Les Algériens se marient moins et divorcent plus : Pourquoi les couples ne durent plus ?

21/10/2024 mis à jour: 01:09
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Photo : D. R.

En Algérie, pendant les trois premières années du mariage, trois couples sur quatre divorcent. Statistiquement, il a été recensé en 2023, selon l’Office national des statistiques (ONS), 91 402 divorces sur 278 664 mariages, soit un taux de 33, 5%. Une hausse importante et remarquable depuis 2020. Pourquoi les couples ne durent plus ? Explications d’une spécialiste en sociologie urbaine, Saliha Ouadah. 

C’est un flux au quotidien au tribunal de Bir Mourad Raïs, le va-et-vient pour les procédures de divorce est sans interruption. Les conflits dans les couples diffèrent, mais le verdict est le même : le divorce.  Toutes les discussions que nous avons eues avec certaines femmes se ressemblent.

Les raisons des ruptures se trouvent essentiellement dans la trahison, les mensonges, les réseaux sociaux, les difficultés financières, le manque de transparence ou parce que les couples se forment trop rapidement. En Algérie, pendant les trois premières années de mariage, trois couples sur quatre divorcent. Statistiquement, l’Office national des statistiques (ONS) a recensé en 2023 91 402 divorces sur 278 664 mariages, soit un taux de 33,5%.

Mais quelle est l’explication scientifique à cette hausse de divorces ? Saliha Ouadah, professeure des universités, chercheuse en démographie et en sociologie urbaine, directrice du laboratoire Lasap à l’Ecole nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée (Enssea) et aussi chercheure associée à l’université de Tours, voit la situation d’un angle sociologique et de sociologie urbaine. Il y a beaucoup de divorces et il va y en avoir encore plus à l’avenir.

D’abord, les femmes en âge de travailler ou en pleine carrière aujourd’hui sont celles qui ont pris les risques pendant la période de terrorisme pour terminer leurs études, et ont fourni de gros efforts et des sacrifices pour arriver à l’université puis se positionner dans le monde du travail.

Une Société qui s’occidentalise

Pas question alors de laisser tomber aujourd’hui leur vie professionnelle. Ces femmes ont contribué à former une «société moderne». Un acquis pour elles, et c’est à partir de là que l’Algérie est devenue une société moderne. La femme veut travailler, être indépendante, libre et partager toutes les tâches avec l’homme. Mais, en parallèle, elle a gardé toutes les tâches traditionnelles : s’occuper des enfants, de la maison, de la belle-famille notamment…

Elle s’est ainsi attribuée un deuxième rôle qui lui a causé une grande pression. Un double rôle assumé pleinement mais sous pression. Par conséquent, elle n’exerce plus son rôle d’épouse. Avec cette forte pression, beaucoup de maladies sont enregistrées. Il a été d’ailleurs constaté que ce sont les femmes stressées ayant des problèmes conjugaux qui ont toutes fini par développer un cancer du sein, première cause de décès chez les femmes.

Le facteur d’hérédité de cancer du sein s’est d’ailleurs déclassé devant le stress, selon les dernières recherches de l’Institut Pierre et Marie Curie. Vient après cette nouvelle génération en âge de mariage aujourd’hui, où l’homme contribue aussi dans toutes les tâches du couple. La femme devient, dans cette nouvelle société, impatiente, indépendante financièrement et n’attend rien de l’homme. Elle exige du mari qu’il soit un vrai partenaire, le cas contraire, elle préférerait une rupture.

Ce qui explique les cas de divorce qui se multiplient. Nous sommes là en pleine transition vers une nouvelle société qui s’installe, où il va y avoir plus de divorces. Nous nous acheminons vers la société occidentale ou occidentalisée, où il serait question d’enregistrer plus de célibataires pour éviter toute pression conjugale, de l’avis de Saliha Ouadah. Des recherches allemandes récentes observent justement que les hommes vivent plus longtemps en étant en couple, alors que les femmes vivent beaucoup plus longtemps qu’eux mais en mauvaise santé. En couple, elles vivent stressées.

Le nouveau rôle du père

Contrairement à la génération actuelle (les plus jeunes), les femmes de la société moderne (plus âgées) étaient préparées par leur maman, de société traditionnelle au rôle traditionnel qu’elles doivent assumer obligatoirement. Les plus jeunes, celles censées être en couple maintenant, sont autrement préparées de manière à ne pas s’encombrer de responsabilités et de tâches inutiles. Une rupture avec les anciens concepts : le rôle traditionnel de la femme ne s’hérite plus !

En plus des mamans qui font tout pour que leurs filles poursuivent leurs études pour une meilleure indépendance et de ne pas avoir besoin d’un mari, le père installe chez sa fille une forte culture de confiance en elle. C’est maintenant qu’on applique le complexe d’Œdipe, explique Saliha Ouadah. Le papa est très proche de sa fille qui deviendra la femme forte de demain. Il fait d’elle une fille gâtée qui refusera à l’avenir qu’un homme la dénigre et la rabaisse.

La sociologie urbaine a subi des changements très importants, de l’avis de la spécialiste, au point où le père recevra volontiers son gendre pour cohabitation, un choix mal considéré par le passé. Les femmes des sociétés modernes et traditionnelles, lésées de leurs droit auparavant, arrivent maintenant à les avoir grâce à leurs filles !

Et c’est cet homme (père) qui a changé la donne. Il faut aussi savoir qu’en Algérie, contrairement à certains pays, c’est coûteux de se marier, mais pas pour divorcer. Dans le passé, les femmes hésitent de divorcer pour éviter le retour chez les parents et les frères mais aujourd’hui cette indépendance financière et la loi sur le divorce qui lui garantit un foyer, la rupture du contrat conjugal ne pose plus de problème.

La nouvelle loi, portant sur les mesures particulières qui garantissent aux enfants sous la garde et aux femmes divorcées d’obtenir la pension alimentaire ordonnée à leur profit par voie de justice, est publiée au Journal officiel du 7 février dernier. Les femmes divorcées et les enfants de parents divorcés qui n’arrivent pas à faire exécuter un jugement de pension alimentaire peuvent désormais en bénéficier.

Le magistrat et président de la section des affaires familiales statuera par ordonnance, dans un délai ne dépassant pas les 5 jours. Ce texte permet à l’Etat d’intervenir en cas de refus du débiteur de payer cette pension, un des problèmes soulevés par les femmes divorcées, non travailleuses.

Un nouveau texte qui a décidé de mettre le Fonds de la pension alimentaire sous l’autorité du ministère de la Justice pour que les cours se chargent du dossier et de payer. Une démarche qui a rendu ce mécanisme créé en vertu de la loi 15-01, plus rapide, selon les témoignages de certains avocats, même si aucune statistique n’est à ce jour rendue publique.

 

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