Par le professeur Mustapha Cherif
Il y a des anniversaires historiques profonds de sens. 1954-2024, soixante-dix ans après le déclenchement de la lutte héroïque pour le recouvrement de la souveraineté nationale, obtenue au prix d’un lourd tribut, rappeler l’actualité de la plus grande Révolution anticoloniale du XXe siècle permet de faire connaître, aux nouvelles générations, de par le monde, la vision algérienne du vivre-ensemble, de la culture de la dignité et des relations internationales.
Une épopée qui s’inscrit dans les annales de l’histoire humaine. Elle permit «La restauration de l’État algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques»(1), avec l’enracinement d’une culture du respect de tous les membres de la Nation «sans distinction de races et de confessions»(2) «Mecque» des mouvements de libération à travers le monde, elle leur donna une impulsion irrésistible. La solidarité traverse les frontières.
Ce n’est pas un hasard que l’Algérie soit un pays pivot qui force le respect, malgré l’animosité de certains. Le monde va mal, la fidélité de l’Algérie aux principes de la souveraineté, de l’autodétermination des peuples et de la civilisation humaine donne de l’espérance et le courage d’affronter les défis de notre temps.
Aujourd’hui 70 ans après la Révolution libératrice, 62 ans après l’indépendance et 35 ans après la fin de la guerre froide, les rapports Nord-Sud, Monde Musulman-Occident sont à un tournant, un moment de bascule. Un drame, alors que concilier unité et pluralité est possible. Nul n’a le monopole de la vérité. Le dialogue des civilisations n’est pas facultatif. L’enjeu est de discerner, de résister et d’œuvrer pour la paix et la sécurité pour tous. C’est une question stratégique d’avenir. Le contexte international est celui de la propagande délirante du «choc des civilisations» et la funeste hiérarchisation, qui sont parmi les facteurs qui produisent de l’insécurité.
L’Algérie se veut vigilante et constructive. Elle demeure parmi les pays boussoles. Elle perçoit la mondialisation avec ses opportunités et ses risques, et le souci de parvenir à des échanges équitables. L’Occident animé par l’ambition folle de domination totale est dans une crise de fin de civilisation. La montée des sinistres extrêmes droites en est un symptôme.
L’islam est pris comme bouc émissaire sous la figure de l’ennemi, car ses valeurs résistent à la déshumanisation. Les propagandistes du «choc des civilisations» favorisent les sectes et groupuscules fanatiques qui déstabilisent. La riposte est de faire de l’information, un domaine stratégique de la diplomatie culturelle et religieuse, pour ressouder la communauté internationale. L’Algérie, carrefour des civilisations, contribue au rapprochement entre les peuples.
Les relations internationales ne sont pas démocratiques, marquées par l’inadmissible politique des deux poids et deux mesures. Le sort de la Palestine en est l’illustration tragique. L’Algérie donne l’exemple de la solidarité inconditionnelle. Elle est toujours du côté des opprimés, où qu’ils soient, de la Palestine au Sahara occidental, pour un ordre international juste.
Lors du dialogue des civilisations un des buts est d’attirer l’attention en permanence sur les conséquences néfastes des amalgames, du double standard et des injustices. Dans le contexte de l’effritement des architectures des systèmes sécuritaires qui régissent le monde, chacun devrait savoir que la politique du double standard accentue la mondialisation de l’insécurité.
Crédible, expérimentée dans la lutte anticoloniale et antiterroriste, l’Algérie attire l’attention en permanence sur les conséquences néfastes des amalgames, du double standard et des injustices. En ces temps sombres, tous les problèmes se posent en même temps. Le monde, chacun selon ses spécificités, a besoin de l’esprit du «Message de Novembre» pour bâtir un ordre juste.
La diplomatie culturelle et religieuse peut contribuer à la défense globale, en tenant compte de tous les aspects des conflits. Le pays de l’Emir Abdelkader enseigne que la sécurité est indivisible et mérite un engagement constant. L’Algérie soucieuse du bien commun, dispose du «Message de Novembre» et de son corollaire sa doctrine diplomatique qui proclame, notamment, que la prévention et le règlement des conflits doivent se réaliser par la voie diplomatique et l’application des principes et buts de la Charte des Nations unies doit être égale, impartiale et générale.
Les tenants du «choc des civilisations» n’ont pour le moment pas réussi, malgré les troubles, les guerres et les tensions, mais ils peuvent demain mettre en danger l’humanité. Une civilisation repose sur trois critères clés : 1- Une doctrine du projet de société et des relations internationales. 2- La place octroyée au savoir, à la raison et à la fonction logique. 3- La capacité à instaurer des règles politiques, sécuritaires, sociales et économiques justes. Le pays qui remplit ces conditions s’engage sur le long chemin de l’édification.
L’attachement aux causes justes, à la culture de la dignité et au non-alignement, et se tenir prêt à toutes les éventualités, est une stratégie légitime et rationnelle, qui a fait ses preuves. Pour que la communauté internationale redevienne unie, il est urgent de mettre fin à l’hystérie du «choc des civilisations». Il reste un avenir au dialogue des civilisations et aux saines relations internationales, si les aspirations des peuples, à préserver leur propre vision du monde et à vivre en sécurité, sont respectées.
De par la prise de conscience des jeunesses à travers le monde, la politique internationale ne pourra plus être inéquitable. La bataille des valeurs éthiques et du savoir est au centre des enjeux. Les principes de l’ONU, contenus dans sa Charte, restent intangibles : le maintien de la paix et de la sécurité internationale, le règlement pacifique des conflits, le développement entre les nations de relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes.
L’Emir Abdelkader, figure de l’algérianité et source de respect mondial, disait : «Le meilleur Homme est celui qui est le plus utile à sa patrie et à l’humanité.» Précurseur du droit humanitaire et du dialogue des civilisations, il a fait connaître au monde l’Algérie et le vrai visage de l’islam et du Sud global.
Contrairement à l’envahisseur, il prohibait toute forme de sauvagerie. Les nouvelles générations trouveront dans les moments fondateurs comme le «Message de Novembre», et les figures de l’histoire, d’hier à aujourd’hui, une méthode et un souffle pour relever les défis de notre temps, si nous savons garder vivante la flamme. M. C.
(1) et (2) Déclaration du 1er Novembre