«Notre ambition n’est pas de confisquer le pouvoir», affirme le général Abdourahamane Tiani, patron du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP). «Si une agression devait être entreprise contre nous, elle ne sera pas la promenade de santé à laquelle certains croient». «Le Niger ne restera pas les bras croisés en cas d’intervention», a-t-il prévenu.
Les événements se sont vite enchaînés samedi au Niger. Trois faits marquants sont à retenir. Primo, l’apparition du président renversé, Bazoum, posant pour une photo, puis sur une vidéo de 10 secondes, serrant la main aux membres de la délégation de la Commission des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) sur le perron d’un bâtiment à Niamey.
Secundo, le calendrier de transition annoncé à la télévision nigérienne par le général Abdourahamane Tiani, patron du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), instance issue du coup d’Etat du 26 juillet.
Tertio, la mise en garde d’Alger contre une intervention militaire qui se précise au Niger.
La délégation de la Cédéao, conduite par l’ancien président nigérian, Abdulsalami Abubakar, a, au final, rencontré samedi le président Bazoum.
«Il y a de l’espoir, pas de doute», a déclaré à des médias occidentaux M. Abubakar, estimant que la visite de la délégation a permis de «trouver une clé pour poursuivre les pourparlers jusqu’au dénouement de cette difficile affaire».
Cette même délégation a également pu échanger, plus tôt dans la journée, avec le général Abdourahamane Tiani, ce qui n’a pas été le cas lors de sa précédente médiation, début août.
Selon Associated Press (AP), la discussion d’environ deux heures visant à trouver une solution pacifique à la crise n’«a pas donné de résultats significatifs». La Cédéao n’a pas obtenu de concessions importantes à l’issue des négociations avec les représentants du CNSP au Niger, rapporte AP en se référant à une source proche de la délégation.
Selon cette source, le général Tianis a appelé l’organisation ouest-africaine à lever les sanctions imposées à son pays. «Il (Tiani, ndlr) a également exprimé à plusieurs reprises ses inquiétudes quant au fait que la France – qui compte quelque 1500 soldats dans le pays, qui avait fourni des formations et mené des opérations conjointes avec l’armée nigérienne – prépare une attaque», a révélé la même source.
La Cédéao, qui a imposé des sanctions économiques au Niger depuis le 30 juillet, n’exclut toujours pas un recours à la force pour rétablir Bazoum au pouvoir, même si elle reste accrochée à une solution politique.
Mais la réunion, vendredi, des chefs d’état-major de la Cédéao laisse penser le contraire. Lors de cette rencontre, les militaires de la Cédéao ont affirmé que le «jour de l’intervention a été fixé», tout comme les «objectifs stratégiques, l’équipement nécessaire» et «l’engagement des Etats membres».
Dialogue «inclusif»
Dans sa courte allocution, de moins de 10 minutes, lue à la télévision nigérienne, le général Abdourahamane Tiani a, certes, parlé de transition mais a surtout lancé un message clair aux va-t-en-guerre dans la région du Sahel. «Notre ambition n’est pas de confisquer le pouvoir», a dit Tiani qui a appelé à un «dialogue national».
Un dialogue «inclusif» qui devra formuler des «propositions concrètes» sous 30 jours, afin de poser «les fondements d’une nouvelle vie constitutionnelle», a-t-il ajouté. Prenant très au sérieux la menace de la Cédéao, le chef des putschistes a, dans son allocution télévisée, prévenu que le Niger «ne resterait pas les bras croisés en cas d’intervention».
«Si une agression devait être entreprise contre nous, elle ne sera pas la promenade de santé à laquelle certains croient», a-t-il déclaré, affirmant que la Cédéao souhaitait mettre «sur pied une armée d’occupation en collaboration avec une armée étrangère», sans citer de pays.
Dans les rues de Niamey, les manifestants sortis hier en soutien aux CNSP l’ont clairement nommé. Des milliers de manifestants ont, encore une fois, scandé de nombreux slogans hostiles à la France.
Selon des médias occidentaux, il était possible de lire «Non aux sanctions», «Halte à l’intervention militaire» sur certaines affiches brandies sur la place de la Concertation à Niamey.
Depuis quelques jours, des milliers de jeunes volontaires rallient Niamey pour se faire inscrire en tant qu’auxiliaires civils. Certains pourraient être mobilisés en soutien des forces armées, voire être engagés dans d’éventuels combats en cas d’intervention militaire, selon des médias locaux.
Face à cette accélération des événements, l’Algérie, tout en appelant au rétablissement de l’ordre constitutionnel au Niger, estime que seule une solution politique négociée est à même d’éviter l’irréparable.
«Éviter l’irréparable»
Le ministère des Affaires étrangères a en effet, dans un communiqué rendu public samedi, indiqué que l’Algérie «demeure animée d’une forte conviction que cette solution politique négociée demeure encore possible, que toutes les voies qui peuvent y conduire n’ont pas été empruntées et que toutes ces possibilités n’ont pas été épuisées».
«Avant que l’irréparable ne soit commis, et avant que la région ne soit prise dans l’engrenage de la violence dont nul ne peut prédire les conséquences incalculables, l’Algérie appelle toutes les parties à la retenue, à la sagesse et à la raison (…) épargnant ainsi au Niger frère et à l’ensemble de la région des lendemains lourds de menaces et de périls, dont notamment un regain de vigueur et d’agressivité du terrorisme et des autres formes de criminalité qui affectent gravement la région», lit-on dans le communiqué.
Si l’Algérie tient encore à privilégier la voie de la raison, d’autres pays de la région ne comptent pas rester les bras croisés face à une intervention étrangère au Niger. Bamako et Ouagadougou se sont déjà démarqués et menacent de répondre par la force à toute forme d’agression contre leur voisin.