Farida Sahoui se défend de faire dans le combat féministe, elle qui vient de consacrer son tout premier roman en tamazight à la condition de la femme dans notre société et estime que l’on se doit d’être «fiers de notre langue maternelle et de notre culture».
Farida Sahoui qui était, samedi dernier dans l’après-midi, le cinquième auteur invité de l’atelier Si Amer Boulifa de littérature amazighe lancé, début août dernier par l’association culturelle Tanekra d’Agouni Fourrou, dans la région des Ouacifs, a soutenu ne pas faire dans le combat féministe suite à la sortie il y a quelques semaines de cela de Aggus ou Ceinture, son tout premier roman en tamazight. «Je ne fais pas du féminisme», s’est défendue la fille des Ath Bouadda, dans la région d’Azazga dont le roman a pour trame principale la condition de la femme dans notre société et sa résistance face aux aléas de la vie et ses injustices. «Je ne fais que partager avec mes lecteurs et lectrices ce dont j’ai été personnellement témoin et ce qui ma été relaté en ce qui concerne tout ce que la femme a enduré et peut endurer encore dans notre société où elle a du mal à donner sa place».
Ledit roman a pour principal personnage Tassadit qui a été privée de son enfant ainé, quelque temps après le décès de son mari pour «illégitimité» de son second enfant que sa famille ne reconnait pas.
C’est alors le parcours du combattant pour Tassadit (chanseuse) dont le prénom sonne faux d’avec son destin qui a dû vivre ailleurs, loi de son village, pour subvenir à ses besoins et ceux de son enfant. Pour agrémenter son sujet, l’auteure nous invite à un voyage dans le temps, celui nous replongeant dans le mode de vie des familles kabyles de cette époque. Rien n’est négligé cérémonies de mariage, relation belle-fille / belle-famille, le rôle et le poids de la grande famille, l’ordre familial et social, la misère, les maladies, l’honneur, l’exil, la jalousie, la malédiction. Et dans un contraste saisissant, Farida Sahoui nous livre l’autre facette du vécu à cette époque, le «bonheur de ces mêmes familles, rare mais combien intense», affirme celle qui se défend de faire dans la combat féministe. «Je n’ai fait que relever les contradictions, les complexités sociologique et psychologique de notre société».
Dans ce roman, l’auteure use de mots peu usuels, une démarche volontaire, explique-t-elle, affirmant que cela résume l’éditeur du livre.
Ce dernier explique que cela participait de son souci de «redonner vie à un lexique et un langage, notamment féminin, et sa sauvegarde!» A ce niveau, Sahoui reconnaît faire dans le militantisme puisqu’elle dit «participer au développement de la langue kabyle et enrichir son vocabulaire». Et ce roman a été précédé d’un assez long travail sur la mémoire avec comme objectif, dit-elle, de se «réapproprier» l’histoire antique de notre pays en revisitant, à travers ses ouvrages, les parcours de familles kabyles exilées en Tunisie (2017), un essai sur le roi Jugurtha en trois langues (2019) ou encore les années de gloire de la Numidie et sa contribution à l’écriture de l’histoire de l’humanité dans son livre intitulé Tamazgha, terres des nobles et des résistants, mais pourquoi cette manière de traiter de la chose historique ? L’auteure dit «privilégier l’histoire amazighe car on a une très belle histoire qui est hélas mal racontée. On est emprisonné des lectures des autres au point où ils ont réussi quelque part à semer le doute sur tout ce qu’on peut faire. J’ai essayé d’effacer certains mensonges et de les remplacer par des vérités historiques. «J’ai essayé de retrouver notre place dans cet univers où les Amazighs ont beaucoup donné pour l’humanité».
«On est un peuple qui aime les autres, qui a le courage d’aller vers toutes les langues, mais parfois, c’est les autres qui n’ont pas le courage de venir vers nous. J’ai parlé de la résistance de la langue amazighe et de mon attachement à cette langue. Même si j’écris en français, je défends ma langue et c’est une manière de défendre toutes les anciennes langues autochtones de toutes les cultures du monde», dit-elle estimant que l’on doit de «prendre conscience de notre héritage et être fiers de notre langue maternelle et notre culture», estime celle qui affirme être sur d’autres projets d’essais historiques qui s’inscrivent dans la continuité de ce qu’elle a déjà écrit dont, cite-t-elle, de nouveaux ouvrages dédiés à d’autres familles exilées en Tunisie et l’illustres reine guerrière amazighe Dihia, morte au combat, dans les Aurès en 703. M.K.