Les journalistes tunisiens interdits de traiter les affaires sensibles : Droits à l’information contre protection de la confidentialité de la justice

26/06/2023 mis à jour: 18:48
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Pour le syndicat des journalistes tunisiens , la liberté de la presse est gravement malmenée en Tunisie

Dans les faits, la décision promulguée le 17 juin par le juge d’instruction du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme d’interdire le débat et le traitement médiatique concernant les deux affaires de complot contre la sûreté de l’Etat en Tunisie, semble entrer en application. 

Les deux affaires concernées ne sont plus depuis traitées médiatiquement malgré les appels lancés aux journalistes par le Syndicat des journalistes (SNJT) et la Fédération des directeurs de journaux (FTDJ) à continuer à traiter le dossier avec professionnalisme et rigueur. Les dernières arrestations de journalistes, comme le directeur général de Mosaïque, Noureddine Boutar, entre les mois de février et mai, ou le lobbyiste et potentiel candidat à la présidence du SNJT, Zied Heni, la semaine dernière, semblent installer de la crainte dans la corporation et un désir d’éviter les sujets à polémique. 

Pourtant, les deux affaires concernées ne datent pas d’aujourd’hui. Il s’agit, d’un côté, de l’affaire dite Instalingo, instruite à Sousse depuis Septembre 2021 et impliquant 51 personnes dont le chef du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi. L’affaire concerne la société Instalingo, basée à Kalaâ Kebira, aux environs Nord de Sousse et spécialisée dans la création de contenu. Elle est dirigée par le gendre de l’ex-chef du gouvernement, Hamadi Jebali, arrêté lui-aussi un certain moment avant d’être libéré. 

La société Instalingo est soupçonnée de blanchiment d’argent puisqu’elle a reçu des Fonds supérieurs au potentiel de son activité apparente. Plusieurs chroniqueurs dont l’avocat Imed Ben Halima, ont parlé de l’implication de cette société dans l’envoi de jeunes Tunisiens en Syrie. Ses récentes activités portent sur des préparatifs d’attentat ayant pour but de changer la forme de l’Etat, d’incitations des gens à s’armer les uns contre les autres et à provoquer le désordre sur le territoire tunisien. Un mandat de dépôt a été émis contre Rached Ghannouchi dans chacune des deux affaires. 
 

Dessous

Les affaires de blanchiment d’argent et de complots contre la sûreté de l’Etat sont très complexes. Il s’agit de reconstruire les éléments d’un puzzle aussi bien pour l’une que pour l’autre. Au début de l’instruction de l’affaire Instalingo, les plus audacieux soupçonnaient que les activités de ladite société cachaient quelque chose en raison du flux des Fonds importants reçus et des personnes impliquées comparativement aux réalisations annoncées. 

Le changement de ton des contenus produits depuis 2021 indique clairement un rôle politique favorable à Ennahdha. Les responsables d’Instalingo, notamment son directeur exécutif, le gendre de Hamadi Jebali, couvaient les activités louches des gouvernements de la mouvance islamiste en Tunisie des années 2012/13. A partir de 2014 et jusqu’au 25 juillet 2021, Ennahdha tirait les ficelles des diverses coalitions au pouvoir. 

C’est la raison pour laquelle, l’instruction contre Instalingo n’a été ouverte qu’en septembre 2021. Mais que pourrait justifier l’interdiction de médiatisation ? Les divers débats audio-visuels de ces deux affaires en Tunisie ont laissé fuiter des dossiers très suspects qui auraient été mis à la disposition des intervenants par des réseaux au sein même de l’appareil de l’Etat, semble-t-il. 

D’ailleurs, ces fuites ne concernent pas uniquement ces deux affaires. Or, pareils actes nuisent à l’instruction et mettent à mal la crédibilité de la justice. D’où, la décision du juge d’instruction du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme d’interdire le traitement médiatique de ces deux affaires. 

Le juge concerné a avancé l’argument de la protection des données personnelles. En vérité, il ne veut pas de brouille sur la scène médiatique et il cherche à éviter les polémiques inutiles pour l’instruction. En face de l’appareil judiciaire, il y a un autre pôle représentant les intérêts de l’opposition, Ennahdha en tête. 

Sous le couvert de la défense de la liberté d’expression et de la transparence de la justice, le Syndicat des journalistes, SNJT, la Fédération des directeurs de journaux, FTDJ, ainsi que le Comité de défense des détenus appellent les journalistes à refuser la décision du juge d’instruction et de continuer à médiatiser les deux affaires. 

«Il ne s’agit nullement de liberté d’expression», assure un journaliste libre de la TAP, l’agence de presse nationale, préférant l’anonymat. «L’affaire Instalingo cache clairement un réseau mafieux ; son épilogue indiquerait même les traces des trésors cachés de la Tunisie ; certains journalistes auraient même bénéficié de ses dividendes», ajoute-t-il, appelant les journalistes à s’attacher surtout à leur professionnalisme et à la déontologie du métier. 

 

Tunis
De notre correspondant  Mourad Sellami 

 

 

 


 Manifestation contre les migrants clandestins 

Des centaines de manifestants ont protesté hier à Sfax, dans le centre-est de la Tunisie, contre la présence de migrants subsahariens en situation irrégulière dans leur ville, principal point de départ clandestin dans le pays vers l’Europe. «Protéger Sfax» ont notamment scandé les protestataires rassemblés devant la préfecture de la ville, à l’appel d’un mouvement local, «Sayeb trottoir», a constaté un correspondant de l’AFP. Le président de ce mouvement Zied Mallouli considère la présence des migrants clandestins comme «une menace contre la sûreté des habitants de Sfax». Sfax, deuxième ville de Tunisie, est le point de départ d’un grand nombre de traversées illégales de migrants clandestins vers l’Italie. Ses habitants ont souvent critiqué la présence croissante des migrants illégaux et réclamé leur départ. Les appels contre la présence des migrants clandestins en Tunisie se sont multipliés après un discours le 21 février du président Kaïs Saïed pourfendant l’immigration clandestine et la présentant comme une menace démographique pour son pays. Des cas d’agressions contre des migrants de l’Afrique subsaharienne ont été recensés après ce discours. Plusieurs ONG locales et internationales ont dénoncé alors «les discours de haine et d’intimidation contre les migrants (d’Afrique subsaharienne) diffusés sur les réseaux sociaux qui contribuent à la mobilisation contre les groupes les plus vulnérables et alimentent des comportements violents à leur encontre».R. I.

 

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