ajouter : «C’est pourquoi nous avions, lors de la rencontre nationale sur la relance du système de santé, demandé la suppression de cette circulaire.»
Il plaide pour le retour du numerus clausus classique, à savoir une officine de pharmacie pour 5000 habitants et une distance d’au moins 200 m entre deux officines, qui sont des normes internationales, pour permettre au pharmacien «d’exercer sa noble profession dans les règles qui régissent celle-ci, mais aussi dans la dignité, sans avoir recours aux pratiques déloyales et autres qui mettent en péril l’avenir de notre profession, mais surtout la sécurité sanitaire de notre pays».
Et d’appeler à l’ouverture d’un débat en incluant tous les acteurs afin de trouver une issue favorable, et commencer à rédiger les futurs textes d’application de la «nouvelle ancienne» loi sanitaire.