A la faveur de la tenue du 15e Festival international de la bande dessinée d’Alger, l’écrivain algérien Yasmina Khadra a animé, samedi après-midi, une conférence portant sur l’adaptation de ses romans à la bande dessinée.
Modérée par le journaliste, auteur et poète Lazhari Labter, cette rencontre - qui a regroupé une foule nombreuse - a permis à l’écrivain Yasmina Khadra de revenir sur sa passion pour la bande dessinée et sur l’adaptation entre autres de son roman en bande dessinée.
Ce que le jour doit à la nuit, qui sera disponible le 19 octobre en France, aux éditions Philéas. A cette occasion, la dessinatrice française de bandes dessinées Marion Duclos et l’éditeur des éditions Philéas Eric Derian étaient également présents à cette rencontre pour parler de cette adaptation.
D’emblée, l’écrivain algérien Yasmina Khadra indique que ce n’est pas la première fois qu’il assiste au Festival international de la bande dessinée d’Alger. «On ne m’a jamais invité. C’est très important de le préciser», dit-il. Avant, j’avais déjà deux romans qui étaient adaptés en bande dessinée Le dingue au bistouri et L’Attentat. «Les organisateurs de ce festival ne souhaitaient pas m’avoir. Je ne sais pas pourquoi. Le changement de la nouvelle direction, est beaucoup plus ouverte, n’a pas d’apriori, est raisonnable et a du respect pour les lecteurs. Car il faut avoir du respect pour le lecteur pour inviter tous ceux qui sont capables d’intéresser ce lectorat. Je suis très content d’être ici. Et même si cette fois-ci, j’ai été invité, j’ai déjà fait une tournée dans mon pays et je suis doublement heureux d’être ici et ailleurs en tant qu’Algérien».
A la question de savoir quel est le ressenti de Yasmina Khadra de voir ses romans, adaptés en bande dessinée, il affirme que cela lui fait énormément plaisir parce qu’il reste redevable envers tous ceux qui adaptent ses romans, que se soit pour le théâtre, le cinéma, en chorégraphie, ou encore en peinture. Il estime qu’il a la chance d’être sur plusieurs supports artistiques. «Je respecte l’artiste. Il a le droit d’avoir sa perception des choses et voir mes œuvres à travers son prisme.» Il confie que dans la bande dessinée, il y a une fibre sensible qui le touche parce que quand il était enfant, il était un grand lecteur de bande dessinée.
Il traversait toute la ville d’Oran à pieds pour aller au kiosque de son quartier pour échanger ses bandes dessinées. C’est d’ailleurs la bande dessinée qui lui a permis de passer de l’image au texte et «c’est aussi la bande dessinée qui aujourd’hui, lorsque j’écris toujours d’une façon imagée. Cela me fait plaisir.
C’est un autre public et cela peut, peut-être, inciter les ressortissants de la bande dessinée à aller voir le texte en profondeur et avoir lui-même sa propre façon d’imaginer les choses», soutient-il. Notre célèbre romancier aime toujours la bande dessinée. Une bande dessinée qui, selon lui, à cette chance de nous expliquer des choses qui nous échappent. La BD rejoint la littérature avec l’humour. Yasmina Khadra reste convaincu qu’aujourd’hui, la bande dessinée peut toucher un large public, «peut-être, argue-t-il, que le lectorat de la bande dessinée est plus important que le lectorat du roman. La bande dessinée se vend beaucoup plus que le roman. Il y a des albums qui se vendent à 5 et 6 millions d’exemplaires alors que le plus grand best-seller est d’un million».
Concernant l’aspect de la cohabitation entre la bande dessinée et le cinéma eu égard à son expérience, Yasmina Khadra considère que toutes les cohabitations sont possibles. On peut vivre ensemble partout, entre Africains et Européens, entre Blancs et Noirs, entre réalisateurs, écrivains et dessinateurs.
Pour l’auteur du roman Les Vertueux, l’adaptation est toujours utile car elle permet à un œuvre d’élargir son audience que se soit dans la bande dessinée et dans le cinéma. «Il y a des gens qui ne lisent pas mais qui regardent des films tous les jours. Donc, c’est utile. Quand la culture trouve un espace vide, il faut qu’elle l’occuper car si la culture n’occupe pas cet espace, on ira vers toutes les dérives et de tous les rejets», signale t-il.
Poursuivant son intervention, le romancier algérien Yasmina Khadra salue toutes les initiatives heureuses d’adaptation. Il confesse que quelques fois, on est satisfait du travail. D’autres fois, on ne l’est pas. S’il a beaucoup de respect pour les artistes, «il faut dire que ce n’est pas ce que j’attendais véritablement sur l’adaptation de mon roman en bande dessinée Ce que le jour doit à la nuit. «Je n’ai pas apprécié le dessin. L’histoire est presque une tragédie. J’aurais aimé que l’image soit saisissante et significative à la fois. Mes filles ont beaucoup aimé. Moi, je suis d’une autre génération.
Dans la réalité, nous sommes exigeants», argue-t-il. Il remercie, toutefois, l’illustratrice Marion Duclos, la scénariste Stella Lor et l’éditeur Eric Dérien pour les efforts fournis. Il ajoute fièrement qu’il a beaucoup aimé l’adaptation en bande dessinée de son roman Les Sirènes de Baghdad. «Elle est, soutient-il, très significative. Le texte est clair car dans cette façon de dénoncer, j’aime bien que le texte nettoie ce qui est floue, tout ce qui est mensonge et insidieux».
Il demeure convaincu que chaque être humain a un talent. Le concernant, un simple regard l’inspire. Comme il le dit si bien, l’inspiration peut partir de n’importe quoi, d’une interrogation, d’une colère ou encore d’une volonté de comprendre. Chacun a sa façon d’aller vers son inspiration. En guise de conclusion, l’écrivain Yasmina Khadra rappelle qu’il reste toujours attentif à l’aventure de ses romans à travers les traductions et la perception des différents auteurs. Il est formel : en dépit de toutes les adaptations entreprises, le texte appartient toujours à l’auteur du roman.
Prenant la parole, la dessinatrice française Marion Duclos indique que l’adaptation du roman en bande dessinée Ce que le jour doit à la nuit est la résultante d’un travail en tandem avec la scénariste Stella Lory. Cette dernière a fait un travail titanesque de sélection de scènes à mettre en images. Elle assure qu’il est assez difficile de faire une bande dessinée de 128 pages, respectant à la lettre un roman de 437 pages.
«Il a fallu, à un moment donné, faire des choix et se concentrer sur une intention. Il s’avère que Stella Lory et moi avons eu la même lecture du roman. Quand on l’a lu, on la ressenti de la même manière et on s’est attardé sur ce qui nous tenait à cœur de transmettre à travers cette histoire».