Les négociations pour la fin de la guerre à Ghaza reprennent : Netanyahu met des bâtons dans les roues des négociateurs

11/07/2024 mis à jour: 03:03
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Photo : D. R.

Reprises hier à Doha, les négociations, que de nombreux observateurs qualifient d’optimistes, risquent de voler en éclats, comme cela a été le cas avant, en raison des intentions de Benyamin Netanyahu  d’empêcher tout accord susceptible de mettre fin à la guerre génocidaire contre Ghaza. Depuis le début de l’année, Netanyahu a fait avorter de nombreux rounds de négociations, parce qu’il sait que la fin de la guerre signifie sa mort politique et des poursuites pour des affaires de corruption.

Alors que les médias américains et israéliens annonçaient l’arrivée hier à Doha, la capitale qatarie, des patrons du Mossad, David Barnéa, du  Shin Bet, Ronen Bar, et du chargé des «otages» pour l’armée israélienne, Gal Hirsch, ainsi que les chefs de la CIA, l’agence américaine du renseignement, William Burns, et du renseignement égyptien, Abbas Kamel, pour prendre part aux négociations sur un accord pour un cessez-le feu et la libération des «otages» israéliens et des prisonniers palestiniens, de nombreuses sources officielles se sont montrées pessimistes, en raison des intentions du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, de manœuvrer, de peser de tout son poids pour faire capoter toute solution susceptible de mettre fin à la guerre génocidaire qu’il mène contre les Palestiniens.

Pour le journal israélien de gauche, Harretz, citant des sources diplomatiques occidentales, cette première réunion de Doha «est extrêmement importante», étant donné que les médiateurs attendent de voir si Israël a des propositions pratiques et concrètes à mettre sur la table.

Le Hamas a fixé des lignes rouges pour conclure un accord tout en soulignant que «le problème de Netanyahu est que la conclusion d’un accord se fera aux dépens de la coalition gouvernementale».

Le journal précise, par ailleurs, en reprenant les déclarations d’«une source étrangère», que «tout le monde attend ce que le chef du Mossad, David Barnea, va apporter» et «qu’il est encore possible de parvenir à un plan acceptable pour toutes les parties».

La même source fait cependant remarquer que «Netanyahu ne contribue pas à faire avancer les négociations». Bien au contraire, dit-on, sa position a accru la méfiance entre les parties et complique la capacité des négociateurs à mener ces négociations.

Fuites organisées

Il faut dire que ce premier round après une rupture des contacts entre les représentants du Hamas et de l’autorité israélienne ainsi que le retrait des pays médiateurs, le Qatar et l’Egypte, a été présenté comme étant très prometteur, notamment après la réponse positive de la partie palestinienne.

Une réponse suivie par des réactions contradictoires, voire négatives de Netanyahu, à travers des déclarations fuitées, sous le couvert «d’une source sécuritaire». «A chaque fois que les négociations progressaient, Netanyahu publiait délibérément des déclarations très sévères (…) et demandait à ses ministres d’attaquer les propositions», ont écrit de nombreux journaux.

«Au cours de ces derniers mois, Netanyahu a travaillé de manière systématique pour empêcher la conclusion d’un accord (…)», divulguait à la presse des «informations relatives aux points clés de la négociation (…).

Il a utilisé plusieurs méthodes pour contrecarrer les négociations, notamment en rendant publiques des informations confidentielles présentées lors des consultations avec l’équipe de négociation et a fait exprès de publier des déclarations contre l’accord au nom d’une source sécuritaire, à chaque fois que les négociations progressaient», a écrit hier le Haaretz, un journal de gauche israélien.

Jusqu’à la dernière minute, alors que tout était fin prêt pour reprendre les négociations, sur la base d’une nouvelle mouture américaine, avalisée par le Hamas et Israël, Netanyahu a continué à mettre les bâtons dans les roues des négociateurs, en déclarant que l’accord n’empêchera pas Israël de poursuivre la guerre, et qu’il n’acceptera pas un engagement écrit pour faire cesser le feu à Ghaza.

Une déclaration qui a suscité de violentes critiques de l’opposition israélienne, dont son leader Yair Lapid, qui plaidait pour un accord aboutissant à la fin de la guerre et la libération des «otages».

Dans un communiqué diffusé par les médias israéliens, il a qualifié les propos de Netanyahu de «provocateurs à ce stade des négociations», tout en se demandant «au bénéfice de quel intérêt», ils ont été tenus. Il a précisé que «la proposition approuvée par Israël permet le retour des ''otages'' sans compromettre les objectifs de guerre qui doivent être atteints», et que «le retour de milliers de militants dans le nord de Ghaza ne peut être dans le cadre de l’accord».

Travail de sape

Ce n’est pas la première fois que Netanyahu fait diversion pour faire capoter tout accord mettant fin à la guerre génocidaire contre Ghaza. Le 17 janvier dernier, il avait annulé les résultats des réunions préparatoires de la première rencontre de Paris sans concertation avec son conseil de guerre et l’équipe chargée de la négociation, puis durcit la position de l’Etat hébreu vis-à-vis des pourparlers avec le Hamas.

Une semaine plus tard, il retarde l’octroi d’un mandat à l’équipe de négociation et la tenue de la première réunion de Paris, suscitant une dénonciation publique, émanant du porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères à travers la publication d’une déclaration virulente contre Israël, sur son compte X (anciennement Twitter).

Durant la réunion de Paris, à la fin du mois de janvier de l’année en cours, Netanyahu a publié cinq déclarations dans lesquelles il a évoqué «des lacunes et révélé, selon la presse israélienne, des informations secrètes lors des négociation », suscitant la réaction du patron du Mossad, qui s’est déclaré «surpris».

Au début du mois de février dernier et alors que les contacts étaient en cours pour parvenir à une trêve humanitaire, avant le mois de Ramadhan et que le Hamas annonçait avoir répondu «dans un esprit positif aux initiatives des médiateurs», Netanyahu a déclaré à la 13e chaîne de télévision israélienne sous la couverture d’un «haut responsable politique israélien officiel» que «la position du Hamas signifiait le rejet de l’accord».

Vers la mi-février, alors que les travaux de la réunion du Caire s’ouvraient, le Premier ministre israélien a attendu jusqu’à la dernière minute pour dépêcher une délégation, sans lui donner de mandat, mais accompagnée de son conseiller personnel. Lors de la deuxième réunion de Paris, le 23 février dernier, il décide de limiter le mandat du patron du Mossad, qui lui a été accordé, après validation par le Conseil de guerre, pour rallier la capitale française.

Au mois de mars 2024, le Premier ministre israélien refuse de tenir une réunion du Conseil de guerre pour discuter de l’autorisation de l’équipe de négociation à la veille des éventuelles négociations de Doha, suscitant la colère du représentant de l’armée au sein de l’équipe de négociation. La presse israélienne a fait écho de l’ire du représentant de l’armée «face aux actions de Netanyahu».

Au mois d’avril dernier, alors que les négociations venaient d’être reprises pour parvenir à un «accord intérimaire» au cours duquel 33 prisonniers et détenus israéliens devaient être libérés et que l’armée commence son retrait de Khan Younès, Netanyahu a surpris tout le monde, en annonçant une opération militaire à Rafah. Une annonce qui a fait voler en éclats les négociations.

Au début du mois de mai, alors que le Hamas était sur le point de rendre sa réponse aux propositions israéliennes, le Premier ministre a déclaré publiquement son refus «d’arrêter la guerre de quelque manière que ce soit». Le 6 mai dernier, tandis que le Hamas déclare l’acceptation de la proposition israélienne, présentée dans un communiqué officiel, Netanyahu s’est s’empressé de rejeter cette réponse.

En début du mois de juin, il va récidiver avec le président américain Joe Biden, qui venait de rendre public un plan pour l’accord d’échange et la fin de la guerre, en exprimant son opposition à ce dernier,  devant les membres de la commission des affaires étrangères et de la sécurité de la Knesset.

C’est  dire que Netanyahu n’est pas prêt du tout à mettre un terme à la guerre génocidaire et qu’il continuera à empêcher, par tous les moyens, tout accord pour un cessez-le-feu. Il sait que la fin de la guerre est synonyme de sa fin politique, surtout que la Cour suprême a programmé son audition pour ses affaires de corruption, pour l’automne prochain. 


 

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