Les pénuries dévoilent les limites du système alimentaire

11/01/2022 mis à jour: 05:13
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La pénurie de pomme de terre devient cyclique / Photo : D. R.

Les difficultés risquent de s’accentuer avec les tendances sur le marché international, notamment en cette période de crise sanitaire et de changements climatiques.

Le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Kamel Beldjoud, a instruit hier les walis pour assurer la disponibilité des produits de large consommation pendant le mois de Ramadhan.

C’est ce qu’indique un communiqué du ministère rendu public à l’issue d’une réunion de coordination tenue à distance avec les walis. Le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Abdelhafid Henni, a pour sa part appelé le 9 janvier dernier les professionnels et les opérateurs de la filière à redoubler d’efforts en vue de renforcer le stock de régulation de la pomme de terre, toujours afin de répondre aux besoins des consommateurs, surtout que le Ramadhan coïncide cette année avec la période de soudure s’étalant entre mars et avril.

L’objectif étant, selon le ministre de l’Agriculture, «la préservation des acquis et la mise en place d’un mécanisme de régulation efficace visant la préservation des revenus des producteurs et le pouvoir d’achat des consommateurs». Une problématique qui se pose justement tout au long de l’année et qui touche les produits les plus demandés, mais dont la prise en charge se fait de manière conjoncturelle.

En effet, comme c’est le cas chaque année à l’approche du mois sacré, les membres du gouvernement multiplient les recommandations et les orientations pour demander l’approvisionnement régulier du marché en produits alimentaires en prévision de la forte demande. Une demande qui touche particulièrement le lait, la pomme de terre, les viandes rouges et blanches, et bien évidemment l’huile.

Des filières marquées justement ces derniers mois par des crises. Il y a eu d’abord un premier épisode de raréfaction de l’huile de table sur le marché en octobre dernier, puis la flambée des prix de la pomme de terre et ceux du poulet. S’en sont suivis les pénuries de lait en boîte (alors que la pression sur le lait en sachet est toujours en cours), et de l’huile de table.

Deux dossiers sur lesquels le débat s’intensifie depuis quelques jours avec les déclarations des uns et des autres entre les assurances des pouvoirs publics, les explications des commerçants et les appréhensions des consommateurs qui font rudement face à l’érosion du pouvoir d’achat.

Le taux d’inflation de 9,2% enregistré à fin octobre dernier avec une forte hausse des prix des biens alimentaires, lesquels sont passés de 1,8% en octobre 2020 à 14,4% en octobre 2021. Rien que les prix des produits agricoles frais se sont accrus de 16,5% en octobre 2021 contre 1,9% le même mois de l’année écoulée.

A cette inflation galopante viennent s’ajouter en ce début d’année les pénuries. Une situation qui reflète la non-maîtrise du marché et le manque de clairvoyance en matière de stratégie sectorielle. Les difficultés risquent de s’accentuer avec les tendances sur le marché international, notamment en cette période de crise sanitaire et de changements climatiques.

Vulnérabilité

Les prix des produits alimentaires de l’organisation des Nations unies pour alimentation et l’agriculture (FAO) avaient rebondi de 28,1% en 2021 par rapport à 2020. Les prix mondiaux des céréales étaient à leur plus haut niveau depuis 2012, en moyenne 27,2% au-dessus des prix de 2020, toujours selon la même source.

Les prix des huiles végétales ont augmenté de 65,8% par rapport à 2020, les prix du sucre ont atteint leur plus haut niveau depuis 2016, les prix de la viande étaient supérieurs de 12,7% aux prix de 2020, et les prix des produits laitiers étaient 16,9% plus élevés qu’en 2020.

«L’augmentation mensuelle des prix depuis le dernier trimestre 2020 était un signal pour les producteurs de produire plus, mais le fait que 2022 verra ou non un ajustement dépend de plusieurs facteurs, dont les répercussions de la pandémie, le coût des engrais et les conditions climatiques», a prévenu dans ce sillage Abdolreza Abbassian, économiste principal de la FAO. Auparavant, en novembre 2021, l’organisation avait déjà appelé le pays à se préparer à d’autres crises.

«Les systèmes agroalimentaires mondiaux, encore confrontés aux conséquences de la pandémie de Covid-19, doivent se préparer sans tarder à de nouveaux chocs dans le futur, qu’il s’agisse de sécheresses, d’inondations ou de maladies diverses», avait prévenu le 23 novembre dernier l’organisation onusienne.

Après la pandémie de Covid-19 qui a dévoilé les fragilités des systèmes agroalimentaires mondiaux, «des stratégies devraient être adaptées dans les pays, particulièrement ceux dépendant des importations des produits alimentaires de base pour atténuer l’impact de ces éventuels chocs», avait plaidé la FAO.

Et ce, d’autant que ces chocs s’annoncent en hausse avec les bouleversements climatiques et le phénomène migratoire. Autant alors se pencher sur l’amélioration de la gestion pour réduire la vulnérabilité de notre système alimentaire, surtout que les faiblesses sont connues. 

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