Le marché informel de la devise dans notre pays a ceci de particulier qu’il n’obéit pas à des mécanismes connus et que ses augmentations sont conditionnées, croit-on, par la règle de l’offre et de la demande, ce qui intégrerait le marché de la devise dans la normalité des transactions. Mais pour le cas spécifique de la devise, notre pays s’écarte des principes cartésiens pour faire régner une sorte d’illogisme transactionnel, obéissant à la rumeur et à la manipulation.
Le marché de la devise s’est emballé à la fin du mois de septembre en opérant des hausses brutales et inattendues jamais vues du côté des grandes places de change, où exercent les cambistes occasionnels.
L’euro, qui était côté au début du mois de juin, c’est-à-dire au moment des grands rushs des vacanciers, à 224 DA, a subi un saut surprenant en étant estimé à la fin du mois de septembre à 257 DA et jusqu’à 261 DA à l’achat, du fait de sa rareté dans certains endroits de la capitale. Plus surprenant est, nous dit-on, l’assèchement partiel des marchés de la devise, dont on devine mal les raisons.
Le marché informel de la devise dans notre pays a ceci de particulier qu’il n’obéit pas à des mécanismes connus et que ses augmentations sont conditionnées, croit-on, par la règle de l’offre et de la demande, ce qui intégrerait le marché de la devise dans la normalité des transactions. Mais pour le cas spécifique de la devise, notre pays s’écarte des principes cartésiens pour faire régner une sorte d’illogisme transactionnel obéissant à la rumeur et à la manipulation.
Ainsi, cet agent, la soixantaine tapante et qui a fait du change de la devise un métier prospère (il l’exerce depuis une trentaine d’années), ne pense pas qu’il existerait une organisation clandestine qui manipulerait les cotations et dicterait son diktat sur les marchés parallèles.
Avec les nouvelles technologies de communication, particulièrement le téléphone mobile, il est facile de s’informer sur le cours de la devise à l’achat et à la vente, que ce soit à Annaba, Oran, Constantine, Alger et ailleurs, et s’aligner sur l’offre la plus relevée. «Il y a un alignement quotidien des prix à l’achat et à la vente de la devise, car la demande est en constante hausse, alimentant différentes catégories de clients».
Cet éventail de demandeurs va du simple particulier, qui doit faire face à un déplacement occasionnel à l’étranger, à ceux qui alimentent le compte de leurs progénitures ou de leurs proches confrontés aux exigences financières d’études universitaires ou de soins médicaux et d’hospitalisation dans des établissements de santé en Europe et ailleurs, ainsi que les vacanciers qui choisissent septembre et les pèlerins pour la omra. Sans omettre les facilités accordées par l’Etat pour l’importation de véhicules de moins de trois ans, qui ont pesé lourdement sur le marché de la disponibilité de la devise.
Assèchement de la devise
Cette fois-ci, l’analyse du phénomène est pour le moins curieuse, car la période est traditionnellement plutôt calme après une saison estivale où l’euro connaissait une stabilité dans sa cotation et qui n’avait pas grandement variée dans la fourchette comprise entre 230 et 237 DA l’unité pendant la période allant de juin à début septembre.
L’assèchement actuel et ponctuel de la devise sur toutes les places de change parallèle a fait opérer un bond exceptionnel à celle-ci du fait du retour des expatriés, pourvoyeurs de devises, vers leur lieu de résidence à l’étranger, concomitamment à la demande pressante des investisseurs et des importateurs dont les commandes de marchandises et autres se font en septembre.
Pour cette dernière catégorie, solliciter la banque pour ce genre de transactions serait long et fastidieux et la confronterait aux aléas bureaucratiques et… au contrôle fiscal. C’est pour cette raison que les importateurs de marchandises et autres appelés à être écoulés dans le commerce informel choisissent évidemment de recourir au marché parallèle de la devise.
Les marchés informels
Autre curiosité, notre interlocuteur, qui a requis l’anonymat, nous a fait part d’un comportement pour le moins inattendu d’une certaine catégorie de citoyens ordinaires qui ont sollicité, depuis la fin du mois d'août et de septembre, l’achat de grandes quantités de devise.
Pour quelle raison ? «Vous ne croiriez pas vos oreilles si je vous disais que renseignement pris auprès de l’un d’eux, il m’a confié qu’il préférait thésauriser de l’euro chez lui que de continuer à stocker des dinars.» La rumeur a décidément de beaux jours devant elle…
Mais, il est vrai que certains citoyens préfèrent transformer leurs économies en euro qui, disent-ils, «est une valeur refuge plus stable et ascendante chez nous que de garder des dinars en constante dépréciation». Nous supposons que ce sont les mêmes comportements pessimistes sur notre équilibre financier national qui ont affolé le marché de l’or à Alger et ailleurs.
L’or en effet suit le marché de la devise en opérant depuis quelques semaines un renchérissement inattendu de sa valeur sur les marchés informels, comme celui de Ouedkniss à Alger. Des bijoutiers vous diront que depuis le début de l’année, la commercialisation de ce métal précieux a connu un réel engouement. L’or est, il est vrai, une valeur refuge traditionnelle et pluriséculaire dans notre société.
Et pendant ce temps, que fait l’Etat diriez-vous ? Par les temps qui courent, peu de choses. Les circuits et les marchés informels, qui occasionnent un sérieux manque à gagner au Trésor public, ont atteint une telle imbrication qu’il serait difficile au gouvernement de s’attaquer à cette hydre à sept têtes sans que l’économie nationale ne subisse de sérieux dommages.
Preuve en est la trop grande amplitude qui caractérise le taux de change bancaire et celui du marché parallèle de la devise. Deux enquêteurs de l’université de Béjaïa, les docteurs Brahim Bengana et Nacereddine Mouffok ne vont pas par quatre chemins pour faire le diagnostic de cette situation, qui met l’économie nationale sur le grill.
Dans une enquête menée auprès de certains responsables de banques publiques et de cambistes occasionnels du marché parallèle de la devise de Béjaïa, ils en sont venus à la conclusion suivante : «Le taux de change parallèle reflète la vraie valeur de notre économie compte tenu que 60 à 70% de la masse monétaire échappent au contrôle du secteur bancaire.»