Les biais culturels du développement économique : «Ce n’est pas la pluie qui fait pousser un verger, mais l’eau, et l’eau peut être produite»

04/06/2024 mis à jour: 21:37
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Dans ma contribution, j’essaye d’analyser les éventuels liens de corrélation entre le développement économique et la culture.


Expliquer le sous-développement uniquement par des facteurs socio-économiques et politiques, tels que la mauvaise gouvernance, le manque de ressources ou l’absence d’une main d’œuvre bien formée et qualifiée serait un raccourci erroné.
 

Si nous devons aborder le sujet, il est intéressant de définir la culture, E. B. Tylor en donne, en 1871, la définition suivante :
 

La culture est un ensemble complexe qui englobe les connaissances, les croyances, l’art, la loi, la morale, les coutumes et toutes les autres attitudes de l’homme en tant que membre de la société.


Pour comprendre le fonctionnement d’une culture, il est pertinent de se concentrer sur les valeurs.
«Une valeur est une croyance permanente de l’individu, qu’un mode de conduite ou d’existence spécifique lui est personnellement et socialement préférable à un autre mode opposé ou réciproque». Rokeach (1973)
Donc, les valeurs sont personnelles, globales et stables sauf que les pratiques des gouvernances qui se sont succédé n’ont jamais apporté des solutions objectives et constructives pérennes aux différents événement qu’a connus le pays, le dernier en date le hirak. 


On sait aussi qu’une culture progresse et régresse sous l’influence de l’éducation et sous l’influence d’autres cultures.

Dans sa définition de la culture, E. B. Tylor cite les attitudes qui englobent les actions et les réactions des individus aux situations auxquelles ils sont exposés d’une manière réfléchie ou irréfléchie.


Dans toutes les cultures, on retrouve une part d’irrationnel qui résulte des connaissances et des croyances, de l’art, de la morale et des coutumes. Cette part d’irrationnel conditionne souvent les comportements et les attitudes de l’individu, ainsi que son raisonnement et ses prises de décisions.


Le degré d’importance de la part d’irrationnel dans la culture affecte le raisonnement rationnel de l’individu pour une prise de décision efficace dans un environnement qui ne laisse aucune place à l’hésitation et à l’affect.
L’environnement économique nécessite des prises de décisions rationnelles basées sur une réflexion structurée pour l’atteinte d’objectifs clairs et mesurables préalablement fixés en mobilisant toutes les ressources nécessaires et un suivi adapté pour apporter les solutions et les corrections nécessaires.


Une expression très répandue chez nous résume à elle seule les biais de notre culture :
«Chaque retard porte ses bienfaits.»
En contradiction frontale avec le raisonnement rationnel du monde scientifique et économique où tout est planifié, le risque de retard est évalué, le coût de ce dernier est déterminé et des solutions sont envisagées dans un plan de contingence. 

Ainsi, le raisonnement rationnel anticipe sur les événements contrairement au raisonnement irrationnel où la réaction est souvent post survenance de l’événement ce qui génère des coûts et des solutions inefficaces. 
Le mode de fonctionnement de nos organisations est révélateur du niveau  d’irrationnel dans notre culture.
Les groupes d’intérêt général de l’action publique se créent autour de l’appartenance régionale ou familiale au lieu d’être sur des bases rationnelles mesurables par la compétence, l’implication, la capacité d’anticiper sur les événements et les résultats. 


Souvent, il y a un consensus social que nous possédons une économie rentière basée sur la manne pétrolière, une richesse bénie. A mon sens, le biais est plus profond, c’est notre définition de la richesse et la source de son acquisition et sa fructification. Socialement, il est admis que la richesse appartient à Dieu, c’est lui qui la distribue et que les individus bénéficient de cette rente par sa grâce. Cette perception renforce l’irrationalité sociale que l’individu n’est pas lui-même le créateur de richesse.

La gouvernance s’érige en ce substitut de Dieu, qui s’auto-désigne pour garder le pouvoir sur les sujets, et comme les rois d’il y a cinq ou six siècles garde aussi le pouvoir sur la richesse et sur la religion et les distribue en fonction des alliances, des liens génétiques et le niveau d’allégeance dans un costume d’état moderne avec des institutions modernes. Aucune oligarchie ne peut se construire sans se manger mutuellement dans la main avec la gouvernance, d’où la naissance d’alliance familiale et des liens de sang et des grands centres d’intérêts opaques.
Pour pallier cette situation et réduire la part d’irrationnel dans notre culture pour espérer voir naître une société réfléchie créatrice de richesse :  
 

• Nous avons besoin en plus de gouvernants légitiment élus du peuple, ils doivent avoir une culture nettement plus avancée que la société pour pouvoir nous tirer vers le haut et insuffler un autre mode de raisonnement, de réflexion et de gouvernance basé sur des objectifs matériels mesurables.
• Nous devons revoir les programmes de l’école surtout dans l’enseignement général autour de la réflexion, du raisonnement scientifique et supprimer toutes les parties des programmes qui consolident le raisonnement irrationnel pour enfin produire un citoyen réfléchi et responsable.
 

Aujourd’hui, hélas, parce que le système éducatif a failli et l’absence d’une prise en charge effective par les gouvernances successives des problèmes sociétaux, nous assistons effarés à regarder s’accentuer la complexité de la situation à laquelle est confronté le pays.

 


Par Mohamed Said Kahoul
Consultant en management

 

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