Dans un discours à la nation de près de deux heures, et à trois jours de boucler une année de conflit en Ukraine, le président Vladimir Poutine n’a pas fait dans la dentelle et a revêtu sa tenue de combat contre certains pays occidentaux. Comme aux plus beaux jours de la guerre froide, cet antagonisme frontal ébranle le monde entier et jette le trouble et le pessimisme sur les jours et les mois à venir.
«Nous ferons en sorte que cela se termine et le plus tôt sera le mieux», ces paroles de Poutine sorties de leur contexte ne signifient pas ce que nous serions tenté de leur prêter. Il n’est pas question pour lui de se parer d’une posture candide pour faire part de sa lassitude du conflit qui traîne en longueur, avec des fortunes diverses pour les deux armées confrontées sur le théâtre des hostilités depuis maintenant une année. Non, ces paroles sont désormais celles d’un chef de guerre dont la volonté est de passer à la vitesse supérieure et doter ses militaires d’un feu roulant destructeur pour atteindre les objectifs «le plus tôt possible», tel que le définit en mode offensif le chef du Kremlin. Car après avoir dénoncé «une absence de volonté d’écouter la Russie», Vladimir Poutine décide dans la foulée de mobiliser ses centaines de milliers de soldats et de libérer ses armes sophistiquées, telles que les missiles supersoniques à guidage intelligent.
Le discours du chef du Kremlin a redoublé d’ardeur à la suite de la visite du président Joe Biden hier à Kiev, la première depuis le début du conflit, où il a reçu un accueil attentionné de la part du président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Joe Biden a fait part à son hôte de la disponibilité américaine de monter d’un cran dans l’aide dédiée à l’Ukraine (plus de 150 milliards de dollars) et de lui assurer l’acheminement de plusieurs batteries de missiles d’interception et de défense antiaérienne. Nous ne savons, pour l’heure, si l’armée ukrainienne sera dotée d’avions de combat de type F16 (les plus disponibles dans l’important arsenal américain) mais c’est l’armement le plus demandé par Zelensky. Au-delà du conflit militaire, Vladimir Poutine, en présence du chef de l’Eglise orthodoxe, a tenté une approche «philosophique» différente de ses prédécesseurs de la guerre froide. Le dualisme russo-américain est passé du stade de combat entre deux idéologies antagoniques, le communisme contre le capitalisme, à une approche de modes de vie totalement en contradiction l’un de l’autre. En soutenant l’idée, dans son discours-fleuve, d’un Occident dépravé et décadent «qui a érigé la perversion et la pédophilie en norme», il a voulu démontré que l’affrontement actuel est «un choc des civilisations» entre une Russie attachée à «des valeurs traditionnelles» et un Occident «décadent». Dans la foulée de cet effrayant tumulte, le chef du Kremlin a annoncé hier que la Russie suspendait sa participation l’accord «New Start» et a menacé de «recourir à de nouveaux essais nucléaires si…» Il a aussi accusé l’OTAN de faire dans le double jeu : «Vous la Russie faites ce sur quoi on s’est mis d’accord et nous, nous ferons ce que bon nous semble», a dit Poutine dans son allocution sur le ton de la dérision.
Et pour rajouter à cette cacophonie qui menace la paix du monde, le groupe Wagner, milice privée engagée sur le front ukrainien de Bakhmout, accuse l’état-major de l’armée russe de ne pas vouloir lui fournir armes, munitions et matériels pour ses besoins de guerre sur le front. Ces paroles marquent une tension entre ce groupe paramilitaire combattant et le sommet de l’armée russe. Cette déclaration laisse apparaître des tensions et une concurrence sur le terrain ukrainien des deux protagonistes, dixit les médias occidentaux, dont les analyses depuis le début de cette guerre sont souvent à prendre avec des pincettes.
Réaction inattendue, la montée de l’OTAN au créneau pour lancer un avertissement à peine voilé à la Chine. Le secrétaire général de cette organisation s’est dit hier «de plus en plus inquiet» d’un possible soutien militaire létal de la Chine à la Russie. Le Kremlin devrait en principe compter sur l’appui chinois. Le chef de la diplomatie de l’Empire du Milieu est attendu aujourd’hui à Moscou. Celui-ci a déclaré que le conflit «risque de s’intensifier et être hors de contrôle». Inquiétant. Il y a longtemps que le monde n’est pas rentré dans une spirale aussi dangereuse qui risque de mettre à mal la paix et la sécurité internationales.