Les enjeux agricoles et alimentaires de l’Algérie : Pour un débat sociétal éclairé et constructif

09/06/2024 mis à jour: 20:13
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Dans le contexte mondial actuel marqué par la reconfiguration rapide de l’ordre géopolitique et géoéconomique, la question de la souveraineté alimentaire s’impose à nouveau comme un enjeu majeur pour tous les pays souhaitant maîtriser leur destin. L’Algérie en fait partie.

 Les plus hautes autorités de l’Etat ont clairement fait du secteur agricole un pilier essentiel de la sécurité globale du pays. Pour jouer ce rôle, le secteur agricole doit entreprendre et réussir des transitions structurelles, organisationnelles et technologiques nécessaires pour relever les défis agricoles et alimentaires de l’Algérie au XXIe siècle.


Le secteur agricole fait face à un défi majeur pour les années et les décennies à venir : accroître durablement la production agricole tout en améliorant sa qualité. Cependant, ce défi est entravé par des contraintes structurelles qui plombent actuellement la productivité agricole. En effet, les structures de production (taille et organisation des exploitations), l’organisation de la profession, l’encadrement technique et administratif, ainsi que l’environnement économique du secteur sont peu efficients et incompatibles avec les transitions nécessaires.

 A ces défis s’ajoutent de fortes contraintes naturelles, telles que la rareté de l’eau et des terres fertiles, aggravées par le changement climatique. Ainsi, le secteur agricole doit relever des enjeux à la fois techniques, organisationnels et environnementaux pour assurer une production durable et de qualité dans les années et décennies à venir.

Par ailleurs, la structure actuelle du modèle de consommation alimentaire en Algérie est incohérente avec la production du secteur agricole national. Les produits les plus consommés sont majoritairement des produits importés (blé, lait, huile et sucre), paradoxalement subventionnés à la consommation. Un effort important est nécessaire pour repenser notre modèle de consommation, en phase avec nos potentialités agricoles, afin d’infléchir ces tendances. Les incidences du modèle de consommation vont au-delà de la seule dimension agricole. 

Elles affectent également la santé publique et toutes les dimensions qui y sont liées.
Le secteur agricole algérien se trouve à la croisée des chemins. Des réformes structurelles d’envergure doivent être entreprises pour consolider sa trajectoire de croissance et de développement, à la hauteur des grandes attentes sociétales et des défis géopolitiques du pays. Les importants efforts de l’État pour accroître la production agricole gagneraient en impact et en durabilité s’ils étaient accompagnés de réformes structurelles à long terme. Il est urgent que l’Algérie consolide sa stratégie agricole en l’inscrivant dans une vision à long terme, claire et clairvoyante. 

Elle doit également renforcer ses capacités d’élaboration, d’évaluation et d’actualisation des politiques agricoles. Pour ce faire, il faut commencer par construire une vision commune, partagée par tous les acteurs politiques, économiques et de la société civile, de ce que devrait être l’agriculture algérienne à l’horizon 2054. Ensuite, il faudra bâtir dès aujourd’hui les bases solides de cette agriculture de demain et les conditions de sa durabilité. Cette vision «filaha-DZ-2054» doit appréhender la question agricole dans son cadre global, celui de la souveraineté alimentaire.

La construction des bases durables de l’agriculture de demain exigera des réformes profondes, vigoureuses et courageuses. Le coût économique, social, voire politique de ce chantier de réformes doit être envisagé à la fois comme un investissement en faveur des générations futures, et comme l’acquittement d’une dette envers nos glorieux ancêtres qui ont mené la révolution fondatrice de 1954. La liberté pour laquelle ils se sont sacrifiés est un précieux héritage que les patriotes de chaque génération se doivent de perpétuer et de consolider.
 

Ali Daoudi 
Professeur à l’ENSA

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