Le procès de Tayeb Louh renvoyé au 21 février

08/02/2022 mis à jour: 02:34
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L’ex-ministre de la Justice Tayeb Louh / Photo : D. R.

Alors que le président du pôle pénal financier près le tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, se montrait intransigeant sur la question du report, avocats et prévenus ont fini par obtenir, hier, le renvoi du procès de Tayeb Louh, ex-ministre de la Justice, avec son ancien inspecteur général, Tayeb Belhachem, et l’homme d’affaires Noah-Tarek Kouninef, au 21 février. Louh devra être jugé pour avoir «interféré» dans le travail des juges et fait annuler au moins 8 mandats d’arrêt et des poursuites engagées contre Noah Kouninef à Mostaganem.

Poursuivi pour «abus de fonction», «entrave au bon fonctionnement de la justice» et «incitation à la partialité», l’ex-ministre de la Justice, Tayeb Louh, devait comparaître hier devant le pôle financier de Sidi M’hamed, à Alger, avec son ex-inspecteur général, Tayeb Belhachem (le seul en liberté), et un des frères Kouninef, Noah-Tarek, propriétaires du groupe KouGC, pour une autre affaire «d’interférence», via des «SMS», dans le travail de la justice, mais le procès a été renvoyé, difficilement, par le juge, à la demande des prévenus et de leurs avocats.

Dès l’ouverture de l’audience, et après vérification de la filiation des mis en cause, les deux avocats de Tayeb Louh demandent un ajournement, «en raison de l’état de santé» de leur mandant, suivis par ceux de Noah-Tarek Kouninef, qui ont plaidé le report, arguant du fait que le prévenu «n’était pas apte à répondre aux questions».

Imperturbable, le juge refuse, poussant Tayeb Louh, le visage livide et très affaibli, à demander la parole : «Durant les deux dernières semaines, j’étais très malade. Je n’arrivais même pas à me lever. Je reprends à peine, mais je suis toujours en convalescence. Je ne suis pas en mesure d’être jugé.

Je sais que vous être un juge compétent. Vous allez me comprendre.» Le président : «Je suis tenu par le programme des affaires à juger. Je ne peux accepter de report.» Louh revient à la charge : «S’il vous plaît, donnez-moi trois semaines ne serait-ce que par rapport à mon statut d’ancien ministre du secteur de la Justice.»

Le magistrat lui fait remarquer que «le problème réside dans le programme des affaires à juger, qui risque d’être perturbé», avant que Tarek-Noah Kouninef n’intervienne : «Monsieur le juge, moi aussi j’étais malade et j’ai un autre procès jeudi prochain. Je suis très fatigué.

Je ne suis pas capable de tenir. Donnez-moi un peu de temps pour me préparer.» Un peu irrité, le juge finit par ajourner le procès et le reporter de deux semaines, c’est-à-dire au 21 février.

«Une Justice otage des oligarques»

Cette affaire, faut-il le préciser, semble des plus troublantes et concerne des «SMS» envoyés par Saïd Bouteflika, frère du défunt Président déchu, à Tayeb Louh, sur une affaire de plusieurs mandats d’arrêt lancés contre Noah-Tarek Kouninef, dans le cadre d’une poursuite à son encontre, au mois de janvier 2016, pour «violation de la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l’Algérie», «surfacturation et blanchiment d’argent», liée à d’importantes sommes d’argent relatives à des opérations bancaires à Mostaganem, qui ont conduit à de lourdes amendes.

Dès la saisine de la justice par les services des Douanes, une enquête judiciaire a été ouverte au niveau du tribunal de Mostaganem, et après des convocations restées sans suite, au moins huit mandats d’arrêt ont été lancés contre Noah Kouninef.

C’est à partir de ce moment que Saïd Bouteflika serait intervenu, via un SMS transmis à Tayeb Louh, lequel aurait instruit son inspecteur général, Tayeb Belhachem, de prendre en charge le dossier.

Quelques jours après, Noah Kouninef est reçu, selon l’enquête judiciaire, par le wali d’alors, Abdelwahid Temmar, avant de se présenter au tribunal, et obtient l’annulation des mandats d’arrêt, puis la relaxe. Après le soulèvement populaire du 22 février 2019, le dossier a refait surface et une enquête a été ouverte.

Tayeb Louh et Tayeb Belhachem ont été inculpés pour «abus de fonction», «entrave au bon fonctionnement de la justice» et «incitation à la partialité», alors que Tarek-Noah Kouninef s’est vu accuser d’«abus de pouvoir», «trafic d’influence» et «incitation à la partialité de la justice». Dans cette affaire, ni l’ancien wali de Mostaganem, Adelwahid Temmar, ni Saïd Bouteflika n’ont été poursuivis.

Selon certains avocats, le procès va être très riche en révélations sur le fonctionnement de la justice, et sa prise en otage par les oligarques qui gravitaient autour du frère cadet du Président déchu, pendant que ce dernier était dans l’incapacité de gérer, en raison de son état de santé.

 

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