Concernant la garde, cette dernière revient à la mère puis au père, il est à noter que ce dernier a été réhabilité dans sa responsabilité de père et que la lignée maternelle n’est plus favorisée dans l’attribution de la garde tel que le prévoit le droit musulman.
C’est une attribution de garde alternée entre les parents et les deux lignées maternelles et paternelles. Le père n’assume pas automatiquement la garde des enfants il faut qu’il la demande lorsque la mère se remarie. Par contre la femme qui se remarie avec une personne non liée à l’enfant par une parenté de degré prohibé est déchue de son droit de garde (Article 66).
La garde de l’enfant de sexe masculin cesse à dix ans révolus et celle de l’enfant de sexe féminin à l’âge de capacité de mariage. Le juge prolonge cette période jusqu’à seize ans révolus pour l’enfant de sexe masculin placé sous la garde de sa mère si celle-ci ne s’est pas remariée.
Attribution d’un logement décent ou à défaut un loyer
En cas de divorce, il incombe au père d’assurer, pour l’exercice de la garde, à la bénéficiaire du droit de garde un logement décent ou à défaut un loyer. Le deuxième alinéa qui prévoit le maintien de la femme dans le domicile conjugal jusqu’à l’exécution par le père de la décision judiciaire relative au logement n’est pas opérationnelle du fait de son départ volontaire ou forcé du domicile conjugal. Les juges n’en tiennent pas compte, ils condamnent simplement le mari à octroyer un logement pour assurer l’exercice de la garde ou à défaut à verser un loyer à la gardienne des enfants éludant ainsi toute référence au domicile conjugal. Le montant du loyer attribué ne permet à la mère gardienne de trouver une location décente. La tutelle des enfants et ou puissance paternelle.
La tutelle des enfants est exercée durant le mariage exclusivement par le père, à son décès elle revient à la mère et en cas de divorce à celui ou à celle à qui la garde a été attribuée. L’article 87, du code de la famille, prévoit qu’en cas d’absence ou d’empêchement du père la mère supplée ce dernier dans l’accomplissement des actes à caractère urgent concernant ses enfants. En réalité il est difficile à la mère de suppléer le père dans la gestion urgente des affaires concernant l’enfant.
D’une part il faut qu’elle prouve que son mari a réellement un empêchement ou est absent d’autre part les préposés à l’administration habitués au rôle de chef de famille pourtant abrogé exercé par le mari et père manifestent des réticences à appliquer la loi. Même lorsque la mère est divorcée, gardienne et tutrice des enfants, détentrice de son jugement de divorce elle est confrontée au comportement négatif des employés qui lui refusent l’établissement d’un passeport, d’une carte d’identité ou d’une autorisation de sortie hors du territoire nationale. Les effets du transfert de la tutelle sur l’enfant après un divorce sont réduits par des pratiques et comportements discriminatoires à l’égard de la femme.
Ayant pour source principale les règles du droit musulman et bien qu’ayant utilisé les principes d’égalité et de justice le législateur tout en modifiant le code n’a pas mis fin aux inégalités entre hommes et femmes dans la famille et particulièrement en matière de témoignage et d’héritage. Deux voix de femmes équivalent la voix d’un homme au moment de l’accomplissement d’actes civils ou commerciaux, alors qu’elles jouissent de la capacité civile tout comme l’homme à 19 ans, alors qu’elles votent à 18 ans et sont responsables pénalement à 18 ans.
Les femmes sont défavorisées en matière d’héritage, puisque la fille reçoit l’équivalent de la moitié de la part du garçon. Bien souvent la liquidation de succession est accélérée lorsqu’il n’y a pas d’héritiers mâles. Les héritiers Acebs (cousins mâles fussent-ils lointains) se manifestent pour entrer dans la succession aux côtés de la veuve et les filles du défunt.
Ce qui intéresse les personnes entrant dans la succession c’est souvent l’appartement, ce bien immobilier prisé par tant d’héritiers indirects mettant dans la précarité la veuve et les filles du défunt.
Une fois le bien vendu, les héritières femmes se retrouvent à la rue.
La loi doit protéger les héritières femmes en l’absence d’un mâle dans la succession du mari et père en optant pour la technique du RADD soit le retour au profit des filles de la part qui revient aux Acebs (dans le code tunisien les héritiers acebs sont exclus), soit leur attribuer l’usufruit du domicile conjugal et familial. En pratique, dans les régions berbérophones les femmes sont exhérédées pour ne pas disloquer la propriété, en contrepartie elles ont droit à l’usufruit de la maison familiale.
Les enfants d’un fils prédécédé viennent à la place de leur père dans la succession du grand père alors que le flou persiste lorsqu’il s’agit des enfants de la fille prédécédée. Certains notaires excluent les petits enfants de la fille prédécédé de la succession de leur grand-père maternelle, ils ne peuvent pas venir en lieu et en place de leur mère.
Code de la nationalité
La réforme du code de la nationalité en 2005 donne le même droit en vertu de l’article 06 à l’algérienne tout comme à l’algérien de transmettre sa nationalité à son enfant. Le conjoint étranger de l’algérienne peut prétendre à l’acquisition de la nationalité algérienne par le mariage et la résidence en Algérie. Toutefois il subsiste une discrimination dans l’article 18 du code de la nationalité qui dispose : «perd la nationalité algérienne la femme algérienne qui, épousant un étranger, acquiert effectivement du fait de son mariage la nationalité de son mari et a été autorisée par décret à renoncer à la nationalité algérienne.» Aucune disposition similaire pour l’homme n’est prévue dans le code de la nationalité.
Code pénal :
Les modifications apportées au code pénal en 2004 et 2015 ont érigé en infraction le harcèlement sexuel dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ne décrivent pas les moyens de preuve que pourrait apporter la victime. Le harcèlement sexuel commis dans un endroit privé (bureau) sans témoins, est difficilement prouvé par la victime qui lorsqu’elle se plaint est souvent mutée à un autre poste ou alors poursuivie en diffamation par l’auteur qui se transforme en victime. Par contre concernant la violence conjugale le législateur permet de la prouver par tous moyens.
Bien que prenant en compte les coups et blessures à l’encontre des personnes sans distinction de sexe, le code pénal en 2015 a fini par ériger en délit la violence conjugale et domestique exercée à l’encontre des femmes mais malheureusement il l’a accompagné du pardon qui permet à la femme de mettre fin à l’action publique.
L’avortement est un délit pénal, seul est autorisé l’avortement thérapeutique. Il est difficile à la femme d’interrompre une grossesse non désirée ce qui la conduit souvent à recourir à une pratique dangereuse, l’avortement clandestin mettant en péril sa vie. En Algérie, l’avortement n’est autorisé que lorsqu’il constitue « une mesure indispensable pour sauver la vie de la mère du danger, ou préserver son équilibre physiologique et mental gravement menacé », selon l’article 77 et 78 de la loi 18-11 du 02/07/2018 relative à la santé.
Le code du travail
Le code du travail en 1990 était le seul texte où figure la définition de la discrimination et où les relations de travail sont égalitaires; La travailleuse ne souffre pas de discrimination en matière de salaire et bénéficie de la sécurité et protection tout comme l’homme. Elle bénéficie d’une protection spéciale en matière de maternité. Par contre le code du travail n’a pas encore érigé en faute lourde le harcèlement sexuel nuisant aux relations de travail et portant atteinte à l’intégrité de la femme.
Le code de la protection sociale
Ce texte est également égalitaire en matière de prestations accordées aux travailleurs sans distinction de sexe. Toutefois bien que le versement de la pension de réversion à l’homme ou à la femme ne souffre pas d’inégalité, il existe un cas de discrimination flagrant à l’égard de la veuve qui se remarie. Cette dernière perd la pension de réversion en cas de remariage alors que le veuf qui se remarie ne la perd pas.
2) PRÉJUGÉS DANS L’ADMINISTRATION
Les amendements apportés au code de la famille particulièrement ceux ayant trait à l’abrogation de la notion de chef de famille et de la suppression du devoir d’obéissance, à celui concernant la tutelle des enfants exercée par la mère en cas d’absence du mari ou en cas de divorce particulièrement ses effets, ceux concernant l’égalité des époux dans la gestion de la famille, aux effets de la kafala (transfert de la wilaya aux parents kafils ou exercice de droit de la tutelle par la mère célibataire ayant gardé et reconnu son enfant) n’ont pas été encore assimilés par les préposés de l’administration qui affichent souvent des réflexes de rejet des demandes formulées par la mère.
La Commune, la Daïra, la Casnos, les services de sécurité et autres administrations doivent être instruites des changements induits par le code.
Les juges sont confrontés à une incohérence du texte lorsqu’il s’agit de la polygamie. Malgré le contrôle judiciaire institué, les juges sont mis devant un fait accompli qui est celui de valider les mariages coutumiers autorisés par la loi. Une manière pour les particuliers de contourner les conditions de validation du second mariage. Par contre, les juges, s’agissant du nouveau cas de demande de divorce formulée par la femme qu’est le chikak, soit la mésentente, subordonnent le divorce à la production d’un jugement pénal ou de preuves. Par cette demande les juges s’en tiennent encore à leur comportement d’avant 2005 lorsque ce cas n’était pas inscrit dans la loi comme cas de divorce.
Préjugés dans la société
Le nombre de divorces a augmenté; il a plus que doublé entre 2005 et 2018. Le divorce par décision unilatérale du mari reste de loin la modalité de divorce la plus fréquente. Près de la moitié des divorces entre dans ce cadre. Le divorce par consentement mutuel où deux adultes constatent que la vie commune n’est plus possible quel qu’en soit la raison reste au point de vue du nombre la seconde modalité de divorces, mais se trouve proportionnellement moins utilisé ces dernières années (26% en 2018) qu’en 2005-2009 où plus d’un tiers des ménages y avaient recours. Le tatliq, divorce à la demande de l’épouse aux torts du mari pour mauvais traitement et autres manquements graves énumérés par le code de la famille est en diminution : en 2012, elle concernait 5.900 divorces soit plus de 10% des divorces.
(A suivre)
Par Maitre Nadia Ait-Zai