A l’heure de tant de menaces, le «vivre-ensemble» est une voie incontournable. Il s’agit de bâtir un monde de paix, une société juste et un ordre démocratique où se conjuguent l’unitaire et le pluriel, la liberté et la sécurité. «Faire monde», «faire société», «vivre ensemble», en somme, respecter autrui et les institutions est une responsabilité collective. Rien n’est donné d’avance.
Il faut apprendre à œuvrer ensemble, tant au sein d’une même société qu’entre les nations.
Traiter les causes des problèmes
Le «vivre-ensemble» mondial est embrouillé par les polémiques de tout bord. Sur le plan géopolitique, les peuples sont inquiets. Ceux du Sud critiquent la perte de l’éthique, la mondialisation à sens unique, unipolaire, les droits humains instrumentalisés et sélectifs, le développement inégal, la loi du plus fort et les politiques iniques de division et d’ingérence.
Le monde dominant à tendance à monopoliser les centres de décisions, à imposer ses intérêts, ses mœurs controversées et sa conception de la vie. La marchandisation du monde, la politique du double standard et l’ambition d’hégémonie ruinent la crédibilité de puissants qui prétendent défendre les libertés.
Les peuples du Nord s’inquiètent de leur côté des pratiques archaïques ou obscurantistes de groupuscules au Sud, ou dans les quartiers ghettos, défavorisés et discriminés et de l’afflux de migrants fuyant leur pays. L’humanité traverse une crise de civilisation et les relations internationales ne sont pas démocratiques.
Des opinions se laissent parfois perturber par la propagande du «choc des civilisations», des amalgames et du populisme. Pourtant, les civilisations sont sœurs et interdépendantes. Il n’y a pas de hiérarchie entre elles ni d’alternative heureuse au vivre ensemble local et mondial.
Dans un monde marqué par l’incertitude, l’insécurité, le recul du droit international et les effets nocifs des réseaux sociaux ambivalents, il s’agit de réconcilier et de concilier l’Orient et l’Occident, le Nord et le Sud, imbriqués. Ces différents mondes sont mis à l’épreuve des injustices, des ignorances et de la désinformation, causes des problèmes. Il y a lieu de les traiter.
La nécessité du vivre-ensemble
Sur le plan interne, la voie du «vivre- ensemble» permet à chaque nation de consolider son unité, de réaliser le consensus, d’articuler, à sa façon, le commun et le particulier, le progrès et l’authenticité. La culture citoyenne est le lien qui permet l’égalité. De plus, être bon et ne pas faire à autrui ce qu’on ne veut pas que l’on nous fasse créent des bienfaits innombrables.
Le vivre-ensemble en bonne intelligence est une nécessité. Cela devrait aller de soi. Personne ne peut vivre isolé, ou coupé du monde. La défense de valeurs patriotiques et le compter sur soi n’excluent pas la solidarité et le partage. Aucune identité n’est figée ou monolithique. En outre, au sein de la nation, si le critère du mérite est appliqué avec équité, l’espoir renaît.
Vivre ensemble, par-delà la diversité des cultures, la pluralité des origines et des convictions, est possible. L’histoire le prouve. La civilisation musulmane a fondé le sens du vivre ensemble par le bel-agir. Voie que la Révélation coranique et la pratique du Prophète ont élevé à un haut niveau. La diversité y est reconnue, pas de contrainte en religion, et la vie humaine est sacrée. La civilisation musulmane et d’autres sagesses du monde nous apprennent que l’interconnaissance est la condition de la coexistence.
Éduquer au vivre-ensemble
Il nous faut éduquer au vivre ensemble, en donnant l’exemple. Les normes éthiques, culturelles et éducatives musulmanes, bien comprises, visent la convivialité. Elles doivent éduquer au sens du dialogue et de l’ouvert pour renforcer l’être commun. L’intolérance et le sectarisme, toujours néfastes, relèvent de la responsabilité des individus et des sociétés qui se ferment.
Pour rappeler l’importance du «vivre ensemble», l’Algérie, carrefour des civilisations, non-alignée, fidèle à ses principes politiques et diplomatiques et son sens du bien commun, a initié la «Journée internationale du vivre-ensemble», adoptée à l’unanimité par l’ONU, résolution 72/130 du 8/12/2017, et commémorée pour la première fois le 16 mai 2018. Un acte qui montre l’attachement du pays de l’Appel de Novembre et de l’Emir Abdelkader à la culture de la paix.
Sachant que l’Orient et l’Occident, le Nord et le Sud, liés en ce XXIe siècle par une communauté de destin, doivent, plus que jamais, dialoguer et privilégier le respect mutuel et la coopération afin d’offrir au monde le meilleur d’eux-mêmes.
Nouveau paradigme
Des hommes et des femmes de bonne volonté à travers la planète contribuent à remédier aux dérives, à préférer l’amitié et à œuvrer pour la civilisation humaine. L’état du monde oblige à se demander ce qu’il faut faire pour bâtir le bien commun et assurer une sécurité indivisible pour tous, en dépit des différences et des divergences. Réponse : la paix triomphe lorsque l’éducation et la justice sont garanties.
Dialoguer et comprendre l’altérité et les aspirations des peuples est une méthode sage et raisonnable pour enraciner le vivre ensemble. Consolider le multilatéralisme et la souveraineté des nations contribuera à fonder un nouvel ordre juste.
Le respect de la Charte des Nations unies, une nouvelle architecture des relations internationales inclusive, un nouveau paradigme éducatif et un nouveau système économique mondial attendent d’être inventés et discutés, afin que l’idéal du «vivre-ensemble» en paix devienne une réalité universelle.
L’Algérie, pétrie par le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et hier «Mecque» des mouvements de libération, aujourd’hui soucieuse de rassemblement, tant sur le plan national, régional que mondial, peut encore inspirer les générations éprises de la culture de la dignité. Pr Mustapha Cherif