Invité hier au forum d’El Moudjahid, le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs (UGTA), Amar Takjout, a réaffirmé que la question de l’augmentation du salaire national minimum garanti (SNMG) «figure dans l’agenda du président Tebboune». «Le principe est acquis.
C’est à lui (le Président, ndlr) de décider du moment, du contexte et du niveau de l’augmentation. Est-ce que cela va intervenir au milieu de l’année, à la fin ou l’année prochaine ? C’est une question de timing», a-t-il indiqué, rappelant que la proposition relative à la revalorisation du SNMG a été faite par l’UGTA le 1er mai 2024.
L’annonce d’une revalorisation du SNMG intervient, est-il important de souligner, dans un contexte de forte inflation, qui pèse durement sur le pouvoir d’achat des travailleurs. La dernière revalorisation du SNMG remonte au mois de mai 2020, passant de 18 000 DA à 20 000 DA par mois.
A une question sur l’impact de cette revalorisation, M. Takjout a estimé qu’elle ne pourra pas, à l’évidence, parer à l’érosion du pouvoir d’achat en Algérie. «C’est une erreur de chercher à résoudre la problématique du pouvoir d’achat par des augmentations de salaire, a-t-il soutenu. Il y a d’autres mécanismes à explorer pour parvenir à la maîtrise des prix sur le marché. Il faut y réfléchir. Je pense notamment à des mécanismes d’ordre fiscal.
Qu’il s’agisse de fiscalité directe ou indirecte.» Evoquant la situation socioéconomique du pays, le secrétaire général de l’UGTA s’est dit partisan de «la liberté d’action» et de l’ «autonomie des entreprises». «Il faut libérer l’entreprise économique publique, ré-inculquer la notion du risque chez les entreprises économiques et les institutions financières pour relancer la machine économique», a-t-il défendu, appelant, en ce sens, à constituer des fédérations patronales sectorielles fortes. «Nous avons besoin d’une cartographie économique qui permet de savoir où et comment investir.
Cette cartographie ne peut se faire qu’à travers des fédérations sectorielle fortes comme c’est le cas dans d’autres pays», a-t-il ajouté.
Saluant l’engagement du président de la République à asseoir un dialogue social, M. Takjout a affirmé que l’UGTA demeure un «espace d’échange et de confrontation d’idées». Et d’ajouter : «Nous aspirons à devenir, plus globalement, un point d’appui au dialogue national initié par le président Tebboune, dans ses aspects politique et social. Nous disons que, par le fait de l’expérience accumulée par l’UGTA, nous nous positionnons comme organisation qui produit des idées. Car, si on ne produit pas d’idées on meurt.»
Pour lui, les termes du débat social tels que conçus dans le cadre des précédentes tripartites «symboliques» sont aujourd’hui inopérants. «La tripartie la plus intéressante est celle qui aboutit à un contenu.
La tripartite doit mener à une synergie. Aujourd’hui, nous sommes toujours dans le clivage. Commençons par travailler au niveau de la base pour réussir, au sommet, une tripartite.
Au final, une tripartite nationale est le couronnement d’un travail à la base», a-t-il poursuivi, expliquant, au passage, que cela nécessite de réunir certaines conditions. «La société a besoin d’oxygène. Il faut s’ouvrir. Il faut changer de mentalité, de réflexe, de démarche. Vivre ou survivre avec des offres de service ou d’allégeance n’est pas une solution. On ne rend pas service à la société, à son pays, lorsqu’on est dans l’allégeance», fait-il savoir, faisant notamment référence au fonctionnement des structures de l’UGTA.
«Notre mission est de rétablir la confiance»
«Le militantisme syndical ce n’est pas l’opposition au pouvoir. C’est un point d’appui à la société. Notre mission c’est de rétablir la confiance dans le monde du travail», a-t-il poursuivi, révélant que l’UGTA connaît, depuis quelque temps, une «effervescence organique» et «vit des moments de changements difficiles, marqués par des réticences à des niveaux divers». Sur un ton empreint de beaucoup de franchise,
M. Takjout a invité les syndications de l’UGTA à redoubler d’efforts pour regagner la confiance des travailleurs. «Le monde du travail est gangrené. Le manque de confiance est un problème sérieux qui ne pourra être solutionné qu’en s’éloignant de la cooptation syndicale et des pratiques révolues», a-t-il préconisé.
Dénonçant les restrictions aux libertés syndicales, le SG de l’UGTA s’est dit préoccupé par la proportion des travailleurs qui veulent prendre leur retraite avant l’âge légal. Pression, harcèlement, burn-un, absence d’espaces de tranquillité dans le milieu professionnel, haute pénibilité morale pour certains métiers sont autant de raisons qui font, selon lui, que le salarié arrive sur son lieu de travail avec une boule d’angoisse.
Et de s’interroger : «Pourquoi ce rejet du travail ? C’est un paradoxe. Il y a forcément un dysfonctionnement quelque part. Il va falloir engager une réflexion.» S’agissant de la haute pénibilité au travail, M. Takjout n’a pas exclu d’inclure le métier de journaliste sur la liste comme cela a été le cas pour les enseignants.
En réponse à une préoccupation de confrères syndicalistes d’Ennasr et d’El Moudjahid, il a annoncé que la prochaine restructuration de la fédération du secteur de l’information dans la perspective d’une renégociation des conventions collectives et de branches du secteur figées depuis 2012. «Le droit à l’organisations syndicale est garanti.
Les négociations employeurs-employés pour les conventions collectives sont à même de prémunir l’entreprise», a-t-il dit. L’UGTA, a-t-il précisé, compte 1,8 million d’adhérents à l’échelle nationale, 260 à 270 000 syndicalistes, une trentaine de fédérations et est structurée de la base au sommet à travers 58 wilayas.