Les manuscrits de Tombouctou : Un héritage transafricain qui traverse les siècles

08/08/2023 mis à jour: 03:08
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Les manuscrits de la bibliothèque Mohamed Tahar revêtent une grande importance

La mythique cité de Tombouctou, au nord du Mali, est réputée pour sa multitude de mausolées, mais aussi pour ses bibliothèques séculaires contenant de vieux et précieux manuscrits. L’une de ses fameuses bibliothèques, connue à l’échelle internationale, est celle de Mohamed Tahar, un héritage qui se transmet depuis trois siècles. 

Elle compte actuellement un peu plus de deux mille manuscrits, écrits essentiellement en langue arabe, mais il en existe également d’autres en langue tamashek, en songhaï, en hassanya et en peul. On y trouve un peu de tout. 

Des documents de jurisprudences, de médecine, d’astrologie, de grammaire et aussi des actes de mariage, de vente et achat, d’héritage, d’échange des esclaves, etc. Les plus anciens datent du XIVe siècle.

 «Au XVIIe siècle, un membre éminent de ma famille, connu sous le nom de Moulaye Ibrahim, s’installa à Arawane, une oasis sur la route du commerce transsaharien. La bibliothèque a été fondée par la suite, par l’un de ses fils, Moulaye Sidi Mohamed Cherif, puis confiée à un frère de ce dernier, Sidi Talibna. Elle porte aujourd’hui le nom de Mohamed Tahar, fils de Cherif, arrière-petit-fils de Moulaye Ibrahim», dira Abdoul Wahid Haidara, l’actuel propriétaire et directeur de la bibliothèque. Et d’ajouter : «Mohamed Tahar était le premier de la famille Moulaye Ibrahim à s’installer à Tombouctou. Il fut un faqîh (spécialiste de la jurisprudence islamique), réputé de la ville de Tombouctou et jouissait de la confiance des cadis et de tous les commerçants de la ville. Il avait conservé des nombreux documents juridiques en plus des manuscrits de grande valeur.»
 

Pour notre interlocuteur, les manuscrits de sa bibliothèque revêtent d’une grande importance. Ils sont un lien avec les ancêtres, une source de connaissance, une base de recherche scientifique et une source de paix et du vivre-ensemble. «Il existe des écrits en tamashek (une branche de tamazight) sur beaucoup de marges des manuscrits avec l’alphabet arabe, soit pour la traduction ou pour l’explication des mots en langues étrangères. Il existe d’autres bibliothèques à Tombouctou riches en manuscrits en Tamashek», confie-t-il. Abdoul Wahid revient sur les relations entre l’Algérie et Tombouctou à travers les manuscrits.

 Selon lui, elles sont d’ordre culturel, commercial, relationnel et surtout dans le domaine de la connaissance et du soufisme. La langue arabe et sa grammaire ont été enseignées à Tombouctou par des hommes de lettres algériens. Il cite, entre autres, Aboul Qassim Attawati, qui serait venu de l’Algérie et avait beaucoup contribué dans le développement de la connaissance et de la culture tombouctienne. Des légendes ont même été tissées autour du personnage lui attribuant parfois des miracles.

 «C’est grâce à lui que Tombouctou a commencé à fêter le Mawlid Ennabawi. C’est lui aussi qui a créé une école des panégyristes dans laquelle il enseignait et étudiait aussi le saint Coran. Cette école est, par la suite, devenue un grand lieu de lecture du takhmis». 

Parmi les autres savants algériens, ayant séjourné à Tombouctou, on peut citer Sidi Ahmed Raggadi qui serait venu du sud de l’Algérie. Ce dernier joua aussi un grand rôle dans l’épanouissement culturel de Tombouctou. Le cheikh Almaghili aussi joua un grand rôle de la diffusion de l’islam. Il fut un conseiller de l’empereur Askia Mohamed (1443-1538). La sauvegarde et la préservation des fragiles manuscrits n’est pas mission aisée. 

Il y a plus d’une dizaine d’années, les groupes terroristes se sont emparés de la ville de Tombouctou et avaient détruit plusieurs monuments historiques. Abdoul Wahid s’est vu obligé de quitter les lieux pour sauver sa vie et celle des siens. «J’ai caché tous les manuscrits dans un endroit tenu secret même pour ma famille, afin de les préserver de la destruction ou du vol. C’étaient des temps vraiment difficiles. 

De nos jours, la bibliothèque Mohamed Tahar continue à aider les universitaires, partout dans le monde. Le dernier c’est un Algérien pour sa thèse à l’université Mohamed Khider de Biskra.»

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