L'annonce de BBVA se heurte, par exemple, à l'opposition des régions où Sabadell est implantée comme la Catalogne, d'où elle est originaire, et la communauté de Valence, où elle a son siège. Elles redoutent toutes deux une réduction du nombre d'agences dont pâtiraient les entreprises et les particuliers.
L'OPA lancée jeudi par la banque BBVA sur Sabadell a provoqué une levée de boucliers politique en Espagne, où de nombreux obstacles réglementaires devront être franchis pour que l'opération soit menée à bien. De quoi rendre son succès incertain. L'OPA de BBVA, qui propose d'échanger une de ses actions contre 4,83 actions Sabadell, se heurte à l'opposition frontale de la banque catalane, pour qui cette proposition - identique à une offre de fusion amicale rejetée lundi - sous-évalue «significativement» sa valeur.
Résolue à faire échouer l'opération, la quatrième banque d'Espagne accuse BBVA d'avoir enfreint les règles encadrant les OPA en communiquant «des données incomplètes pouvant affecter le marché» et a saisi le gendarme boursier espagnol (CNMV). Le président de BBVA Carlos Torres a minimisé jeudi cette opposition, assurant avoir été «contacté» par des actionnaires favorables à l'opération.
Mais le capital de Sabadell est détenu par une multitude d'investisseurs dont aucun ne dépasse 5%, ce qui rend l'OPA imprévisible. «Cette offre publique d'achat hostile» risque d'avoir «un effet potentiellement dommageable» sur le système bancaire en réduisant la concurrence, a répété vendredi le ministre de l'Economie Carlos Cuerpo, pour qui le gouvernement de gauche aura «le dernier mot» concernant l'opération.
M. Cuerpo n'a pas détaillé les marges de manœuvre dont disposait l'exécutif. Mais la ministre du Travail, Yolanda Diaz, a assuré que la loi espagnole sur la supervision bancaire permettait au gouvernement «d'autoriser ou non ce type d'opérations». Or cette OPA, la première dans le secteur espagnol des banques depuis 1987, est «extrêmement risquée» pour l'économie espagnole, a insisté la numéro trois du gouvernement Sánchez, jugeant l'opération «contraire aux intérêts» de l'Espagne et des usagers.
Hostilité des régions
L'annonce de BBVA se heurte également à l'opposition des régions où Sabadell est implantée comme la Catalogne, d'où elle est originaire, et la communauté de Valence, où elle a son siège. Elles redoutent toutes deux une réduction du nombre d'agences dont pâtiraient les entreprises et les particuliers.
En Catalogne, où un scrutin régional se tient dimanche, l'ensemble des partis sont ainsi montés au créneau, à l'image des formations indépendantistes, pour qui cette OPA pourrait «affaiblir le poids économique» de la région, selon les termes du président régional, le séparatiste modéré Pere Aragonès. «Il existe depuis longtemps une stratégie visant à liquider le secteur bancaire catalan», a insisté Carles Puigdemont, chef de file de la tentative de sécession de 2017 et également candidat à ce scrutin, en appelant à s'opposer «de toute force» à l'opération.
Egalement mécontents, les deux principaux syndicats espagnols, Commissions ouvrières et UGT, ont mis en avant de leur côté les risques pour l'emploi en cas de rapprochement entre les deux entités. Il ne faut pas que les salariés «payent le coût de cette opération», a prévenu l'UGT. Interrogé jeudi, Carlos Torres a exclu toutes lrs «mesures traumatisantes» pour les salariés, mettant en avant les opportunités en termes de carrière de ce rapprochement, qui doit donner naissance à un géant bancaire. Mais il n'a pas écarté des réductions d'effectifs, sans les chiffrer.
BBVA - qui avait déjà proposé sans succès une fusion à sa concurrente en 2020 - emploie actuellement 121 000 personnes, contre près de 19 000 pour Sabadell.
Les deux groupes ont déjà supprimé plusieurs milliers d'emplois ces dernières années. Le principal obstacle pour BBVA se trouve du côté des superviseurs. La banque doit en effet obtenir le feu vert de la Banque centrale européenne (BCE), du gendarme boursier espagnol et des autorités de la concurrence des pays où opèrent les deux banques, dont l'Espagne.
Or, le secteur bancaire espagnol est déjà très concentré, avec 56% du marché aux mains de trois groupes (Santander, BBVA, Caixabank). Ce «taux atteindrait 64%» en cas de réussite de cette OPA, qui pourrait impliquer une «réduction importante de la concurrence», rappelle le courtier en ligne XTB. Une situation qui invite à la prudence quant au succès de l'opération, dont la durée prendra entre six et huit mois, selon BBVA. «Il va y avoir une guerre d'usure», a prévenu sur la radio RNE l'économiste Javier Santacruz, pour qui BBVA va devoir faire un gros travail de «persuasion».