Le fondateur sud-coréen de la cryptomonnaie Terra, Do Kwon, a été inculpé de falsification de documents et doit comparaître vendredi au Montenegro devant un tribunal qui étudiera une demande d'extradition. Do Kwon, dont le nom complet est Kwon Do-hyung, avait été arrêté jeudi à l'aéroport de Podgorica en compagnie de son directeur financier, Hon Chang Joon. M. Kwon, 31 ans, est le fondateur de Terraform Labs, maison-mère de la "cryptomonnaie stable" Terra qui s'est effondrée en mai 2022. Il est accusé de fraude dans ce krach qui a fait perdre environ 40 milliards de dollars (37 milliards d'euros) aux investisseurs. Evoquant l'arrestation d'"une personne soupçonnée d'être l'un des fugitifs les plus recherchés au monde", le ministre monténégrin de l'Intérieur, Filip Adzic, avait précisé jeudi que les deux hommes avaient été appréhendés aux termes d'un mandat sud-coréen. Selon les autorités monténégrines, ils détenaient des "documents costariciens falsifiés" lors d'un contrôle avant un vol qui devait le conduire à Dubaï et l'inspection de leurs bagages a également révélé des documents falsifiés belges. Vendredi, la police du Montenegro a annoncé que tous deux avaient été inculpés pour falsification de documents. En outre, "Kwon va être présenté vendredi devant la Haute Cour de Podgorica où va être entendue la demande d'extradition", a déclaré à l'AFP un fonctionnaire de la Cour sans préciser de quel pays elle émanait. En Corée du Sud, où il est recherché pour violations des règles des marchés financiers, le parquet avait auparavant annoncé qu'il allait "prendre des mesures pour rapatrier Kwon Do-hyung". "Nous y travaillons", a assuré à l'AFP Kim Hee-kyung, une porte-parole du cabinet des procureurs du Sud de Séoul. L'Agence de la police nationale sud-coréenne a indiqué à l'AFP qu'elle collaborerait avec les procureurs du Monténégro pour organiser l'extradition de Do Kwon.
Des milliards de dollars
Peu après son arrestation, un jury fédéral des Etats-Unis a retenu huit chefs d'inculpation contre Do Kwon dont ceux de fraude boursière et fraude en ligne. Selon la Commission des titres et des échanges (SEC) américaine, le trentenaire est accusé d'avoir "orchestré une fraude aux actifs cryptos de plusieurs milliards de dollars". Do Kwon est suspecté d'avoir fui la Corée du Sud pour Singapour au moment du krach de mai 2022. En septembre, des procureurs sud-coréens avaient demandé à Interpol d'émettre une notice rouge à son encontre dans les 195 pays membres de l'organisation et annulé son passeport. La police de Singapour avait alors affirmé que M. Kwon ne se trouvait pas dans la cité-Etat. La Corée du Sud est, comme le Monténégro, membre de la Convention européenne d'extradition, un accord multilatéral qui facilite les extraditions entre les pays signataires, a expliqué dans un communiqué le ministère de la Justice. Il "suivra la procédure d'extradition en accord avec les lois et les accords internationaux". Les cryptomonnaies sont de plus en plus surveillées depuis des séries de krachs, de controverses et la faillite de FTX, l'une de leurs plateformes d'échange les plus importantes. De nombreux investisseurs ont perdu toutes leurs économies quand les cryptomonnaies Terra et Luna, fondées par M. Kwon, se sont effondrées. Les autorités sud-coréennes avaient alors ouvert plusieurs enquêtes criminelles. "Il est vrai que Kwon a fait trop de mal à trop de gens, avec quelque chose qui comportait beaucoup de risques inexpliqués", a déclaré à l'AFP Cho Dong-keun, professeur d'économie émérite à l'université Myongji de Séoul.
Instable "stablecoin"
En principe, une cryptomonnaie dite stable, ou "stablecoin", garantit plus de stabilité aux investisseurs dans cet univers très volatil. Son cours peut être adossé à celui d'une devise traditionnelle ou à des actifs tangibles, mais ce n'était pas le cas de Terra qui était liée à un autre crypto-actif développé par la Luna Foundation Guard dont M. Kwon est également fondateur. Les cours du stablecoin Terra et de son jeton jumeau Luna sont très vite tombés à zéro après la dégringolade de mi-mai 2022. Selon Bloomberg News, citant la SEC, M. Kwon et Terraform Labs ont aussi extrait plus de 10.000 Bitcoins de leur projet en faillite et en ont converti une partie en espèces via une banque suisse. "Au final, Kwon n'a pas dirigé son entreprise dans le respect des lois et des principes. Il l'a exploitée pour son propre bénéfice personnel", a estimé auprès de l'AFP Kim Dae-jong, professeur de gestion d'entreprises à l'université Sejong de Séoul. "Kwon doit assurément être tenu responsable de ses actions".