Le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Tayeb Zitouni, a appelé mercredi, premier jour de l’Aïd, les consommateurs à boycotter la banane, fruit importé et vendu à un prix excessif ces derniers jours sur le marché national. Le ministre a lancé cet appel au cours d’une sortie sur le terrain, qu’il a effectuée dans la wilaya d’Alger, pour s’enquérir du dispositif des permanences durant les fêtes de l’Aïd El Fitr.
«J’appelle les citoyens à nous aider à faire baisser le prix de la banane. Manaklouhach (on ne la mange pas). On va la saisir…», a-t-il lâché devant les caméras, qualifiant les spéculateurs à l’origine de cette hausse de prix de «voleurs».
Il a, à ce propos, expliqué que les spéculateurs ont profité du fait que les services du commerce étaient occupés, durant le mois de Ramadhan, à contrôler le prix de certains produits de saison, pour augmenter celui de ce fruit le rendant inabordable. «Alors que nous étions occupés à réguler les prix de la pomme de terre et de la courgette, certains ont profité de l’occasion pour augmenter les prix de gros de la banane jusqu’à 470 DA, voire 480 DA», a-t-il dit. M. Zitouni a, par la même occasion, donné quelques détails sur la structure du prix de la banane durant ces premiers mois de l’année 2024. Il a, ainsi, révélé que le prix à l’import du kilo de banane n’a pas dépassé un dollar (135 DA en moyenne au cours officiel) et que son coût de revient, y compris les marges bénéficiaires, est d’environ 200 DA le kilogramme.
«Ce sont des voleurs. Ils importent la banane à moins d’un dollar pour la vendre en gros à 470-480 DA. Au détail, les prix ont atteint 500 à 600 DA», a-t-il fait savoir, ordonnant, ce faisant, la saisie des lots de banane écoulés à 470 DA et plus. Le ministre a rappelé que les importateurs de banane ont eu «toutes les facilités nécessaires» et les «financements en devise» pour un meilleur approvisionnement du marché et à des prix abordables. Or, les prix de ce produit stabilisateur ont suivi une courbe inverse. «Nous leur avons donné toutes les facilités et délivré suffisamment d’autorisations d’importation. L’offre est disponible. Nous avons importé 320 000 tonnes de bananes en 2023», a-t-il révélé, tout en instruisant ses services à l’effet d’examiner de près la traçabilité des factures lors des transactions liées à la commercialisation de la banane.
En visite, au début de ce mois, dans la wilaya de Tizi Ouzou, le ministre du Commerce a appelé les opérateurs intervenant dans le marché de la banane «à faire preuve de bon sens» face à une flambée des prix qui va crescendo. Entre 300 et 350 DA avant le mois du jeûne, le prix du kilo de ce fruit jaune est passé à 400-450 DA aux premiers jours du Ramadhan, malgré le doublement du volume des quotas d’importation par rapport à l’année 2023.
Le kilo de banane a même atteint les 500 DA dans certains quartiers d’Alger. Lorsque la banane avait atteint 800 à 850 DA en 2023, les volumes importés étaient de 160 000 tonnes. Paradoxalement, c’est lorsque le produit est en surabondance que les prix flambent, défiant toute logique commerciale. Face à cela, Tayeb Zitouni avait, à partir de Tizi Ouzou, promis une série de mesures contre les spéculateurs, y compris le retrait des licences d’importation. «Des mesures réglementaires seront engagées contre les spéculateurs, dont le retrait de l’autorisation d’importation de ce produit», a-t-il prévenu, ajoutant que ces spéculateurs «sont sous le coup de la loi contre la spéculation illicite». Qu’en est-il ? Quel est le nombre d’importateurs ayant fait l’objet de mesures antispéculation ? On s’en souvient, le prix de ce fruit a atteint près de 1000 DA le kilogramme en juillet 2022.
Spéculation
Les autorités ont alors intensifié leurs actions contre les spéculateurs et procédé à des descentes médiatisées dans les dépôts de stockage et autres chambres froides. Auront-elles recours à cette même démarche pour juguler la hausse des prix ou devront-elles procédé autrement ? Dans une précédente déclaration à la presse, Tayeb Zitouni avait plutôt préconisé un recours aux instruments du marché pour arriver à faire baisser les prix. C’est-à-dire une augmentation du quota d’importation. «La solution pour la banane est d’augmenter le quota de son importation pour couvrir les besoins du marché algérien», avait-il déclaré, soulignant l’importance de la banane pour la stabilisation des coûts des fruits en Algérie. Depuis, les quotas ont pratiquement doublé. Mais cela n’a pas permis de stabiliser le marché puisque les prix ont, eux, aussi doublé.
Par ailleurs, lors de sa visite mercredi à Alger, le ministre a souligné que «99,85% du nombre total des commerçants concernés par la permanence pour le premier jour de l’Aïd El Fitr dans toutes les wilaya du pays, soit 51 248, ont respecté le programme».
M. Zitouni a précisé que le nombre de commerçants ayant ouvert leurs magasins volontairement «représente trois fois le nombre de ceux assujettis au système de permanence à travers l’ensemble des wilayas du pays», soulignant que le premier jour de l’Aïd El Fitr a été marqué par une «abondance» des différentes denrées alimentaires essentielles. La visite du ministre a été marquée par une tournée d’inspection au niveau de commerces et d’unités de production au niveau de la ville nouvelle de Sidi Abdallah, El Biar et Birkhadem.
Au niveau du complexe laitier d’Alger (Birkhadem), le ministre a mis en exergue les efforts consentis au niveau de la laiterie qui dispose de 114 distributeurs et assure l’approvisionnement de 900 commerces privés. Aussi, M. Zitouni s’est dit étonné de constater que des magasins puissent ouvrir sans proposer de produits à la vente durant l’Aïd. Et d’affirmer : «Il ne suffit pas seulement d’ouvrir le jour de l’Aïd.
Des sanctions vont s’appliquer aux commerçants qui affichent des étals vides et ne proposent aucun service aux consommateurs.» En ces jours de fête, de nombreux commerces versés dans la vente de légumes ont assuré des permanences mais étaient incapables de satisfaire les demandes des clients, invoquant une rupture pénalisante du circuit d’approvisionnement à partir de mardi. Cela a été aggravé, la veille de l’Aïd, par un rush inhabituel des consommateurs vers les marchés de fruits et légumes, vidés en quelques heures seulement. Il convient de souligner que le ministère du Commerce a rappelé, jeudi, à l’ensemble des commerçants et opérateurs économiques, l’obligation de reprendre leurs activités commerciales de façon normale, et ce, à compter d’aujourd’hui.
Permanence de l’Aïd : Plus de 51 000 commerçants mobilisés
Plus de 51 000 commerçants ont été mobilisés à travers le territoire national pour assurer la permanence durant l’Aïd El Fitr, a indiqué mercredi un communiqué du ministère du Commerce. Les services du ministère du Commerce ont mis en place un programme spécial pour assurer un approvisionnement régulier des citoyens en produits et services de large consommation durant l’Aïd El Fitr avec la mobilisation de 51 282 commerçants, a précisé le communiqué. Il s’agit de 6366 boulangeries, de 27 949 commerces d’alimentation générale et de fruits et légumes et de 16 462 commerces dans différents secteurs d’activité, en plus de 483 unités de production, dont 127 laiteries, 312 minoteries et 44 unités de production d’eau minérale, selon la même source. Ce programme de permanence commerciale intervient en application des dispositions de l’article 8 de la loi 13-06 du 23 juillet 2013, modifiant et complétant la loi 04-08 du 14 août 2004, relative aux conditions d’exercice des activités commerciales. Cette loi dispose que «le non-respect de l’obligation de permanence est sanctionné par une amende de 30 000 à 200 000 dinars». M. A.