Prévu hier devant le tribunal criminel d’appel, le procès de l’ancien garde des Sceaux, Tayeb Louh, et de Saïd Bouteflika a été renvoyé à la prochaine session, à la demande de leurs avocats λ Ils devaient être rejugés pour l’affaire dite des «SMS», qu’ils échangeaient pour «interférer» dans le travail de la justice.
Trois mois après leur condamnation par le tribunal criminel de Dar El Beïda, à Alger, l’ex-ministre de la Justice, Tayeb Louh, son inspecteur général, Tayeb Belhachemi, et Saïd Bouteflika, frère cadet et conseiller du défunt Président déchu, devaient être rejugés, hier, avec sept autres accusés, par le tribunal criminel d’appel, mais leur procès a été renvoyé à la prochaine session, qui devrait intervenir probablement à partir du mois de mars.
La décision a été prise à la demande du collectif de la défense, en raison de l’absence de nombreux avocats, contaminés par la Covid-19, mais aussi d’une accusée (en liberté), Meriem Benkhalifa, candidate aux élections législatives de 2017, également en convalescence pour cause de Covid-19.
Le procès, faut-il le rappeler, a été rajouté à la fin de la liste additive de la session criminelle, clôturée hier. Il revient après annulation du verdict prononcé en première instance, le 12 octobre dernier, et contre lequel aussi bien le procureur général que les accusés ont fait appel.
Poursuivi «pour entrave au bon déroulement de la justice», «faux en écriture officielle» et «incitation à la partialité», Tayeb Louh a écopé d’une peine de 6 ans de réclusion criminelle assortie d’une amende de 200 000 DA, alors que Tayeb Belhachemi, inspecteur général, Saïd Bouteflika et Ali Haddad, ont été condamnés à une peine de 2 ans de prison ferme.
Quant à l’ex-secrétaire général du ministère de la Justice, Laâdjine Zouaoui, et aux juges Mokhtar Belahrach, Samoun Sid Ahmed, Khaled Bey, ainsi que l’avocat Derfouf Mustapha et l’ex-candidate aux législatives de mai 2017 pour la circonscription de Ghardaïa, Meriem Benkhalifa, ils ont tous été acquittés. Ils ont été jugés pour avoir «exécuté les instructions» de l’ancien ministre, Tayeb Louh, dans «la falsification de documents officiels et de jugements» relatives à trois affaires distinctes.
La première est liée à l’annulation sur «instruction» de Tayeb Louh, des mandats d’arrêt internationaux, lancés à l’été 2013, contre l’ex-ministre de l’Energie, Chakib Khelil, son épouse et ses deux enfants, alors que pour la seconde, il s’agit des mêmes «interférences» au profit de l’homme d’affaires Ali Haddad, dans une affaire en justice, et la troisième est liée à une affaire d’intervention, toujours «par des SMS» du ministre de la Justice pour «falsifier un procès-verbal avec effet rétroactif pour valider» la candidature de Meriem Benkhalifa, aux élections législatives de 2017.
«Raison d’état»
Placé en détention durant l’été 2019, Tayeb Louh avait nié les accusations «d’abus de fonction», «d’entrave au bon fonctionnement de la justice», «d’incitation à la partialité» et de «faux en écriture officielle», avant de qualifier les poursuites dont il a fait l’objet de «grave précédent», et de déclarer que son incarcération «a eu lieu dans un contexte inconstitutionnel sous un président non élu (en référence au défunt Abdelkader Bensalah, ndlr) et avait des motivations politiques (…)».
Saïd Bouteflika a également nié le délit «d’incitation à la partialité de la justice», avant d’évoquer Chakib Khelil, «le seul homme» avec lequel son frère, le défunt Président, «est resté et a grandi». Et de lancer : «Et après 20 ans de pouvoir, ils le poursuivent. Plus grave, ils annoncent des mandats d’arrêt contre lui, son épouse et ses deux enfants et l’accusent avec violence. Pour des raisons d’Etat, je ne voudrais pas aller dans le détail.»
Puis, il s’est attaqué à Belkacem Zeghmati, alors ministre de la Justice, en déclarant : «Zeghmati a envoyé une lettre au Président, lui demandant pardon. Il a affirmé avoir été sommé par le ministre de la Justice (alors Mohamed Chorfi), de lancer le mandat d’arrêt contre Chakib Khelil, qui a grandi au sein de notre famille avec les grands de ce pays.
Même lorsqu’il était aux Etats-Unis, il était en contact avec mon frère et moi-même. Il en est de même, lorsqu’il est rentré au pays. Mais l’enquête n’a retenu que les SMS, et non pas les visites qu’il nous rendait.» Saïd Bouteflika a catégoriquement nié avoir donné «une quelconque instruction» à Tayeb Louh, et a précisé qu’à l’issue d’un Conseil des ministres, son frère, alors Président, a évoqué l’affaire avec le garde des Sceaux durant plus de deux heures, sans qu’il ne soit au courant des détails de l’entrevue.
«A la fin, il m’a dit qu’il a discuté avec Louh pour voir comment régler l’affaire de Chakib dans un cadre légal.» Il est à signaler que Saïd Bouteflika et Tayeb Louh sont sous le coup d’une affaire en instruction liée à Noah Kouninef, alors qu’une troisième affaire concernant le marché des bracelets électroniques, dans laquelle est poursuivi Tayeb Louh, devra être jugée au début du mois de février.