Après Ismaïl Haniyeh et Hassan Nasrallah, Israël a réussi à assassiner un autre leader de la résistance antisioniste : Yahya Sinwar. Le chef du bureau politique du Hamas a été tué mercredi à Rafah, où il combattait les armes à la main aux côtés de ses hommes. Réagissant à cette nouvelle, Khalil Al Hayya, chef du Hamas à Ghaza, a insisté, dans une allocution diffusée hier, sur la détermination du mouvement de résistance palestinien à honorer la mémoire de Sinwar en poursuivant dans la voie qu’il a tracée jusqu’à la libération de la Palestine.
Le meilleur cadeau que l’ennemi puisse me faire est de m’assassiner et de faire en sorte que je tombe en martyr. Aujourd’hui, j’ai 59 ans. Je préfère mourir en martyr, abattu par un F-16, plutôt que d’être emporté par le Corona ou bien d’une crise cardiaque ou d’un accident de la route.»
Ceci n’est pas de l’humour noir. C’est du Yahya Sinwar dans le texte. Des mots qui en disent long sur son caractère bien trempé et l’esprit qui l’animait. Un vrai mental de guerrier. Et son vœu a été exaucé. Yahya Sinwar est mort en chahid, comme il l’avait désiré, les armes à la main. Cela s’est passé le mercredi 16 octobre, mais sa dépouille n’a été identifiée que le lendemain, jeudi. Les soldats israéliens avec qui il s’était accroché ne savaient pas que c’était au chef du Hamas en personne, le légendaire Sinwar, qu’ils avaient affaire.
Sous le titre «La mort en martyr de Sinwar dans des combats contre l’armée israélienne à Rafah», publié avant-hier sur son site web, Al Jazeera détaille les derniers instants du leader palestinien.
D’après cet article qui cite l’armée israélienne, Yahya Sinwar et deux de ses hommes se sont engagés dans un accrochage avec des soldats sionistes mercredi à Tel Al Soltan, à l’ouest de la ville de Rafah. «Selon le récit israélien, les forces d’occupation se sont accrochées avec ces hommes sans les avoir identifiés. L’un d’eux, qui s’est révélé plus tard être Sinwar, s’est réfugié seul dans un immeuble, avant qu’un drone israélien ne se mette à balayer ce secteur.
Des images diffusées par l’armée israélienne montrent un Sinwar au visage caché assis sur un siège avant de jeter une trique en bois vers le drone israélien qui est entré dans le bâtiment. Il a été ensuite ciblé par un obus tiré par un char sur la bâtisse», rapporte Al Jazeera. «L’armée israélienne a déclaré avoir retrouvé le corps de Sinwar le lendemain des affrontements alors qu’elle ratissait le bâtiment, et c’est à ce moment-là que son identité a été établie», précise la même source.
Selon le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, cité par l’AFP, les forces israéliennes «opéraient ces dernières semaines dans le quartier de Tel Al Soltan, à Rafah, à la suite d'informations indiquant la présence probable de hauts responsables du Hamas». «Yahya Sinwar se cachait dans des lieux que nous avions déjà inspectés, mais on ne savait pas qu’il était là», ajoute-t-il. «Mercredi, des militaires de la 828e Brigade ont repéré trois combattants qui allaient de maison en maison.»
Les soldats israéliens ouvrent le feu. «Sinwar s’est engouffré seul dans un bâtiment et nos forces ont inspecté la zone avec un drone. Yahya Sinwar, blessé à une main par les tirs, a caché son visage et lancé un bâton en direction du drone.» «Ces images, prises quelques instants avant sa mort, le montrent assis sur le fauteuil d’un salon éventré au premier étage d’un bâtiment partiellement détruit. Il a une blessure grave à une main et le visage caché par un keffieh», indique l’AFP.
Selon la radio publique israélienne Kan, le bâtiment dans lequel s’était réfugié Sinwar a été pilonné par un obus de char et par deux grenades. A sa mort, le chef du Hamas «avait sur lui un pistolet et 40 000 shekels (environ 10 000 euros)», affirme l’AFP. Daniel Hagari précise qu'«aucun otage israélien n'était à proximité des trois combattants».
Il a été procédé à un examen de la dentition du corps et des analyses ADN pour s’assurer qu’il s’agissait bien de Sinwar. Sa dépouille «a été transférée au Centre national de médecine légale, situé à Tel-Aviv», fait savoir l’AFP, qui cite la police israélienne. Selon un responsable israélien ayant examiné le corps, «Sinwar était en bonne santé malgré un an de cavale. Il a été touché par plusieurs balles, dont une à la tête», rapporte l’agence française.
«Les otages ne seront libérés qu’à l’arrêt de l’agression contre Ghaza»
Alors que le Hamas s’est abstenu après l’annonce de la mort de Yahya Sinwar de commenter la nouvelle, hier, il a officiellement confirmé la perte de son chef. Dans un enregistrement vidéo diffusé par Al Jazeera, le premier responsable politique du Hamas à Ghaza, Khalil Al Hayya, a rendu un vibrant hommage à Sinwar au nom du mouvement.
«Nous pleurons le grand leader, le frère moudjahid Yahya Sinwar (Abou Ibrahim), chef du bureau politique du mouvement de résistance islamique Hamas et commandant en chef de la bataille ''Déluge d’Al Aqsa'', qui est tombé en martyr en affrontant l’ennemi et non en tournant le dos au combat, brandissant son arme et menant ses hommes, se déplaçant entre toutes les positions de la résistance, inébranlable sur la fière terre de Ghaza, défendant la Palestine et ses lieux sacrés, inspirant et insufflant l’esprit d’endurance, de pugnacité et de bravoure», a-t-il énuméré.
«Depuis sa sortie de prison (en 2011, ndlr), poursuit-il, il a continué la lutte jusqu’à l’opération grandiose du ''Déluge d’Al Aqsa''.» «Son sacrifice s’inscrit dans la lignée de nos valeureux martyrs, sur les pas du fondateur cheikh Ahmed Yassine, de Abdelaziz Al Rantissi et (…) du guide martyr Ismaïl Haniyeh.» «Nous affirmons que ce sang versé continuera à nous éclairer le chemin et insufflera en nous une plus grande détermination», martèle Khalil Al Hayya, «jusqu’à ce que les aspirations de notre peuple à une libération complète et l’établissement de l’Etat palestinien sur l’ensemble du territoire palestinien, avec Al Qods comme capitale, soient réalisées».
Et de souligner : «Le martyre du frère et guide Yahya Sinwar et de tous les dirigeants qui l’ont précédé (…) ne fera que renforcer la détermination du mouvement ainsi que notre résistance à continuer sur la voie qu’ils ont tracée, et nous resterons fidèles à leurs sacrifices.»
Autre message délivré par le chef des négociateurs palestiniens : «Les otages (israéliens) ne seront libérés qu’à l’arrêt de l’agression contre Ghaza, le retrait total (de l’armée israélienne) et la libération de nos prisonniers», a-t-il affirmé.
Selon des médias israéliens, l’Etat hébreu pourrait garder le corps de Sinwar et l’utiliser comme monnaie d’échange dans les négociations sur les otages, sachant qu’une centaine d’Israéliens sont encore détenus par le Hamas à Ghaza.