Le pain de la discorde

03/01/2022 mis à jour: 10:20
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Décision a été prise d’augmenter le prix du pain de 5 DA / Photo : D. R.

Le bras de fer engagé par les boulangers pour mener les pouvoirs publics à accorder cette hausse a fini par une décision unilatérale qui a surpris les consommateurs.

C’est le cadeau du Nouvel An que les boulangers ont décidé de nous offrir», ont ironisé hier des citoyens devant une boulangerie à Constantine, pour commenter la décision prise samedi d’augmenter le prix du pain de 5 DA. Une hausse de plus qui viendra s’ajouter à d’autres touchant plusieurs produits de base, pénalisant ainsi les familles démunies et les pauvres fonctionnaires peinant à joindre les deux bouts.

Comme d’autres régions du pays, la wilaya de Constantine connaît depuis le 1er janvier une effervescence particulière à cause de cette hausse surprise du prix du pain. Une mesure qui a provoqué la colère des citoyens, dont plusieurs d’entre eux croyaient que c’était une décision de l’Etat. Lors d’une tournée en ville, hier, des citoyens se sont dit choqués en apprenant que la baguette de pain ordinaire est à 15 DA.

«C’est absurde ! Depuis quand cette augmentation ? Ce n’est pas normal, les prix de tous les produits de base sont montés en flèche», a réagi une dame. Le plus aberrant est que cette hausse a eu des répercussions sur les prix des autres produits de boulangerie, comme le pain amélioré vendu à 20 DA au lieu de 15 DA, mais aussi la baguette de semoule qui coûte désormais 30 DA, soit une hausse de 10 DA.

«Depuis samedi, la direction du commerce a dépêché des équipes de contrôle qui ont établi des PV d’infraction à l’encontre de 33 boulangers. Les sanctions prises pourront aller jusqu’à la fermeture. Mais le problème est qu’en parallèle, ces boulangers ont enregistré d’énormes pertes ; ils vendent à perte avec l’augmentation des prix des produits de base. Les autorités concernées, dont le ministère du Commerce, sont au courant de ces problèmes», a déclaré le coordinateur du bureau de wilaya de l’UGCAA, Mohamed El Aïd Bouhenguel.

«Cette décision a été prise par certains boulangers sans l’accord de l’Union générale des commerçants et celui de la Fédération des boulangers. Lors des quatre réunions organisées précédemment par la Fédération au siège de l’UGCAA à Constantine, le coût actuel de la production d’une seule baguette a été estimé à 14,5 DA», ajoute notre interlocuteur. «En 2016, une commission ministérielle a visité cinq wilayas pilotes, à savoir Constantine, Oran, Alger et deux du Sud pour connaître le coût de la baguette.

Mais aujourd’hui, les prix ont connu une flambée ; je cite le paquet de levure qui coûtait 4000 DA, il est actuellement à 5400 DA. La Fédération ainsi que l’UGCAA ont tenté d’apaiser les esprits et ont appelé les boulangers à faire preuve de sagesse. Malheureusement, certains ont préféré la hausse», a-t-il expliqué, précisant que ce dossier est entre les mains du Premier ministre et l’augmentation du prix d’un produit subventionné doit être réglementaire et passer par le Parlement.

Une hausse non réglementaire

Par ailleurs, plusieurs boulangers n’ayant pas suivi ce mouvement ont arrêté la production du pain ordinaire. «Je n’ai pas voulu entraver la loi, mais en parallèle ma boulangerie est en train d’agoniser financièrement. Le quintal de farine coûte 3000 DA, au lieu de 2100 DA ; l’huile est achetée à 800 DA la bonbonne de 5 litres, sans parler du loyer, des charges des employés et des factures de l’énergie.

J’ai décidé d’arrêter la production du pain ordinaire. Je ne vends que le pain amélioré et le pain de semoule», a révélé un boulanger à la rue Larbi Ben M’hidi. Malgré les PV et les sanctions, plusieurs boulangeries au centre-ville de Constantine, à Ali Mendjeli et à Didouche Mourad et autres secteurs ont maintenu cette augmentation. Pour sa part, l’Organisation algérienne de la protection et l’orientation du consommateur et son environnement (Apoce) a condamné fermement cette hausse qualifiée de non réglementaire.

«Notre position est claire, nous condamnons tout comportement qui bafoue les lois et va à l’encontre de l’intérêt du consommateur. Nous n’avons pas dit que ces boulangers n’ont pas raison de vouloir améliorer leurs conditions de travail. Mais, il faut établir des lois en coordination avec les autorités. Car, la résolution de leurs problèmes va impacter l’intérêt du consommateur», a déclaré à El Watan Farès Benaïdja, président du bureau régional de l’Apoce.

Et d’appeler au respect des lois, en insistant que le prix du pain est réglementé. Par ailleurs, M. Benaïdja a souligné que «des accords horizontaux» sont menés parallèlement aux réunions et décisions officielles. «Cette hausse a touché la majorité des wilayas du pays, selon nos cellules de crise. Ce n’est pas normal que la décision d’augmenter le prix du pain soit appliquée par une grande partie des boulangers. Nous refusons l’accord horizontal, qui se fait en dehors des réunions officielles et toute décision en dehors de la loi», a-t-il dénoncé. 

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