Les baroudeurs de la Wilaya III, ces héros anonymes

21/08/2023 mis à jour: 12:07
APS
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Des moudjahidine de la Wilaya III historique s’étaient forgés une réputation de baroudeurs durant toute la guerre de Libération, s’affirmant davantage après le congrès de la Soummam (20 août 1956) qui a eu le mérite de réorganiser les rangs et de donner un meilleur souffle à la Révolution. Aussi, leur apport et leur engagement ont été, à ce titre, décisifs à bien des égards.

«Leur courage, bravoure et solidarité ont mis en déroute des bataillons ennemis entiers et fait douter leurs chefs de la cause pour laquelle ils se battaient», explique le directeur du Musée du moudjahid de Béjaïa, Redouane Hani, à l’occasion de la célébration de la Journée nationale du Moudjahid (20 Août), ajoutant que «leur détermination a fait basculer le cours de la guerre».

«Ils étaient la détermination incarnée», abonde dans ce sens, Kaci Chaallal, dans une déclaration à l'APS, un de ces baroudeurs et un des survivants miraculés de cette épopée. Si Kaci a été grièvement blessés lors d’une opération «quasiment suicidaire» en 1960.

A son réveil, il ne savait pas s’il était en vie ou dans l’Au-delà. Pris dans une tempête de feu, il a eu le corps criblé de balles, si bien que tous ses camarades, en le voyant s’affaisser sur le sol recouvert de sang, l’ont donné pour mort. «Allahou Akbar», entendait-il autour de lui, au point de croire lui-même qu'il était mort, d’où le doute entretenu à son réveil. Mais le destin l’a épargné finalement.

Après avoir ramassé ses forces, il s’est laissé glisser dans un ravin avant d’être trouvé, récupéré, soigné et sauvé par ses frères d’armes, a-t-il confié, indiquant que malgré la différence et l’inégalité des forces avec l’armée coloniale, «les moudjahidine s'étaient battus comme des lions et avaient remporté la bataille».

Les confrontations, les attaques, les embuscades, qui souvent finissaient dans des corps-à-corps épiques, prennent l’allure d’opérations suicides, en raison de la distorsion des effectifs et des moyens avec l’ennemi, mais que les moudjahidine ont compensé, du reste, avec «leur courage, témérité et foi en la justesse de leur combat», opinera un autre survivant, un baroudeur et un combattant de choc, Abdelkader Belaoued.

Contrairement à Si Kaci, ce moudjahid et après six ans d’opérations au maquis, n’a «pas essuyé une seule égratignure», rapporte-t-il amusé, invoquant la «baraka» divine qui, selon sa croyance, l’a protégé des grandes épreuves qu’il a dû traverser.

La compagnie 324 ou la bête noire de l'armée coloniale

Pourtant, ce n’était pas les périls qui ont manqué. Abdelkadser Belaoued a participé à des dizaines de combats et d’opérations, à l’instar d’ailleurs de toute la compagnie dont il a fait partie, la 324 en l’occurrence, qui alors avait défrayé la chronique pour ses hauts faits d’armes et ses actions héroïques.

Conduite par le défunt Boualem Zane, elle regroupait en son sein des noms prestigieux, dont Mouloud Ouardani, Arezki Smail, Amar Touati, les frères Harkour, Hocine Bouchetta et d’autres. 
Au fil des actions, cette compagnie s’est imposée comme la bête noire de l’armée coloniale dans la Wilaya III, selon les témoignages recueillis par l'APS.

«Il n’y avait pas une étincelle sans que la main de la compagnie ne soit derrière», a souligné Da Abdelkader, expliquant que ce numéro 324 est une trouvaille de l’ennemi qui avait tout fait pour la démanteler et la rendre plus visible géographiquement.

«Le 3 indiquait la Wilaya III, le 2 celui de la Zone et le 4 le numéro de la région», a-t-il expliqué, ostensiblement fier de ses succès, se souvenant, notamment de l’attaque d’Ahelouf, non loin de Toudja, où l’opération, soigneusement préparée et rondement menée, s’est soldée par l’incendie d’un camion de convoi militaire.

L'attaque s'est terminée avec un bilan de 11 morts parmi les soldats ennemis, la récupération d’une panoplie d’armes ainsi que des fonds, 105 000 francs, a-t-il précisé, indiquant qu’aucun moudjahid n’a été blessé. Da Adelkader, qui avait des motifs de redoubler de hargne et d’engagement après que son père a été assassiné en 1955, a pris part à des actions hautement risquées.

Il en évoquera notamment l’attaque de la prison de Béjaïa. Conduite par le défunt lieutenant Hocine Allouache et exécutée par un commando de 4 moudjahidine, composé de lui-même (Abdelkader Belaoued), H'mim La Fayette et Arezki N’Slim, ils se sont introduits à l’intérieur du pénitencier, tuant les militaires en faction, prenant des armes et vêtements, notamment des treillis et ressortant sans se faire prendre.

L’action était spectaculaire d’autant que pour accéder à l’intérieur de la structure et ne pas éveiller les soupçons, ils se sont déguisés en femmes, en arborant des haïks blancs. Ainsi, depuis la région de Bir Slam, ils ont traversé à bord d’un taxi tous les barrages de contrôle, les mitraillettes prêtes à vomir le feu, se souvient Da Abdelkader.

Ainsi étaient tous les baroudeurs de la Wilaya III historique, dont 22 ont été décorés de la médaille du mérite par le colonel Amirouche en personne. Ils ont donné sans compter, multipliant les exploits et les risques et menant jusqu'à l’extrême leur mission d’engagement et de sacrifice, souvent dans l’anonymat.

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