Les institutions financières internationales (FMI et BIRD) nées de Bretton-Woods, en 1944, avaient comme noble mission affichée de «réguler» l’économie mondiale afin qu’elle n’engendre plus de conflits mondiaux, comme ceux de la Première et la Seconde Guerre mondiales.
Deux positions diamétralement opposées se sont confrontées, déjà à cette époque quant au problème crucial de la monnaie internationale de transaction et de réserve. En effet, Lord J. M Keynes proposait de créer une monnaie internationale en dehors des devises nationales, gagée sur l’or, afin argumentait-il de ne pas retomber dans le même scénario avec la livre sterling.
De l’autre côté le ministre des Finances américain White considérait que le dollar américain était «as good as gold» ! Qui gagnera ce rapport de force, pensez-vous ? Il est clair qu’à cette époque les USA vont devenir la première puissance économique mondiale boostés par l’effort de guerre, sans qu’ils ne subissent aucune destruction massive comme l’Europe, théâtre des opérations militaires.
Mais les négociateurs avaient arraché une relation organique à l’or, à travers une convertibilité totale et permanente, préalablement définie (35 US$ l’once d’or fin). Le « gold exchange standard» était né et va remplacer le «gold standard» né après la conférence de Gêne, de 1922. Il va perdurer jusqu’en 1971, date à laquelle le Président R. Nixon va décider unilatéralement de «geler» la convertibilité du dollar américain en or !
La confiance internationale du dollar dans les transactions internationales et des réserves va prendre un sacré coup mais pas au point de le destituer, comme ce fut le cas pour la livre sterling, après la seconde guerre mondiale. Les accords de la Jamaïque vont rafistoler le système monétaire et financier international sans le guérir, après une période de «flottement» des monnaies fortes concurrentes et une dévaluation sanction du dollar américain.
L’un des facteurs qui a joué pour le maintien du dollar américain avec cette double casquette de monnaie nationale et internationale, à la fois c’est très certainement le fait que cette devise était et est toujours la monnaie de transactions des contrats des hydrocarbures et d’autres matières premières essentielles (céréales, or, minerais…).
Les «zones monétaires» vont naître dans la douleur, avec leur lot de crashs monétaires et financiers qui vont marquer cette période. La création de l’écu puis de l’euro, par les Européens (les accords de Maastricht), sont nés de la volonté des pays européens de se protéger de la dictature du Ddollar (certains parlent d’impérialisme monétaire) et de ne pas subir ses contrecoups négatifs pour leur économie.
Deux éléments majeurs vont apparaître et remettre en cause la suprématie du dollar par rapport aux autres monnaies, la monnaie digitale, l’émergence des autres monnaies dans les transactions et les réserves et enfin, le début du libellé des contrats des hydrocarbures et d’autres matières premières en une autre monnaie que le Dollar.
Le phénomène de la digitalisation des monnaies (une monnaie sans support papier) rend le recours obligatoire au dollar aléatoire, ce qui va influer négativement sur les réserves de changes en dollar des banques centrales de tous les pays au monde (baisse à moins de 60% de la part du dollar, aujourd’hui), puisqu’elles vont réviser la structure de leurs réserves en diminuant drastiquement la part du dollar.
La digitalisation naissante de la monnaie va également diminuer le rôle du dollar, puisque par définition elle n’a pas de nationalité et donc va permettre un reflux des dollars vers le pays émetteur, avec toutes ses conséquences sur l’inflation et la récession économique des USA. En outre, le libellé dans d’autres monnaies que la dollar, sur le marché des hydrocarbures et des autres matières premières, sonne le glas de l’hégémonisme du dollar dans les transactions et les réserves de change.
Enfin, l’économie de troc, qui représente déjà 30% du commerce mondial selon l’OMC, va certainement se raviver et converger dans cette tendance lourde de la transformation graduelle de l’économie mondiale. Tous ces éléments conjugués ont été catalysés par les sanctions (embargos, blocage du système SWIFT…) infligées à la Russie, par les USA et ses alliés, du fait du conflit ukrainien, dans la mesure où d’autres pays (la Chine, l’Inde, monarchies du Golfe, Amérique latine…) se «préparent» à subir des sanctions, au cas où leur politique intérieure (droit de l’homme, liberté individuelle et collective…) ou extérieure (le non-alignement sur le soft power américain), venaient à entrer en conflit avec les intérêts américains.
Des contre-mesures sont donc initiées, notamment par la Chine, qui est très en avance (déswiftage et utilisation du renminbi numérique et du CIPS), comme le «sans dollar» des Bahamas qui devient la première monnaie centrale entièrement numérique au monde. La question fondamentale qui se pose est celle qui consiste de savoir jusqu’à quand la confiance au dollar américain va-t-elle durer, car sa chute est inscrite dans l’histoire monétaire mondiale ?
Par Mourad Goumiri
Professeur associé