Le flambeau olympique a été allumé à Olympie. Il commence ainsi son cheminement à travers l’Europe jusqu’à Londres, le site des Jeux de 2012, «conformément à la tradition».
C’est la phrase consacrée. Le journaliste Max Fisher, du magazine américain The Atlantic, rappelle les conditions dans lesquelles est née cette tradition moderne, en 1936, pour les Jeux de Berlin. Le régime nazi avait inventé cette année-là le relais de la flamme, l’utilisant comme instrument de propagande.
A l’origine, Adolf Hitler ne voulait pas des Jeux, qu’il qualifiait d’«invention des juifs et des franc-maçons», rappellent Arnd Krüger et William Murray’s dans leur histoire des JO de 1936, The Nazi Olympics. Convaincu par le ministre de la propagande, Joseph Goebbels, en 1934, Hitler en fit une démonstration du pouvoir nazi, une évocation des racines aryennes du peuple allemand, unifié par «l’esprit combattant» de ses athlètes. Il saisit aussi l’occasion de lier symboliquement son régime aux empires de l’Antiquité qui lui étaient chers.
La flamme fut utilisée pour exprimer la continuité historique naturelle, imaginée par le régime nazi, entre son propre essor et l’héritage grec, via Rome et le Saint-Empire romain germanique. Cette année-là, les porteurs de flambeau passèrent par la Tchécoslovaquie. La propagande allemande encouragea des heurts entre des membres de la communauté allemande et la majorité tchèque. Deux ans plus tard, l’Allemagne envahissait le pays.
Sous l’impulsion du patron de la Fédération des sports du Reich, Hans von Tschammer und Osten, des fouilles furent menées par une équipe allemande sur le site des jeux antiques à Olympie, illustrant encore le rôle de rénovateurs de l’Antiquité que s’assignaient les nazis. La firme Krupp, principal fabriquant d’armes d’Allemagne, fut chargée de concevoir le flambeau, et fit allumer un fourneau à canons avec le premier exemplaire sorti de ses usines.
L’idée originale de la torche avait été soufflée à Hitler et Goebbels par un dénommé Carl Diem, patron du Comité olympique du Reich, qui avait mené une longue campagne pour obtenir l’organisation des jeux en Allemagne. Il s’inspirait d’une autre flamme, qui avait brûlé durant les Jeux d’Amsterdam en 1928. Par la suite, Diem militera, sans succès, pour favoriser la participation des athlètes juifs allemands à la compétition.
Max Fisher rappelle que l’on peut encore discerner «les échos lointains de cette première cérémonie, il y a 76 ans : les costumes, l’orchestration minutieuse, le fer et la flamme, l’évocation d’une ancienne tradition qui est en réalité très moderne». Ce qui ne nous empêche pas de l’apprécier, dans sa version actuelle, comme un symbole d’unité entre les nations.
Rédaction du Monde.
Omar Kharoum