La Coupe d’Afrique des nations s’achèvera demain au Cameroun avec la finale Sénégal – Egypte, épilogue d’une compétition endeuillée par la bousculade de Yaoundé qui a fait huit morts et teintée de problèmes d’organisation.
Quand Valentin Kamga arrive au stade d’Olembé pour la demi-finale Cameroun-Egypte de la CAN, il souffle à son amie : «ça s’est passé ici.» Dix jours plus tôt, huit supporters, dont un enfant, mouraient piétinés et trente-huit autres étaient blessés. Ce drame survenu avant le huitième de finale entre la sélection hôte et les Comores a mis un doute sur la capacité des organisateurs à mener à bien la compétition, déjà confrontée à des retards dans sa préparation.
Le Cameroun devait relever plusieurs défis dans un contexte marqué par une rébellion séparatiste anglophone à l’ouest et les djihadistes au nord, des règles sanitaires anti-Covid drastiques, de lourdes condamnations d’opposants politiques et des accusations de dilapidation des deniers publics. Valentin Kamga a hésité à se rendre au stade jeudi, où les Lions indomptables se sont inclinés aux tirs au but devant les Egyptiens en demi-finale (0-0). «Quand il y a mort d’homme, tout le monde prend peur», lâche-t-il, à quelques mètres de l’enceinte multicolore et flambant neuve d’Olembé. Les tribunes étaient d’ailleurs peu remplies ce soir-là à Yaoundé, où le contrôle des billets et des pass sanitaires a été renforcé pour exclure les resquilleurs des matchs précédents.
«Les Camerounais ressortent avec la fierté d’avoir organisé une très belle CAN et d’avoir offert une belle ambiance à toute l’Afrique», s’enthousiasme toutefois Elvis Kiiben, 30 ans, en regardant ses petits frères jouer au foot sur un terrain de terre. En pleine résurgence de la pandémie avec l’irruption du variant Omicron, le pays hôte a accueilli les 24 équipes, y compris dans l’ouest anglophone, théâtre d’un sanglant conflit séparatiste depuis cinq ans. «Globalement, la CAN a été une réussite, mais je suis écœuré des détournements et de la corruption dans son organisation, alors que la plupart des Camerounais, comme moi, ne pouvaient pas aller au stade à cause du prix des billets», déplore auprès de l’AFP Bruno Magloire Ebassa, un fan vivant de petits boulots. Les tarifs oscillent entre 3000 à 6000 francs CFA pour les moins chers (4,5 à 9 euros) dans un pays où un tiers des habitants vit avec l’équivalent de moins de deux euros par jour, selon la Banque mondiale. Ces tarifs et les mesures anti-Covid – cycle complet de vaccination plus test négatif, jauge de remplissage de 60% à 80% – expliquent la faible affluence.
Retards
«On ne peut pas se féliciter d’avoir livré le stade d’Olembé avec trois ans de retard sur la date prévue», et un important surcoût, renchérit M. Ebassa, regrettant aussi que l’état de la pelouse du stade Japoma, à Douala, ait entraîné la délocalisation à Yaoundé d’un quart de finale et d’une demie. Le Cameroun, choisi pour organiser la CAN-2019, avait dû être remplacé par l’Egypte au dernier moment, car il n’était pas prêt. Les polémiques sur l’avancée des travaux, entamés en 2016, du stade d’Olembé se sont prolongées jusqu’à la veille de la nouvelle édition, ses abords n’étant pas achevés le jour de la cérémonie d’ouverture. «Nous en sommes environ à 3.500 milliards de francs CFA (plus de 5,3 milliards d’euros)», assure à l’AFP le député de l’opposition Jean-Michel Nintcheu, pour qui «il y a eu surfacturation à tous les niveaux». Les autorités n’ont jamais communiqué de chiffre officiel ou d’estimation du coût global, selon lui.