Le blé et l’olivier

12/09/2023 mis à jour: 07:50
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Il est fort à craindre que la dynamique de développement enclenchée dans le secteur de la production agricole, depuis plusieurs années, ne soit contrariée, et lourdement, par les hostilités du nouveau contexte climatique.

L’Algérie, comme tous les pays de l’Afrique du Nord, fait partie des contrées du monde les plus concernées par les sombres scénarios en matière d’impact du réchauffement climatique : des épisodes de sécheresses extrêmes et étalés dans le temps et des vagues de chaleurs plus fréquentes et plus prolongées. Soit, les deux ennemis jurés de la prospérité agricole et de la sécurité alimentaire.

L’été qui tire à sa fin a donné une démonstration on ne peut plus éloquente de ce qui sera le lot à venir de la région sur le registre. Le mois de juillet y a connu les températures les plus élevées de l’histoire de la météorologie, avec cette majoration régionale prévue par les spécialistes en Afrique du Nord et se situant à près de 4° Celsius sur la moyenne du réchauffement mondial. Quelques villes du Nord algérien ont ainsi pu figurer, plusieurs jours durant, sur le listing mondial des villes les plus chaudes de la planète.

Du «jamais vu» que tous les pronostics avisés annoncent comme la norme climatique du futur proche et du moyen terme. Sur le plan agricole, un constat empirique suffit à observer une nette baisse de la disponibilité et de la qualité  des produits de saison sur le marché, notamment les fruits.

La région de Boumerdès, pour l’illustration, spécialisée depuis quelques années dans la production du raisin, a vu sa production globale chuter de près de 50%, des suites de la canicule inédite du mois de juillet, laissant sur le carreau de nombreux agriculteurs qui ont beaucoup misé sur les récoltes pour continuer à développer la filière.

En attendant une évaluation technique des services spécialisés, le patrimoine arboricole, déjà mis à mal par une suite d’années avares en pluies, semble avoir globalement subi un méchant coup cet été.

Des oléiculteurs en Kabylie estiment que les oliveraies, pourtant naturellement résilientes aux conditions d’aridité, affichent des signes qui annoncent des récoltes catastrophiques cette année, sur fond de dépérissement accéléré de certains vergers. Sur le long terme, les modèles prévisionnels en matière d’impact climatique sur l’agriculture donnent, en tout cas, des frayeurs. Le péril serait réel sur la pérennité même de certaines cultures multiséculaires et emblématiques en Méditerranée. Le sacré olivier en ferait partie.

Lors d’une rencontre consacrée à la présentation de la stratégie nationale de développement de la production des céréales, tenue hier à l’Ecole nationale d’agronomie (ENSA), le ministre de l’Agriculture a reconnu que les 5 dernières années ont été particulièrement défavorables en matière de précipitations et que le secteur en a sérieusement pâti.

La rencontre, coprésidée par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, a vu l’exposé des grandes lignes de l’élan que veulent imprimer les autorités publiques au secteur sensible de l’agriculture au moment où deviennent de plus en plus sensibles les enjeux de sécurité alimentaire. On a vu comment la récente décision du gouvernement indien de limiter l’exportation du riz, pour prévenir tout déficit de son offre interne, a provoqué l’affolement sur un marché mondial déjà déstabilisé par le conflit armé en Ukraine.

Les grands axes de la «stratégie nationale», fruit d’un groupe multisectoriel d’experts et de chercheurs, tablent, notamment, sur un investissement plus soutenu dans le sud du pays pour la filière céréalière et une réorientation des vocations agricoles de certaines wilayas, en adéquation avec les nouvelles contraintes climatiques.

L’association de l’université à la réflexion permanente sur l’agriculture de crise, puisque c’est de cela qu’il s’agira un peu partout dans le monde désormais, devient une nécessité vitale et c’est bien qu’on l’ait formalisée. Les solutions scientifiques seront le nerf de la guerre pour la sécurité alimentaire, autant, sinon plus, que les moyens financiers.

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