Hacène Menouar, président de l’association «El Aman» pour la protection des consommateurs, a salué la décision prise par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, de réduire la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au maximum sur la production de volaille et d’autres produits alimentaires importés en Algérie.
Cependant, il a précisé, lors de son intervention dans l’émission «L’Invité de la rédaction» sur la Chaîne 3 (Radio nationale), qu’il «faudra faire un autre travail complémentaire». «On doit devenir un peu plus autonome surtout concernant les produits de première nécessité.
On mange beaucoup de volaille en Algérie qui est importée à 80% en tenant compte des intrants, les poussins, l’aliment avicole et les produits vétérinaires», a-t-il fait remarquer. Pour lui, il faut mettre à profit cette situation pour investir et produire davantage en Algérie. Durant plusieurs années, le cheval de bataille de l’association El Aman est d’aller vers la diversification de consommation des viandes. «Pourquoi manger autant de produits importés ?
Cette intention de faire diminuer la TVA devrait se faire sous contrôle d’experts, il y a le risque que cela ne profite pas de façon appropriée aux consommateurs mais plutôt à certains opérateurs qui sont dans l’informel et aux intermédiaires qui ne ratent jamais de telles occasions», a-t-il averti.
La TVA ne peut pas être complètement éliminée, car c’est une ressource pour le Trésor public. En 2016, l’association avait proposé une révision bien réfléchie du système de la TVA, proposant un taux de 0 à 5% pour les produits de base, mais les produits de luxe (véhicule 4x4, bijouterie, horlogerie), la TVA pourrait augmenter jusqu’à 30%. Avec cet équilibre, ni le Trésor public ne sera perdant, ni le consommateur ne sera affecté. Il faut aussi, note l’invité de la Radio nationale, numériser pour éviter les déperditions et la spéculation.
Hacène Menouar regrette que «notre mode de consommation n’est pas responsable, rationnel, ni même sain, on mange d’une manière qui n’est pas bonne pour la santé, on impacte d’une manière très négative pour notre économie. Nous faisons beaucoup de pression sur des produits qui n’ont pas vraiment beaucoup de sens et en grande partie importés et soutenus». «Il faudrait avoir le courage de migrer vers une consommation plus saine», insiste M. Menouar. Dans le même contexte, le plafonnement des prix pourrait être «une excellente solution, mais il va falloir aussi le faire après étude et expertise. On doit contrôler en amont, superviser les productions et déterminer le coût réel de revient pour fixer des prix de référence». Ils doivent être fixés aussi par rapport au pouvoir d’achat.
Le ministère de l’Agriculture et du Développement rural avait fixé récemment les prix de référence des légumineuses (pois chiches, haricots, lentilles). L’association réclame que ces prix soient révisés et qu’ils soient élaborés sur la base du pouvoir d’achat, ce sont des produits de base consommés généralement par une population vulnérable, les protéines végétales pourraient remplacer les protéines animales. «Ces produits ne doivent pas dépasser les 200 DA, alors qu’ils sont actuellement à plus de 300 DA», dira-t-il.
Des prix de référence élaborés sur la base du pouvoir d’achat
Il a abordé ensuite le sujet de la sécurité alimentaire en Algérie qui est un «défi multidimensionnel» qui nécessite une approche globale, allant de la production alimentaire à la distribution, en passant par la gestion des ressources naturelles et la promotion de régimes alimentaires sains. «Si nous avons actuellement la sécurité alimentaire, c’est parce que nous avons un peu d’argent (les réserves de change), mais à partir de 2030/2035, que va-t-il advenir de notre économie, quand le gaz ne va plus suffire pour en même temps le vendre et le consommer localement ?» s’interroge-t-il.
L’interlocuteur avertit qu’il faudra «aller au-delà pour atteindre la souveraineté alimentaire, sans oublier la sécurité sanitaire des aliments pour préserver la santé publique. Au vu des menaces qui nous guettent à commencer par le changement climatique jusqu’aux guerres qui redessinent la carte du monde, on doit éveiller les consciences que ce soit les pouvoirs publics, la société civile ou les citoyens, il va falloir travailler autrement, réellement et efficacement pour ne plus être totalement dépendant du marché international surtout concernant les produits de premières nécessité». Selon lui, l’ère de l’opportunisme et du populisme est en train de partir, «nous devons laisser place au professionnalisme, aux associations qui produisent des idées, proposent des solutions de sortie de crise et qui soutiennent concrètement des projets».
Hacène Menouar est plutôt pour la révision de la subvention. «L’Etat dépense presque 20 milliards de dollar alors que ce n’est pas tout le monde qui en profite, ou plus clairement, ceux qui en profitent ne sont pas toujours les nécessiteux, alors que cette somme pourrait être investie dans les transferts d’eau qui pourrait être à l’origine de guerres à l’avenir».
Les associations de défense des consommateurs sont-elles écoutées, consultées et leurs avis sont-il pris en considération ? Sa réponse se veut très diplomatique : «Nous avons été associés à plusieurs actions mais cela reste insuffisant.»
Concernant les moyens de renforcer le pouvoir d’achat, il dira qu’il y a plusieurs actions à mener par les pouvoirs publics, notamment la révision de certaines taxes, la mise en place de mesures de facilitation pour investir en importation ou en production, élaboration de la carte agricole pour soutenir les agriculteurs et les accompagner pour qu’ils ne produisent pas plus, ni moins qu’il n’en faut pour avoir l’équilibre entre l’offre et la demande et mettre en place des plateformes stratégiques de régulation des marchés.