Elle ne concerne plus que 4100 cas en 2018, soit 6% des divorces
C’est le khôl qui est le plus employé aujourd’hui par les femmes qui veulent divorcer, tandis que leurs époux refusent. Il faudrait s’interroger sur les raisons du recours préférentiel des femmes à ce type de divorce. On peut penser qu’une part des épouses qui auraient pu demander le tatliq optent pour cette modalité pour éviter de se lancer dans une procédure longue et douloureuse, surtout quand les mauvais traitements du mari sont difficiles à prouver ce que l’on ne peut pas chiffrer mais qui pèse lourd sur le quotidien des femmes
Le grand nombre de divorces pose de nouveaux problèmes pour la société en général et pour les femmes en particulier. Le nombre de familles monoparentales augmente chaque année et c’est en général la mère qui se trouve en charge des enfants. Or, le statut de femme divorcée n’est pas toujours facile, comme le détaille très bien un article de Sarah Raymouche dans Le Soir d’Algérie (30/01/2009) le divorce (mais également le veuvage) fait souvent passer de l’autonomie au tutorat.
Les femmes accueillies dans leur famille, même les femmes indépendantes financièrement et qui participent aux frais du ménage, se plaignent que «tout le monde ne se gêne pas pour surveiller leurs allées et venues».
«Louer un appartement serait mieux pour elle, dit cette divorcée interviewée, mais je n’ai pas le courage de le faire car la pression familiale et sociale est trop pesante.»
Une autre, mère de deux enfants, elle aussi accueillie dans sa famille, raconte dans le même article : «Tout le monde se donne le droit d’avoir un avis sur l’éducation de mes enfants. Je suis considérée moi-même comme une enfant. J’ai l’impression d’être surveillée par tout le monde.
Mes déplacements le sont également, J’ai plus de pression en tant que divorcée que lorsque j’étais célibataire par rapport à ma réputation. Tout le monde semble penser que je pourrai virer à la débauche à n’importe quel moment.»
3) APPLICATION DES POLITIQUES NATIONALES POUR PROMOUVOIR L’ÉGALITÉ
Le ministère délégué à la Condition féminine a mis en place en 2006-2008 diverses stratégies nationales pour promouvoir l’égalité des sexes et la non-discrimination ainsi que la lutte contre la violence à l’égard des femmes, des initiatives louables mais confrontées à un manque de ressource. La mise en œuvre de ces stratégies a été partielle. Aujourd’hui, nous sommes en attente d’une nouvelle stratégie de lutte contre les violences faites aux femmes que devrait élaborer le ministère de la Solidarité car ce dernier a absorbé le ministère délégué à la Condition féminine devenue une direction générale de la famille.
4) ÉGALITÉ DES SEXES ET PARTICIPATION DES FEMMES à LA VIE POLITIQUE ET PUBLIQUE
Les femmes ont le droit de voter et de se présenter aux élections depuis l’indépendance, soit 1962.
Le législateur a érigé l’égalité en principe constitutionnel, mais il demeure virtuel car difficile à mettre en œuvre. L’égalité en politique n’a pas été inscrite dans l’agenda des partis politiques encore moins des institutions. Le nombre de députés a oscillé entre 10 et 30 en passant par quatre en 1984. Il a fallu attendre 2008, sur impulsion du mouvement associatif suite à un plaidoyer du CIDDEF, pour que le président de la République propose un amendement de l’article 31 (art. 31bis) de la Constitution favorisant l’augmentation des chances en politique des femmes.
Cette modification a été suivie en 2012 par la loi organique prévoyant un quota de candidates dans les listes électorales par sièges à pourvoir, soit 25%, 30%, 40% et 50%. Elles ont été 143 à être élues au parlement, par contre, elles n’ont été que 4 à être au sénat. En 2017, 126 femmes ont été élues. La loi électorale de 2021 a introduit la parité entre les candidats dans les listes électorales. Si la parité n’est pas respectée dispose la loi électorale a liste sera rejetée.
Cette dernière a abrogé toutes les dispositions contraires à son contenu dont la loi de 2012 ayant introduit le quota en politique. La parité exigée dans les listes de candidature n’a pas garanti la parité en nombre d’élus femmes/hommes. Le recours à la discrimination positive en 2012 a donné des résultats probants contrairement à la parité qui n’en a pas donné en 2021. Quant aux femmes dans la haute administration et aux postes de décisions leur présence est symbolique (5 femmes ministres).
5) AUTONOMISATION DES FEMMES
Sur 11 millions représentant la population active seuls deux millions de femmes travaillent. La part de l’emploi féminin dans l’emploi total reste modeste 17,6%, globalement éloigné d’un objectif de parité comme le prévoit la Constitution. Pourtant les chiffres démontrent qu’elles sont plus nombreuses à l’université où vont-elles donc, dans l’informel pour la plupart ou restent-elles à la maison car il leur est interdit de travailler ? Le sondage entrepris par le CIDDEF, en 2008, a montré que 1 500 000 femmes ont déclaré être interdites de travailler.
Pourtant, le code de la famille en 2005, a protégé le travail de la femme en permettant à l’épouse de prévoir une clause dans le contrat de mariage protégeant son droit au travail. Paradoxalement, il peut être un motif de la déchéance de la garde si l’intérêt de l’enfant est mis en péril.
Les femmes divorcées sans ressource et sans travail exerçant la garde des enfants rencontrent bien des difficultés à leur assurer une vie décente. La pension alimentaire allouée aux enfants est insignifiante (5000 DA), souvent l’époux est dans l’incapacité d’exécuter son obligation ou refuse carrément de le faire préférant s’exposer aux sanctions pénales.
La mise en place d’un fonds de pension alimentaire a été institué pour apporter un soutien direct aux femmes divorcées mais surtout pour rappeler que la pension alimentaire est un droit de l’enfant. Ce fonds apparemment difficile à gérer à été intégré au fond de solidarité par la loi de finance de 2020.
6) LES FEMMES CÉLIBATAIRES
La loi sur la protection sociale protège les femmes célibataires qui ne travaillent pas, elles sont à la charge de leur père et au décès de celui-ci elles bénéficient d’une quote-part sur la pension de reversion versée à sa veuve. Par contre les mères célibataires, contraintes d’abandonner leur enfant à sa naissance faute de ressource mais surtout à cause du rejet de la société, ont du mal à assurer lorsqu’elle décide de garder l’enfant. Seule une allocation secours enfant, dérisoire leur est accordée par la direction de l’action sociale relevant du ministère de la solidarité et elle est insignifiante (1200 da pour l’enfant).
Conclusion
Nous avons mis en évidence les discriminations les plus visibles, consacrées par la loi pour la plupart et faciles à lever pour peu que la volonté politique existe. Cette dernière nous le pensons a existé car elle a été à l’origine ces dix dernières années d’avancées significatives mais l’elle encore aujourd’hui.
Nous avons longtemps interpellés les institutions sur la croissance des féminicides, sur l’absence d’une stratégie de lutte contre les violences faites aux femmes, sur la mise en place d’un guichet unique prenant en charge les femmes battues, sur la nécessité de revoir le code de la famille, de réinstaurer le quota pour arriver à la parité, mais en vain. Il reste du chemin à parcourir.
Le mouvement associatif constitutif de la société civile est partie prenante dans les changements entrepris mais aussi à venir pour éliminer la discrimination et rendre effective l’égalité entre homme et femmes.
Protéger la femme, c’est protéger la société.
Par Maître Nadia Aït-Zaï