Le financement et la comptabilité des partis politiques

19/08/2024 mis à jour: 22:07
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Photo : D. R.

Par M’Hamed Abaci, Financier et Auteur 

Que veut bien dire un parti politique ?

Brièvement, il peut être défini à notre humble avis, comme une force politique qui exprime un projet de société et un programme économique ainsi que des candidats crédibles et capables de l’aborder avec une culture d’ouverture engagée et démocratique par rapport à celui qui détient le pouvoir.

C’est le principe fondamental de la démocratie, dont le pluralisme doit être aujourd’hui une donnée incontournable dans notre paysage  politique. Le nombre de partis a explosé, sous l’effet d’un enthousiasme démocratique en Algérie, avec notamment l’avènement des réformes, la Constitution du 23 février 1989 mettait fin au système du parti unique.

Pour aborder la question, il serait plus judicieux de  savoir, qu’en écrivant cette contribution, qui se veut un apport de l’heure répondant à la question stratégique du  financement et son contrôle  des partis politiques algériens qui se trouve  au centre des préoccupations de l’autorité nationale  indépendante des élections (ANIE).

Ce rôle ne peut être assigné qu’à une comptabilité appropriée dite patrimoniale à partie double : d’où vient l’argent ? Où va l’argent ?  et qu’il y a lieu de mettre en place dans tout parti politique pour les besoins des activités  des partis  politiques en Algérie. Ceci dit, l’importance et l’intérêt  qu’elle revêt   est  aujourd’hui, que nul n’a le droit d’isoler ou de négliger.

Faut-il  encore le rappeler, que  la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen établit que tout citoyen a le droit de connaître l’usage de l’argent public (l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789). Elle stipule que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement et  d’en suivre l’emploi ». 

Il est à noter qu’Il est interdit aux partis politiques d’exercer toute activité commerciale , les biens mis à la disposition des dirigeants du parti politique doivent être protégés et ce n’est qu’à l’aide de la comptabilité patrimoniale communément appelée comptabilité patrimoniale dite partie double   que cette protection peut être assurée.

En Algérie  comme d’ailleurs dans toutes les démocraties, les partis politiques doivent faire face à des dépenses de fonctionnement, notamment entre autres : la location de locaux et de permanences, des frais de matériel, d’administration, des frais  de formation  de leurs cadres politiques, de promotion et de communication, des journées  études, des séminaires, des congrès et des sondages et, bien souvent, les frais du personnel  permanent.

Surtout, les partis qui  engagent des sommes considérables pour soutenir leurs candidats  au moment des élections,  la confection du journal du parti. Pour financer ces dépenses de  fonctionnement du parti ne peuvent être assurées  qu’à l’aide de recettes constituées, notamment  des subventions et aides de l’Etat et des cotisations de leurs adhérents-militants et en recourant  aussi à l’épargne.

Dans ce cadre, il est tout à fait normal que ces adhérents-militants, des électeurs, des citoyens en général  soient informés de l’utilisation de leurs contributions et c’est, également, à l’aide de la comptabilité que le compte rendu de cette gouvernance et gestion des partis politiques est sécurisée et  possible pour garantir une meilleure gestion de l’argent public lié aux subventions de l’Etat.

A cet effet,  les partis  politiques disposent de deux sources  principales de revenus: un financement privé d’origine nationale et  l’aide publique de l’État. Les cotisations de leurs  membres,  les dons et  legs, les revenus liés à leurs activités et leurs biens résultant d’investissements non commerciaux et enfin les aides et subventions  éventuelles de l’Etat à affecter  aux partis politiques  sont  inscrites  au budget de l’Etat. 

Dans ce cadre précis,  tout parti politique doit tenir une comptabilité patrimoniale  en  partie double et produire ses comptes annuels en appliquant pour cela, un nouveau référentiel comptable international dit IAS (International Accounting Standards) et IFRS (International Financial Reporting Standards), qui vise une meilleure visibilité des finances et de disposer de chiffres crédibles, notamment d’indicateurs financiers et de gestion  fiables et vérifiables et comparables avec les comptabilités des partis politiques  en Algérie et à l’étranger.

Un référentiel comptable est un ensemble cohérent de règles d’enregistrement des opérations, de flux financiers   et de présentation des états financiers et comptables de synthèses (bilan, compte de résultat et annexes y afférents).

Cela,  constitue une étape vers une professionnalisation de la gestion des formations politiques, afin de garantir une relation de confiance entre les partis politiques d’une part , les adhérents-militants , les électeurs et  les personnes physiques nationales susceptibles de s’engager politiquement ou financièrement en faveur d’un parti politique et d’autre part   les pouvoirs publics en matière de subventions».

En plus de cette mission d’intérêt public, la comptabilité des partis politiques soit  une préoccupation permanente en faveur d’une véritable politique de financement de nos formations  politiques, surtout celui lié aux subventions de l’Etat, de  leurs militants –adhérents ou  les apporteurs de fonds privés d’origine nationale.

Par ailleurs, elle résulte du fait que la comptabilité est un moyen de transparence dans la vie publique.  De plus, elle est susceptible d’apporter des valeurs ajoutées, dont notamment  pour mieux s’assurer de l’observation et de l’analyse, afin de construire un système  de gouvernance  politique de qualité  dans notre pays.

Cela traduit, une gestion saine et fiable  dans la vie publique et politique qui est celle qui se fondera sur les données comptables aux normes internationales, pour ne pas mettre des chiffres au hasard, on sait expliquer chaque chiffre ou indicateur qui est communiqué. Il y a en effet,  un énorme besoin qui urge  de disposer d’une information financière et comptable vérifiable,  fiable, et crédible au moment où le problème des statistiques est réellement posé avec acuité en Algérie.

Nous donnerons ci-après un bref aperçu qui nous paraît très important dans ce contexte :

Il convient pour cela de rappeler d’abord, que le financement des partis politiques algériens : appelle aujourd’hui à quelques adaptations dans le souci  d’accomplir au mieux leur mission d’intérêt public  national et local.

Évidemment  avec  l’objectif  de moderniser leur gouvernance, notamment de développer une politique de gestion et de communication saine pour un regard nouveau  dans l’optique  promouvoir la bonne gouvernance politique publique dans notre pays  et la gestion interne de ces derniers.

En effet, comme toute organisation, les partis politiques ont besoin d’établir leurs comptes et donc de se doter de la  tenue d’une comptabilité  patrimoniale appelée communément comptabilité financière  en conformité avec la loi n° 07‐ 11 du 25 novembre 2007 portant Système Comptable Financier (en vigueur depuis le 1er janvier 2010).

Cela, nécessite un plan comptable spécifique et adapté qui permet  d’appréhender les spécificités de la gestion des partis politiques  pouvant conduire à  l’évaluation régulière au niveau  central et local de chaque parti , à savoir un suivi comptable, financier et un contrôle interne et externe  fiable  des activités des partis.

Cela, vise une meilleure visibilité et traçabilité des opérations de gestion  financière ainsi que l’origine  et la destination des fonds  des partis politiques. Aussi,  de disposer de  données et chiffres crédibles, notamment fiables et vérifiables dans le souci d’une moralisation de la vie  politique de nos partis.

L’objectif est d’innover  leur capacité financière, afin de trouver un équilibre  dans l’autonomie  financière  et comptable  et  l’action politique sur le terrain avec les impératifs de  la démocratie. Voire la sécurité juridique, dont notamment la protection des fonds et valeurs  des partis politiques  ou encore visant à tisser et  renforcer les liens  entre l’Etat et les partis  politiques en matière de financement public  basés sur les données comptables. Tel est le thème de notre contribution.

Est-il utile d’en rappeler les raisons ? 

Tout parti politique, dès qu’il est agréé, est doté d’une personnalité morale et  normalement d’un patrimoine de départ constitué de biens meubles, immeubles et financiers fournis par les membres fondateurs ou d’autres personnes physiques d’origine nationale.

Ces biens meubles et immeubles ainsi que les moyens financiers sont  fournis à la constitution du parti politique sont réunis pour constituer un patrimoine distinct et exploité pour les besoins des activités du parti. 

Ce rôle ne peut être assigné qu’à une comptabilité appropriée et qu’il y a lieu de mettre en place dans tout parti politique. Ainsi,  l’obligation de tenir une comptabilité patrimoniale (livres comptables, documents et pièces comptables obligatoires), l’obligation de tenir un inventaire des biens meubles et immeubles, l’obligation de justifier l’origine des ressources financières.

A contrario, nous citons un exemple : les comptes des campagnes électorales, personne ne peut vérifier les comptes des partis politiques et apprécier, par exemple, si une dépense a bien été réalisée en vue de l’action politique et pas pour se payer  autre chose…

Quel objectif assigné à la comptabilité des partis politiques  en Algérie ?

A cette interrogation, nous essayons d’apporter un éclairage aussi complet que possible sur cette  question de  l’heure que nous considérons comme un élément important dans notre contribution  qui s’inscrit, notamment dans le cadre de  la  nouvelle gouvernance financière et comptable  de l’Etat en Algérie.

C’est dire, tout l’intérêt qu’on porte sur l’implantation de l’outil  comptable ,  en tant que technique comptable et méthode scientifique pour avoir une meilleure connaissance et compréhension du fonctionnement et de l’organisation de  nos formation politiques et par voie de conséquence permet ainsi  de prendre des décisions  stratégiques et d’effectuer des choix plus rationnels et judicieux (rationalité de gestion et rationalité politique)  qu’il faut donc opérer entre les différentes stratégies et visions des partis politiques.

Il s’agit là,  d’une grande occasion pour nos partis politiques  de la mise à niveau de leur gouvernance et  leur gestion aux normes et aux pratiques internationales plus assorties de sûreté et d’expertise. 

En effet, fortement enrichie, la comptabilité générale communément appelée comptabilité patrimoniale  ou  financière   dite « en  partie double  » apporte une vision patrimoniale des partis politiques : Il ne s’agit pas seulement de savoir ce qu’un parti politique a dans ses caisses, mais d’apprécier ce que sont ses richesses (biens meubles et immeubles) , ses dettes, ses  engagements qu’il peut être amené à honorer, afin de mieux appréhender la situation financière  à  court terme, moyen et long terme  des partis politiques.

La comptabilité patrimoniale  décrit ainsi ce que le parti politique possède et  contrôle son patrimoine (terrains, immeubles, meubles,  créances, stocks, trésorerie, matériels  et équipements…) , ce qu’il doit ( engagements ) et ce qu’il peut être amené à payer dans le futur comme les charges à payer ou produits à percevoir  ou encore ses engagements hors bilan.

Cette obligation  est d’une mission d’intérêt public et nationale où  « tout parti politique est considéré comme institution publique ». Là également intervient le concept de contribuable intéressé à l’importance de l’utilisation et du contrôle de l’argent public.

En outre le parti politique est tenu de disposer d’un compte ouvert auprès d’une institution bancaire, en son siège ou en ses agences ou succursales implantées sur le territoire national. Aujourd’hui, la sanction de la vie politique  des partis est suffisamment sérieuse pour que la comptabilité patrimoniale  soit une préoccupation permanente, notamment leurs actifs doivent être  mieux inventoriés, mieux évalués, mieux gérés et contrôlés.

Leur comptabilité se doit d’épouser le modèle  de gestion et de contrôle  de l’organisation de  l’entreprise.  Ainsi, il convient d’assurer la protection  de leur patrimoine et son suivi comptable et financier de son évolution et son développement dans les activités des partis.

En  effet, d’optimiser les actifs des partis politiques en normes comptables internationales, dans la mesure où la réforme comptable  de l’État et des entreprises que nous plaidons depuis  l’avènement des reformes  en 1989.

Il s’agit alors, d’utiliser les représentations comptables soit comme base argumentaire pour promouvoir leurs intérêts et convaincre les autres parties prenantes, soit dans une optique de légitimation à posteriori des décisions prises.

En effet,  l’évolution  politique, sociale et économique des sociétés démocratiques rend de plus en plus nécessaire l’information financière  des citoyens, des adhérents- militants qui partagent avec les  fondateurs de partis politiques et apporteurs de capitaux d’origine nationale.

Dans ce cadre, l’information comptable est  utilisée pour une meilleure transparence du financement dans la vie politique des partis. Cela, constitue une obligation incontournable des partis politiques dans un esprit de participation à toutes les réformes liées  à la gouvernance  et gestion publiques du pays. Mais également  à  favoriser la création des liens solides et crédibles à l’égard des citoyens et de l’Etat, afin d’asseoir une meilleure confiance publique en général.

Elle constitue ainsi un facteur- clé pour un  bon pouvoir  dans la vie politique, dont découlent les droits et obligations conformément à leurs statuts et de confiance envers les militants-adhérents, les électeurs, les contributeurs, l’Etat et les citoyens en général,.

C’est une garantie d’une meilleure information financière aux normes comptables internationales dites IAS/IFRS,  pour une avancée dans la quête d’un renouveau d’une  gouvernance rénovée visant un meilleur pilotage des partis politiques algériens.

Il apparait donc nécessaire  de faire évoluer leur gouvernance, leur gestion et leur contrôle interne et externe (contrôle légal). Cela constitue, la garantie-clé de confiance pour asseoir une coopération transparente et fructueuse avec les  fondateurs de partis politiques, les apporteurs de fonds privés d’origine nationale et public (l’Etat), les adhérents-militants et les électeurs. Il apparait ainsi,  d’œuvrer à imposer des règles de saine gestion des finances des  partis politiques dans le souci  d’une mission d’intérêt public.

Pour terminer, qu’au regard de ce qui précède, les partis politiques doivent établir et approuver leurs  comptes annuels  consolidés, qui s’étendront aux niveaux national et local. C’est à dire, les comptes correspondant au niveau local, seront intégrés (consolidés) aux comptes du niveau national (siège du parti).

Les comptes de ces formations politiques  doivent être certifiés  selon  la taille du parti par un ou deux  commissaires aux comptes qui ont pour mission de formuler un avis motivé sur la régularité  et la sincérité des comptes des  formations politiques.

En outre les partis politiques doivent publier sur leur site internet, dans un délai maximum d’un mois à compter de la date de certification par un ou deux commissaires aux comptes la  publication des documents comptables de synthèse et accessibilité par la presse et le grand public ,à savoir :   le bilan, le compte de résultat et l’annexe 3 fournissant des compléments d’information aux comptes annuels. M. B.

 

 

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