Le Secours national algérien : Les enfants d’abord

14/06/2023 mis à jour: 17:56
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Radjef Belkacem

Le 15 juillet 1962, Radjef Belkacem, militant de la cause nationale, rentre au pays. Loin de tous les profits faciles que son nom et ses relations eussent pu lui valoir, il se consacrera au volet social, plaie béante de 130 années de colonisation et d’oppression. L’Algérie se voulait indépendante pour tous ses enfants. 

Et il n’y a pas de réelle indépendance si des enfants restent en nombre impressionnant à travers le pays contraints de devenir cireurs, porteurs, mendiants, vendeurs à la sauvette, vagabonds de toutes catégories. 

A Alger, l’actuelle place des Martyrs abondait de cireurs, orphelins pour la plupart, sans ressources ni soutien. Radjef, avec un groupe de militants sincères, a pensé apporter un tant soit peu de réconfort à cette marée d’enfants extrêmement démunis, misérables, libérés sur le plan politique, mais pas économique ni social. 

Il jugera impératif de doter l’Algérie, au même titre que les autres nations modernes, d’un organisme de solidarité sociale. «Il ne faudrait plus voir dans l’Algérie indépendante un Algérien s’agenouiller pour cirer les chaussures de son semblable. 

C’est l’image même du colonialisme, de l’asservissement», dira Radjef, lors d’une réunion improvisée en septembre 62, au café Tantonville du Square Port Saïd, qui regroupait un certain nombre de militants, tels que Boudraâ, Lefgoun, Oucheri, Tidjani, Ali Zamoum et d’autres : il faut créer un mouvement qui puisse prendre en charge tous les enfants en difficulté. L’idée du Secours national algérien était née. Reste la concrétisation sur le terrain.

Maître Benabdellah a pris soin de rédiger les statuts et les déposa à la préfecture après la tenue d’une assemblée générale qui consacra Radjef Belkacem, président, Boudraâ, vice-président et Tidjani Abdelkrim secrétaire général du SNA. Ce dernier contacte le capitaine Smati (Responsable des œuvres sociales à la préfecture d’Alger) pour l’acquisition des locaux de Sidi Fredj, des baraquements qui jadis appartenaient à une fondation française de bienfaisance, La Tasse de lait, de Mme Massu.

Sans difficulté aucune, Smati répondit à l’appel. Ensuite, par le biais de l’UGCA (Union générale des commerçants d’Alger), une collecte est organisée parmi les commerçants d’Alger. Quelque 8 millions d’anciens francs, somme énorme à l’époque, a été collectée. L’organisation scolaire et éducative a été confiée à M. Champeaux, ancien instituteur de Boudraâ à Seddouk (w. de Béjaïa). Le SNA est mis sur les rails. 

Une fois les moyens matériels et humains fin prêts, on procède alors au ramassage des cireurs et des enfants livrés à eux-mêmes. On les place dans ce premier centre baptisé Dar El Amal après les avoir douchés et habillés convenablement. Tidjani fut le premier responsable de ce centre d’Espoir. C’était début octobre 1962.

A la fin novembre de la même année, Bachir Boumaâza, alors ministre du Travail et des Affaires sociales, convoque Radjef au Palais du Gouvernement. Il lui signifie que pour une «meilleure prise en charge de cette fondation, il serait intéressant de porter Ben Bella à la tête du SNA comme président d’honneur, mais à une 
condition : faire en sorte de dire que c’est lui qui l’a mise sur pied». 

Radjef s’étonna d’une telle proposition qui immobilise les initiatives citoyennes. Mais voyant qu’à travers la «nouvelle formule» le Secours national pourrait s’étendre à travers tout le territoire national, il ne s’y opposera pas. Le SNA deviendra désormais l’idée de l’homme fort du système, le président Ahmed Ben Bella. Après «La Révolution, c’est Moi», le SNA c’est Lui aussi ; comme l’explique Tidjani Abdelkrim : «Une réunion s’est tenue à la salle Pierre Bordes, l’actuelle Ibn Khaldoun, en présence du président Ben Bella et ses membres du gouvernement. Nous avons ramené nos enfants de Sidi Fredj qu’on habilla de nouveau en haillons, barbouillés, et confectionné des boîtes de cireurs, du cirque, quoi. Ensuite, devant tout ce beau monde et face aux caméras, nos enfants ont cassé leurs fameuses boîtes. On avait applaudi. Le nouveau SNA venait de renaître». 

L’Algérie indépendante perdait ainsi et pour longtemps l’art d’association. La bureaucratie s’impose comme nouvelle force sociale. Aucune initiative citoyenne de quelque nature que ce soit ne sera tolérée sans l’aval ou le «haut patronage» du zaïm du moment ! 


 Par Hanafi Si Larbi , Universitaire

 


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*VOIR : El Moudjahid du 26 mai 1989
Algérie-Actualité semaine du 24 au 30 mai 1990  
El Watan du 24.05.11
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Sources : Notes de feu Belkacem Radjef (certaines manuscrites d’autres dactylographiées)
Entretiens :Tidjani Abdelkrim ; Benyoucef Benkhedda, Ali Merrouche, Ahmed Ali Mahsas,  Ali Zamoum, la famille Radjef de Bouinan.

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